Colloque inter-religions : « Migrants, ni anges, ni démons. L’hospitalité à l’épreuve »
Plus de 250 participants se sont réunis à l’Abbaye de Saint-Jacut-de-la-Mer, le week-end du 27 au 29 janvier 2017 pour un colloque interreligieux annuel. Des jeunes de toute la France se sont associés au dialogue des pensées et des écritures. La dynamique d’échange s’est ouverte à la mixité sociale, culturelle et religieuse. Il était question de l’accueil du migrant comme de son prochain. Rencontre avec quelques intervenants…
Catherine Egremy
N’ayez pas peur !
La migration suscite bien des peurs et des incompréhensions. Alors comment rassurer, expliquer, comprendre ? Pour Laurent Grzybowski, journaliste à La Vie, il est important de rester dans le réel et d’échapper aux idées reçues. Oui, les migrants sont instrumentalisés par les médias, la politique et la société. Non, «la phobie de l’invasion» n’est pas fondée. En 2016, l’organisation nationale pour les migrations compte 130 000 migrants arrivés en Europe. Sur une population de 508 293 000 européens (source INSEE 2016), les migrants ne représentent alors que 0,025%.
Pour un accueil et une intégration réussie de l’étranger, « nous devons nous donner les moyens matériels et humains nécessaires », pour devancer les problèmes et éviter les drames et tragédies que nous connaissons (avec les bidonvilles de Calais, et les naufrages de la mer Méditerranée).
S’ouvrir aux autres
L’enjeu de la migration n’est pas que politique, économique et social, il concerne chacun d’entre nous. Mohamed Loueslati (1), responsable de l’aumônerie musulmane des prisons pour le Grand Ouest de la France, pense que nous devons changer notre regard. « L’amour de l’autre doit être humaniste, universel. Notre espèce humaine est indivisible. » Nous devons respecter nos différences et lutter contre l’individualisme. « La foi en Dieu ne suffit pas, il faut avoir aussi une foi profonde en l’être humain, se dire qu’il peut changer et que l’on peut y contribuer. »
Au colloque de Saint-Jacut-de-la-Mer, l’accueil de l’étranger est effectivement au cœur de toutes les religions représentées. L’histoire de la migration est aussi celle de l’humanité. Elle est également dans les Écritures, en commençant par Abraham. Éléonore Léveillé-Belutaud (2), pasteur de l’Église Protestante Unie de Saint-Malo, rappelle que l’ouverture aux autres s’inscrit dans le fondement de notre identité chrétienne : « S’ouvrir aux autres, à l’Autre, c’est accueillir Dieu dans nos vies. »
Accueillir dans la dignité
L’action associative et caritative était largement représentée par l’expérience reconnue du Secours Catholique et la participation de ses bénévoles. « Sa première mission est d’éveiller à la solidarité, pour faire face à sa société et à son temps. » En effet, le cadre institutionnel ne peut satisfaire tous les besoins, de même que l’association ne peut se substituer au rôle administratif de L’État.
Pour le Secours Catholique, la nécessité n’est pas de répondre uniquement aux situations matérielles d’urgences, comme se loger, se vêtir, se nourrir, mais d’accueillir la personne dans son humanité, pour lui révéler sa propre richesse, ses ressorts naturels, en plénitude, et au-delà de ses besoins naturels. Emmanuelle Hérin (3), Déléguée pour l’Ille-et-Vilaine, soutient que « toute personne humaine qui souffre, doit être accueillie dans sa pauvreté, comme un enfant de Dieu ».
Nous comprenons que la spiritualité s’inscrit dans les besoins fondamentaux de l’Homme, même s’il n’est pas tout de suite exprimé. Pour un migrant, le parcours est souvent long, douloureux, et humiliant. L’attente du demandeur d’asile peut prendre de nombreuses années avant de régulariser sa situation. Alors pour Gloria (4), originaire du Togo, « La foi, c’est ce qui nous reste quand on a tout perdu. » Cette jeune femme a choisi de témoigner avec ses deux romans : « Désolé… » et « Ezynma, l’insensé espoir ewe ».
Au colloque inter-religions, la spiritualité n’est pas seulement religieuse, elle est aussi interconvictionnelle. L’association Coexister, partenaire du colloque annuel, est un mouvement soutenu par l’Observatoire de la laïcité qui offre un cadre d’expression, de solidarité et de sensibilisation. Son objectif est de lutter contre les préjugés pour permettre à chacun de s’ouvrir librement aux autres dans le respect et le mieux vivre ensemble. Klervi Le Berre, responsable locale de l’association Coexister, est une femme de conviction qui s’engage par ailleurs, dans la foi chrétienne : « Il faut mettre en œuvre la parole de vie qu’est la Bible ! ».
Se mettre en chemin
Emmanuelle Hérin la rejoint également sur ce chemin de disciples-missionnaires : « Le Secours Catholique considère que la Démarche Synodale du diocèse de Rennes est une opportunité pour les chrétiens, celle de dire au monde et aux plus pauvres, le message de bonheur du Christ. »
Parole
Matthieu 25. 34-37, 40 (texte utilisé pour la célébration)
Alors le roi dira à ceux qui seront à sa droite : « Venez, vous qui êtes bénis de mon Père ; héritez le royaume qui a été préparé pour vous depuis la fondation du monde. Car j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire ; j’étais étranger et vous m’avez recueilli ; j’étais nu et vous m’avez vêtu ; j’étais malade et vous m’avez visité ; j’étais en prison et vous êtes venus me voir. » …
« Amen, je vous le dis, dans la mesure où vous avez fait cela pour l’un de ses plus petits, l’un de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. »
- Mohamed Loueslati a écrit « L’Islam en prison. Moi, aumônier musulman des prisons françaises » éditions Bayard, 2015.
- Église protestante Unie Rance-Emeraude : protestants-saintmalo.org
- www.secours-catholique.org
- Gloria a auto-édité ses livres « Désolé… » et « Ezynma, l’insensé espoir ewe » : on peut les trouver à la Librairie La Procure de Rennes.