7è dimanche ordinaire A

Soyez parfaits ! Voilà ce que Jésus semble vouloir nous dire d’important aujourd’hui dans sa parole. Soyez parfait : ce n’est ni un conseil, ni une option, c’est un ordre ; un commandement, si vous préférez. Et ça semble incontournable pour qui veut suivre Jésus. Alors si Jésus nous demande l’amour des ennemis et la perfection de notre vie, s’il l’exige même, c’est que c’est possible ! Puisqu’il veut notre bien, ce qu’il nous demande est forcément bon, désirable. En entendant ce commandement exigeant, plutôt que de douter d’y arriver, Jésus nous invite à en faire l’objectif de notre vie, l’attention de chaque instant de nos journées. Etre parfait : c’est ce que nous devons chercher par-dessus tout, parce qu’aucun disciple de Jésus, aucun chrétien, ne devrait se satisfaire d’un état inférieur à la perfection. Dieu nous a fait capable d’amour, il a tout orienté en nous vers l’amour. Or, le propre de l’amour, c’est d’aspirer à monter toujours plus haut. En effet, on ne peut jamais dire à quelqu’un : « je t’aime assez », on doit toujours aimer davantage, renoncer toujours plus à soi-même pour l’autre.

Bien sûr, nous sommes tous habités par des faiblesses et traversés par des désirs contradictoires. Nous sommes limités, mais justement la perfection ne consiste pas à nier notre nature humaine nécessairement limitée. La perfection, c’est d’aller jusqu’au bout de ce que notre nature humaine nous rend capable de faire, et même davantage puisque c’est l’amour de Dieu et de nos frères qui nous habite depuis le jour de notre baptême. Notre vie est habitée, enracinée, dans ce don de l’amour depuis notre baptême. Nous savons bien que personne d’autre que le Christ n’a jamais atteint la perfection, personne ne l’atteindra jamais sur la terre. La perfection, c’est une quête, et non un état auquel on pourrait s’estimer un jour parvenu. La perfection c’est un mouvement de croissance, une tension vers le meilleur dont nous sommes capables, avec la force de l’Esprit-Saint qui est notre grand compagnon de route. Et c’est sans doute cela que Jésus veut nous dire : oui, nous sommes pécheurs, mais nous sommes capables d’un « meilleur » que nous ne soupçonnons peut-être même pas, et vers lequel nous ne pourrons jamais nous orienter si nous sommes convaincus que ce n’est pas pour nous. Or, Jésus nous dit clairement aujourd’hui : la perfection, c’est pour toi ! La sainteté, c’est pour toi ! La croissance jamais achevée vers un amour plus gratuit et plus profond, c’est pour toi !

Mais la perfection n’est pas un effort pour tenter d’obtenir la médaille d’une vie impeccable ; c’est un mouvement de croissance pour tenter de rejoindre Dieu dans nos vies, pour le laisser agir dans nos vies. Etre parfait comme notre Père céleste est parfait, ce n’est pas parvenir à la perfection de Dieu, mais c’est accepter de vivre cette communion avec le seul parfait, Dieu notre Père, pour que nos vies prennent de la consistance et se fondent toujours plus sur le bien. La perfection n’est pas à rejoindre comme un but, elle est à laisser nous gagner comme une source qui veut nous abreuver, la source de l’amour de Dieu-Père. C’est pourquoi la vraie perfection chrétienne, c’est d’être vraiment enfants de Dieu. Soyez parfait comme votre Père céleste est parfait pourrait se traduire : soyez enfants de Dieu comme lui-même est votre Père, et essayez que rien n’aille contre cette filiation. C’est d’ailleurs bien ce qu’exprime ce difficile commandement de l’amour des ennemis : « Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux ». La perfection chrétienne, c’est essayer d’entrer dans la logique de Dieu, qui est nécessairement une logique de rupture avec la haine, la violence.

La perfection, c’est accepter d’être le premier maillon pour rompre la logique de la violence. Si rendre le mal est instinctif et humain, rendre le bien pour le mal est divin. Aimer comme Dieu aime, rendre le bien pour le mal, cette perfection est à notre portée. Finalement, Jésus nous appelle à un changement radical de mentalité, pour penser nos vies à partir de Dieu, et non à partir de la terre. L’amour de Dieu est plus fort que tout ce qui fait obstacle à la perfection. Pour devenir saint, il suffit d’accueillir le Christ dans notre vie et le laisser s’occuper de nous. Lui seul est capable de nous libérer de la haine, de l’orgueil et de l’égoïsme. Il ne cesse de nous appeler et de nous aider à vivre un renoncement qui dépasse nos possibilités humaines. Ce qu’il veut pour nous, c’est la vie, la vraie vie. Alors pour être parfait, écoutons le Christ, regardons le Christ, laissons-le vivre en nous chaque jour. Laissons son Esprit nous transformer. Quittons nos raisonnements humains. Devenons fous, pour devenir sage de la sagesse de Dieu. Entrons dans la démesure de l’amour, et la vie divine va grandir en nous. Cette vie, Seigneur Jésus, tu viens la développer en nous par l’eucharistie. Nous te rendons grâce pour cette merveille. Oui, Seigneur, viens vivre en nous. Alors, avec toi et par toi, notre vie sera amour pour le Père et pour tous nos frères. (Alain FERRE)