Ordination diaconale de Dominique Tessier : « Notre prière est vitale »

Samedi 31 octobre 2020, en la fête de la Toussaint, Dominique Tessier a été diacre en vue du sacerdoce à Vitré par Mgr Alexandre Joly, évêque auxiliaire de Rennes.

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HOMÉLIE

Solennité de tous les Saints
Samedi 31 octobre 2020
Église Saint-Martin de Vitré

Un cri ouvre la grande prière d’ordination qui, avec l’imposition des mains, compose l’essentiel du rite qui va donner à Dominique d’être ordonné diacre : « Sois avec nous, Dieu tout-puissant, nous t’en prions, sois avec nous ». Ce cri de l’Église tout entière résonne tout particulièrement aujourd’hui alors que notre pays est entré dans un nouveau confinement et ne parvient pas à bloquer l’extension de l’épidémie qui meurtrit nos familles et la société tout entière. Il s’élève avec une force toute particulière alors que la violence du fanatisme a conduit un jeune à massacrer des victimes innocentes qui venaient tout simplement prier dans une basilique de Nice dédiée à Notre-Dame.

Le cri de la prière d’ordination est motivé par deux attentions particulières de Dieu à l’égard de sa création. La première attention de Dieu est qu’il « donne toutes grâces, distribue les charges et répartisse les divers ordres » ; la deuxième attention de Dieu est sa manière de « veiller sur le monde avec amour et de disposer à tout moment ce qui convient ».

Nous entendons cette attention dans le livre de l’Apocalypse qui a ouvert la liturgie de la Parole : un ange monte « du côté où le soleil se lève », et voici qu’il crie aux « quatre anges » : « Ne faites pas de mal à la terre, ni à la mer, ni aux arbres, avant que nous ayons marqué du sceau le front des serviteurs de notre Dieu », avec « le sceau qui imprime la marque du Dieu vivant ». Au-delà d’une attribution symbolique aux anges de la responsabilité des principaux phénomènes naturels, il y a cette idée d’un répit, d’un sursis dans cette œuvre de destruction, afin que les fronts soient marqués du sceau de Dieu.

Le texte de l’Apocalypse ne doit pas être pris à la lettre et encore moins lu de manière fondamentaliste ; nous savons que le texte évoque la situation des chrétiens dans les premières décennies de la vie de l’Église, avec la violence des persécutions et la multiplication des martyrs ; mais il laisse apparaître l’attention de Dieu pour sa création, pour toute sa création, qu’il aime et pour laquelle il ne veut que le bien. Ainsi, notre prière au cœur de l’épidémie, où nous nous tournons vers le Seigneur qui veille sur sa création, est vitale.

Notre prière est vitale. La prière pour la paix et la bonne entente entre les peuples, la prière pour la fraternité qui ne soit pas seulement gravée sur les frontons de nos mairies mais dans les cœurs des citoyens. La prière pour que s’écarte de nos cœurs toute peur, pour que nous ne soyons pas paralysés par la terreur ou par des idéologies. La prière pour que les hommes et les femmes soient éclairés par une foi authentique et rejettent toute idolâtrie, notamment les faux dieux qui conduiraient à faire du mal à l’autre en leur nom, ces profanations de Dieu dont se réclament les terroristes d’hier et d’aujourd’hui. La prière pour que les consciences soient formées et illuminées, pour que notre pays ne se laisse pas conduire par ceux qui crient à la mort de Dieu voulant faire de l’homme un petit dieu tout-puissant. Oui, la prière est vitale. Et c’est notre mission de chrétiens de prier pour le monde, pour la création, pour chacun des êtres qui peuplent la terre.

En recevant la charge de la prière de l’Église et en t’engageant à célébrer la liturgie des Heures en union avec le peuple de Dieu, tu participes à la mission de toute l’Église, cette mission de prière et d’intercession qui n’est pas accessoire mais première, vitale, essentielle. Dans ta mission de diacre, n’oublie pas cette mission première, Dominique, avec « un esprit de prière conforme à ton état » comme nous l’entendrons dans quelques instants.

La première attention de Dieu à l’égard de l’humanité que cite la prière d’ordination est le don de toutes grâces, la distribution des charges, la répartition des ordres. Aujourd’hui, notre frère Dominique va recevoir une charge et entrer dans l’ordre des diacres. Cette attention de Dieu à la vie de son Église qui nous donne de nous tourner vers lui avec assurance en criant « Sois avec nous, Dieu tout-puissant », se met en œuvre ce soir, dans l’église Saint-Martin de Vitré. Dieu lui-même choisit d’organiser ainsi son Église afin qu’elle puisse accomplir la mission que lui a confiée le Christ, sa propre mission, avant de retourner vers son Père.

Ta fonction de diacre, Dominique, te donne « d’aider l’évêque et ses prêtres et [de] faire progresser le peuple chrétien ». A travers le ministère de la Parole, de l’autel et de la charité, tu aideras l’évêque et ses prêtres pour faire grandir l’Église, pour donner à l’Église d’accomplir la mission que le Christ lui a confiée, pour participer à la manière dont Dieu conduit l’humanité et la création tout entière vers l’accomplissement de toutes choses dans son Royaume.

En cette solennité de tous les Saints, nous invoquons les intercesseurs dans le Royaume que Dieu nous a donnés afin que notre prière s’élève jusqu’à lui, reconnaissant en ces hommes et ces femmes des exemples qui nous stimulent dans notre vie de disciples missionnaires du Christ. Les saints et les saintes que nous allons invoquer dans la litanie des saints ne sont pas loin de nous, ils ne sont pas loin de notre réalité. Bien au contraire, à chaque fois que nous célébrons l’eucharistie, les saints sont là, présents ; plus encore, nous sommes associés à la liturgie céleste, à la liturgie que les saints et les anges célèbrent pour Dieu dans l’éternité. L’eucharistie nous fait entrer dans la liturgie du ciel, et nous en goûtons dès maintenant les fruits.

« J’ai vu une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues. Ils se tenaient debout devant le Trône et devant l’Agneau, vêtus de robes blanches, avec des palmes à la main » (Ap 7, 9). Quelle est cette foule immense ? « Ceux-là viennent de la grande épreuve » dit le livre de l’Apocalypse ; « Ils ont lavé leurs robes, ils les ont blanchies par le sang de l’Agneau » (Ap 7, 14).

C’est le sang de l’Agneau dont le diacre élève le calice pendant l’Eucharistie qui donne à la foule immense de proclamer les louanges de notre Dieu. Ce ne sont pas nos œuvres qui apportent le salut mais bien l’offrande de Jésus célébrée chaque jour dans le mystère de l’Eucharistie, rendue présente sur l’autel de nos églises, donnée en nourriture pour que les chrétiens fassent de leur vie « une vivante offrande à la louange de la gloire » de Dieu.

Le salut, c’est l’œuvre de l’Agneau qui, Innocent, a été traité comme un coupable. L’Agneau, vrai Dieu, n’a pas craint les outrages, les moqueries, les insultes, l’humiliation extrême et le dénuement de la croix : il a marché librement vers sa Passion, pour sauver le monde entier, pour sauver tous les êtres, cette foule de « toutes nations, tribus, peuples et langues » (Ap 7, 9). Le salut appartient à Dieu et à l’Agneau. Ne croyons pas que nous pouvons sauver le monde nous-mêmes, ne croyons pas que nous pouvons nous passer de Dieu pour construire la fraternité. Dieu, qui se révèle à nous, qui se fait connaître, qui manifeste son amour et sa miséricorde, est le seul qui nous sauve ; Il est le seul qui peut susciter entre nous une véritable fraternité, lui qui est notre Père ; Il est le seul qui peut nous faire traverser les épreuves et en sortir victorieux. Il est le seul, mais il ne le fait pas sans nous.

En manifestant ta résolution tout à l’heure, tu as choisi, Dominique, de participer à l’œuvre du salut pour la multitude en servant le Christ et l’Église comme diacre. Par le don de toi-même, tu deviens un instrument dans les mains de Dieu pour sa gloire et pour le salut du monde. En imitant Jésus lui-même, « venu pour servir, et non pour être servi », tu seras invité à « partager sa gloire dans le ciel », avec tous les saints qui sont en fête aujourd’hui.

Sois donc aujourd’hui, et tout au long de ta vie, le serviteur et le frère de tous les hommes et femmes que le Seigneur mettra sur ton chemin afin qu’ils puissent, au-delà des épreuves de ce temps, faire partie éternellement de cette foule immense qui proclame les louanges de Dieu et de l’Agneau. Amen.

Mgr Alexandre Joly