Prévention du suicide : une fraternité autour du don de la vie

Le 24 janvier 2018, le diocèse de Rennes proposait une journée de sensibilisation au repérage de la crise suicidaire. Mgr Pierre d’Ornellas a envoyé aux participants un message reproduit ci-dessous.

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 Chers amis,

Ne pouvant être parmi vous comme je l’avais initialement pensé, je vous adresse ce petit mot très simple. Je suis heureux que vous vous réunissiez pour réfléchir ensemble à la prévention du suicide. Le phénomène est si complexe et si présent qu’il importe de rassembler les expertises et les réflexions pour affronter ensemble avec sérénité la question que le nombre de suicides pose à la société. Je devine aussi quelles expériences diverses vous touchent peut-être et vous mobilisent tous pour cette journée.

Le suicide n’est jamais anodin. Il a de multiples origines. Il trahit le poids d’une souffrance explicite ou cachée, l’angoisse d’une peur qui va grandissante, le sentiment de plus en plus lourd de solitude ou d’inutilité. Il provient d’une pathologie psychique ou d’une pulsion qui s’impose envers et contre tout. Il demeure un acte personnel et intime qui nous invite à l’humilité et à la compassion.

Le suicide brise le lien familial, social, humain. Il induit de graves souffrances, voire des culpabilités qui se guérissent difficilement. Il nous provoque à nous rendre proches de ces personnes blessées par le suicide d’un des leurs, par l’écoute attentive, l’accompagnement fidèle, l’amitié qui console.

Face à la question « pourquoi ? », nulle réponse n’est vraiment satisfaisante, nul jugement n’est acceptable. Elle nous laisse sur le seuil d’un mystère. Cette question est plutôt à entendre comme un appel à davantage de relation, à plus de générosité, à une bonté plus clairvoyante qui sache reconnaître l’autre et le lui exprimer avec justesse. Oui, la présence sincère à l’autre demeurera toujours un trésor de vie.

Sans doute vos échanges vous conduiront-ils à d’autres interrogations : quelles mesures sont à prendre pour que chacun, habité par la vie, soit heureux de vivre ? Quelles dispositions sont à développer pour que chacun puisse aimer la vie humaine qui lui a été donnée comme un bienheureux cadeau et non comme un poison maléfique ? Quelle fraternité et quelle éducation sont à favoriser pour que le tissu social et humain qui entoure chacun et lui permet de grandir soit facteur de joie et de bonheur afin de mordre la vie à pleine dent ?

Selon la foi juive et chrétienne – sans doute aussi musulmane – Dieu est l’auteur de la vie, c’est lui qui en fait le don personnel à chacun, non comme un magicien muet et cynique mais comme un Père d’une infinie tendresse pour chacun de ses enfants. Il ne se repend jamais de ce don. Il aime avec encore plus de miséricorde celui ou celle qui n’a pas pu trouver le bonheur dans ce don et qui a posé l’acte ultime de s’extraire de la vie terrestre. Il adresse sa parole à chacun : « Tu as du prix à mes yeux et je t’aime. » (selon le prophète Isaïe)

Dieu nous confie ce don afin que, comme des frères et sœurs de la même famille humaine, nous prenions tous soin les uns des autres. Il nous parle par la qualité de cette fraternité qui nous relie les uns aux autres. Il fait tout pour la fortifier en nous donnant son Esprit qui fait croître en nous l’attention, la délicatesse et le respect les uns envers les autres.

En vous réunissant ce 24 janvier, vous exprimez à votre manière quelque chose de cette fraternité dans laquelle sont incluses non seulement les personnes qui ont commis l’acte ultime du suicide, quelle qu’en soit la cause, mais aussi leurs proches qui en souffrent encore aujourd’hui. Permettez-moi de vous en exprimer toute ma gratitude et de vous souhaiter une journée fructueuse.

Rennes, le 22 janvier 2018

+Pierre d’Ornellas
Archevêque de Rennes