Homélie pour la Messe Chrismale 2016 par Mgr Pierre d’Ornellas

Messe chrismale

Homélie pour la Messe Chrismale par Mgr Pierre d’Ornellas, le mercredi 23 mars 2016, en la Cathédrale Saint-Pierre de Rennes, en l’Année de la Miséricorde.

Évangile proclamé :
Luc
4,16-21

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Jésus, comme à son habitude, vient le jour du Sabbat dans sa synagogue, celle où il a grandi. Spontanément, il se lève pour se proposer de faire la lecture. On donne lui alors le Livre. Et Jésus lit. Jésus aime lire la Bible, elle est tellement Parole de Dieu pour lui, en lui. Il aime se plonger dans cette Bible, il aime la lire, la méditer. Il aime trouver le sens infini qui est dans ce texte.

Jésus trouve ce sens infini qui est dans le texte biblique parce qu’il est « rempli de l’Esprit Saint » (Luc 4,1). Oui, Jésus lit le texte d’Isaïe où il est écrit : « l’Esprit du Seigneur est sur moi. » Et il conclue, comme un commentaire : « Aujourd’hui, cette parole de l’Écriture s’accomplit à vos oreilles. »

 

L’Esprit Saint est sur moi…

« L’Esprit Saint est sur moi. » L’Esprit Saint est sur Jésus. Quand nous regardons Jésus, quand nous le prions, quand nous sommes devant notre Bible, quand nous la méditons, nous découvrons que Jésus est rempli d’Esprit Saint. Ne regardons pas seulement Jésus, regardons aussi l’Esprit Saint qui est sur lui. Regardons l’Esprit qui le remplit, avec tout ce mystère de l’Esprit, qui est insaisissable. Personne ne peut mettre la main sur lui, il est Esprit. Jésus, c’est plus facile. Mais nous courrons le risque de mettre notre main sur Jésus alors qu’en vérité il nous échappe de toute part. Pensons à l’Esprit Saint.

Je voudrais qu’en ce Mercredi Saint qui est le Mercredi Saint de la Miséricorde, nous regardions Jésus sur qui repose l’Esprit Saint. Jésus nous dit : « Aujourd’hui, s’accomplit cette parole de l’Écriture. » Cette parole de l’Écriture ne nous est pas extérieure. Nous ne sommes pas là simplement pour la lire à l’extérieur de nous-même. Plus nous la méditons, plus elle entre dans notre cœur, et plus nous découvrons le Mystère de Jésus, plus nous l’aimons, et plus notre foi grandit. Car cette parole, elle est pour nous. Cette parole totalement reçue par Jésus, il la reçoit, lui qui est la « tête » de son « corps » qui est l’Église. Il la reçoit pour que nous la recevions nous-même. C’est notre parole !

Elle est tellement notre parole que chacun peut dire, ce soir, dans cette Cathédrale Saint-Pierre, ou bien là où il est dans sa chambre, peut-être malade, peut-être dans sa cellule de prison. Oui, vous mes amis qui nous écoutez par RCF Alpha, vous qui êtes dans cette cathédrale, chacun de vous peut dire : « l’Esprit du Seigneur est sur moi. L’Esprit Saint est sur moi. » Permettez-moi, ce soir d’imiter le pape François qui le fait plusieurs fois dans ses prédications quand il dit : « Répétez après moi. » Permettez-moi de vous le dire bien simplement, avec beaucoup d’affection, répétez cette parole de l’Écriture : « l’Esprit Saint est sur moi. » Vous les enfants : « l’Esprit Saint est sur moi. », et vous les jeunes des Saint-Vincent : « l’Esprit Saint est sur moi. » Vous mes frères prêtres et diacres : « l’Esprit Saint est sur moi. » Nous tous ensemble : « l’Esprit Saint est sur moi. » Oui, l’Esprit Saint est sur moi.

Oui, nous avons reçu l’Esprit Saint. Souvenons-nous de notre saint Baptême, nous avons été baptisés au nom du Père, du Fils et de l’Esprit. Souvenons-nous du sacrement de Confirmation qui nous a donné l’Esprit. Souvenons-nous de notre Ordination diaconale, sacerdotale, épiscopale où dans la prière d’Ordination, nous avons entendu : répands l’Esprit, répands une nouvelle fois l’Esprit de sainteté, répands une nouvelle fois au plus profond de lui l’Esprit Souverain. Souvenons-nous de cette consécration que nous avons vécue pour vivre dans le célibat pour le Royaume. C’est l’Esprit qui consacre pour être avec Jésus. Souvenons-nous du sacrement du Mariage que nous avons reçu, où Jean-Paul II nous dit qu’au sacrement du Mariage, il y a une « effusion de l’Esprit ». Souvenons-nous du sacrement des Malades, c’est le don de l’Esprit qui est donné, l’Esprit de force. Souvenons-nous du sacrement de Réconciliation où dans la prière d’absolution il est dit que c’est par l’Esprit Saint que nous recevons le pardon des péchés.

Oui, nous sommes remplis de l’Esprit Saint ! Souvenons-nous encore de l’Eucharistie où nous entendrons tout à l’heure cette invocation de l’Esprit Saint sur le pain et le vin, et l’invocation de l’Esprit Saint sur toute l’assemblée. Chacun de nous peut dire en vérité : « l’Esprit Saint est sur moi. » L’Esprit Saint est mon ami. L’Esprit Saint m’a été donné, il est mon conseiller, il est mon guide.

 

… pour les « œuvres de miséricorde »

Cet Esprit Saint nous est donné pour « annoncer une bonne nouvelle aux pauvres ». Toi dans ta précarité, toi dans ta fragilité, toi victime du mal, toi qui  a honte peut-être de toi-même, toi, quelle que soit ta pauvreté, tu es un enfant bien-aimé de Dieu !

Nous recevons l’Esprit Saint pour annoncer « aux opprimés la liberté ». Ces oppressions intérieures, ce sont toutes ces addictions qui nous oppriment, tous ces voiles noirs qui nous oppriment. Voici que nous sommes là, recevant l’Esprit Saint, pour annoncer la liberté, la liberté des enfants de Dieu, la « liberté royale ».

Nous recevons l’Esprit Saint pour annoncer « aux prisonniers la libération ». Nous sommes là pour annoncer, par la puissance de l’Esprit, que le mal n’aura pas le dernier mot. Parfois, nous sommes pris – comme nous l’avons entendu cet après-midi entre prêtres – devant des spirales du mal et nous avons l’impression que le mal engendre le mal indéfini et qu’il n’y a pas d’issue, qu’il n’y a pas de sortie du mal. Parfois ce mal, comme nous l’avons vu il n’y a pas longtemps en France et tout récemment à Bruxelles et dans d’autres pays, parait puissant. Ce mal frappe ! Ce mal nous emprisonne nous aussi à chaque fois que nous transgressons notre conscience ; nous savons que c’est le mal et nous le faisons quand même. Nous sommes apparemment prisonniers de ce mal et voici que nous annonçons, par la puissance de l’Esprit, la libération. Et cette libération, nous le savons, c’est la Miséricorde de Dieu. Mais il faut aller plus loin.

 

Les aveugles verront

Nous recevons l’Esprit Saint pour dire « aux aveugles qu’ils verront ». Nous l’avons entendu dans l’Apocalypse : « Tout œil verra. » (1,7) Pas simplement l’œil de ceux qui ont la foi, pas simplement l’œil de ceux qui pratiquent. « Tout œil verra. » Oui, nous recevons l’Esprit Saint pour entrer dans la puissance de la miséricorde qui se répand sur le monde, la puissance de la tendresse de Dieu qui enveloppe tout homme de son manteau de tendresse, ce manteau paternel de Dieu pour chacun de ses enfants.

« Tout œil verra. » Tout œil qui est né sur cette terre verra. Voilà l’Espérance qui naît par la puissance de l’Esprit, parce que l’Esprit Saint est sur moi. L’œil de mes petits-enfants qui ne sont pas baptisés, l’œil de ces personnes qui refusent apparemment de se convertir, l’œil de ces hommes et de ces femmes qui apparemment sont si indifférents à Dieu et qui vivent dans la superficialité. L’œil de celles et ceux qui s’enferment dans la raison scientifique en pensant que seule la raison scientifique est maîtresse de vérité. L’œil de celles et ceux qui s’enferment dans le pouvoir pour dominer et qui peut-être engendrent des violences ici ou là. Oui, l’œil de l’homme, de tout homme verra ! Nous recevons l’Esprit Saint pour conduire tout aveugle en lui disant qu’il verra. Voilà la Miséricorde de Dieu !

Cette Miséricorde de Dieu, c’est non pas simplement le jubilé de cette année, ce n’est pas simplement une année civile, c’est « l’Année de grâce » que le Seigneur a ouverte depuis qu’il s’est révélé à Abraham. Nous vivons dans ce temps de grâce. Nous vivons dans ce temps de miséricorde et nous sommes chargés d’accomplir les « œuvres de miséricorde », par la puissance de l’Esprit. L’Esprit Saint est sur moi pour être miséricordieux, l’Esprit Saint est sur moi pour accomplir les œuvres de miséricorde. Quelle puissance de l’Esprit est sur nous ! Nous en avons besoin pour être miséricordieux comme Jésus. Pour pouvoir annoncer là où nous sommes dans nos synagogues, dans nos églises, là où nous prions, dans nos familles, dans nos lieux de travail, dans nos milieux associatifs, dans nos écoles, dans nos collèges et nos lycées, là où nous sommes : l’Esprit du Seigneur est sur moi pour que j’annonce aux aveugles qu’ils verront, aux opprimés qu’ils seront dans la liberté, aux prisonniers qu’ils verront la libération, parce que c’est une « année de grâce » éternellement présente en notre humanité.

Mes amis, en cette Messe Chrismale, alors même que nous prêtres, nous allons renouveler notre promesse, nous diacres, nous allons renouveler notre engagement, alors même que nous prions pour les catéchumènes qui vont recevoir le Baptême, pour tous ceux qui vont être baptisés dans l’année et qui seront marqués du Saint-Chrême, alors même que nous prions pour tous nos frères et sœurs malades qui recevront le sacrement des Malades, alors même que nous prions pour tous ceux qui seront marqués du Saint-Chrême à la Confirmation, nous pouvons chacun dire du plus profond de notre cœur, en descendant au fond de nous-même, quelle que soit notre existence, tel que nous sommes, au fond de nous, nous pouvons dire avec foi et avec amour, avec confiance, avec joie pour nous donner à ces œuvres de miséricorde, nous pouvons dire en toute vérité dans la prière : « l’Esprit du Seigneur est sur moi. »