Paul David, ordonné diacre « pour la joie de Dieu »

Dimanche 6 décembre 2020, Mgr Alexandre Joly, évêque auxiliaire de Rennes, a ordonné diacre en vue du sacerdoce Paul David, en l’église Saint-Martin de Tours à Cesson-Sévigné.

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Homélie du 2e Dimanche de l’Avent

Aujourd’hui est un jour de joie pour l’Église. Pour l’Église tout entière mais d’une manière particulière pour l’Église qui est à Rennes. Aujourd’hui, un homme choisit de donner sa vie pour servir Dieu et son prochain, un homme choisit de se mettre au service de l’Église en recevant le ministère diaconal, il va être consacré à la diaconie de l’Église ; aujourd’hui, un homme prend la décision d’aider l’évêque et ses prêtres pour faire progresser le peuple chrétien. Sans doute aurions-nous imaginé une autre couleur liturgique pour laisser apparaître cette joie, une couleur joyeuse, le blanc, un blanc festif et éclatant. Pourtant, la couleur de ce jour est le violet.

Paul David et sa famille

Les événements ont conduit à ce que nous soyons au cœur de deux événements ; c’est au cœur de ces deux événements que Paul choisit de consacrer son être à la diaconie de l’Église. Tout d’abord, le drame sanitaire qui s’est abattu sur le monde et sur notre pays, avec les nombreux malades, les décès, l’énergie déployée pour guérir et sauver. Un drame qui provoque de nombreux autres drames, la souffrance de tant de personnes isolées, privées de contacts familiaux et amicaux, les détresses psychologiques de nombreuses autres personnes, les catastrophes économiques mettant à terre des entreprises, des entrepreneurs, des ouvriers, la violence qui se déploie dans la rue et dans des familles, une confusion politique, une vie sociale bousculée.

Au cœur de ce drame qui concerne le monde entier, notre frère Paul est ordonné diacre. Non pas pour être un spectateur impuissant devant le drame qui abîme le monde, non pas pour sombrer dans le pessimisme ou le désespoir, mais pour accueillir cette mission donnée par Dieu lui-même : « Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu » (Is 40, 1). Lorsque le prophète Isaïe écrit ces lignes, le peuple est dans une situation d’impasse et de désespoir. Il pense que Dieu l’a oublié : « Ah, si tu déchirais les cieux, si tu descendais, les montagnes seraient ébranlées devant ta face » (Is 63, 19).

L’ordination diaconale n’est pas la consécration d’un parcours spirituel mais bien la consécration dans un service, dans une mission. Une mission de consolation : non pas une consolation factice, où l’on ferait croire des avenirs meilleurs pour aider à supporter l’épreuve du temps présent. Une consolation qui parle au cœur, une consolation qui s’appuie sur une réalité certaine : « Voici que tu es descendu », entendions-nous le premier dimanche de l’Avent, « les montagnes furent ébranlées devant ta face » (Is 64, 2). La véritable consolation est l’annonce que le Seigneur est venu : Dieu n’est pas loin, bien au contraire, il se fait proche, « il donnera ses bienfaits » pour que « notre terre donne son fruit » (Ps 84, 13).

En d’autres temps, la civilisation pouvait apparaître croyante voire chrétienne ; en d’autres temps encore, des forces combattaient ouvertement la vie des croyants ; aujourd’hui, il semble surtout que nous sommes dans une civilisation indifférente, ignorante. Dans un monde qui ignore Dieu, qui veut croire que Dieu est mort et que la question de Dieu ne se pose plus aujourd’hui, sauf en termes de convictions privées qui n’ont pas d’incidence sur le cours du monde, la mission d’un diacre est l’annonce de la victoire de Dieu, la proclamation de la foi « par la parole de Dieu et par les actes » du ministre (cf. dialogue de l’ordination). Toute la vie du diacre est une mission de consolation par l’annonce de la venue du Seigneur : « Dis aux villes de Juda : “Voici votre Dieu !” Voici le Seigneur Dieu ! Il vient avec puissance ; son bras lui soumet tout » (Is 40, 9-10).

Alors, Paul, « Monte sur une haute montagne, toi qui portes la bonne nouvelle à Sion. Élève la voix avec force, toi qui portes la bonne nouvelle à Jérusalem. Élève la voix, ne crains pas » (Is 40, 9).

Si le premier évènement concerne explicitement le monde dans lequel nous vivons, la crise sanitaire, le deuxième événement concerne l’Église tout entière, et finalement le monde, même s’il ne le sait pas. Nous sommes dans un temps de préparation, de conversion, d’accueil, d’attente, un temps de veille et de prière, un temps qui nous conduit à aller au-devant de celui qui vient, nous sommes au cœur du temps de l’Avent.

L’Avent est à la fois une partie de l’écrin qui renferme l’extraordinaire mystère de l’Incarnation et un temps de préparation. La couleur violette nous rappelle que le croyant est un être en attente. Nous savons que le Christ est venu et nous attendons son retour dans la gloire comme nous le proclamons à chaque eucharistie. Le temps de l’Avent nous ouvre le chemin de la conversion, profitant du temps qui nous est accordé avant le retour du Seigneur, mais il comporte déjà la joie de la présence du Seigneur parmi nous.

« Le Seigneur ne tarde pas à tenir sa promesse, alors que certains prétendent qu’il a du retard », rappelle l’apôtre Pierre. « Au contraire, il prend patience envers vous, car il ne veut pas en laisser quelques-uns se perdre, mais il veut que tous parviennent à la conversion » (2P 3, 9). Le ministère dans l’Église ne peut s’accomplir que dans la patience de Dieu lui-même, une patience qui permet à l’homme d’avancer vers celui qui vient.

Le temps de l’Avent introduit l’Église dans le mystère de la patience de Dieu pour qu’elle soit elle-même revêtue de cette patience. Tu es invité, Paul, à exercer ton ministère diaconal dans la patience. Non pas une patience passive, mais une patience active et confiante, marquée par la foi et l’espérance. L’apôtre Pierre invite à entrer dans la patience de Dieu en hâtant l’avènement du jour de Dieu : nous hâtons l’avènement « en vivant dans la sainteté et la piété » (2P 3, 11).

Il y a quelques instants, tu as manifesté ta résolution à t’engager au célibat en t’avançant. Le célibat n’est pas tant un état qu’un engagement, un chemin, un processus pour reprendre un mot cher à notre pape François. Non pas un état pour toi-même, mais un chemin pour le service de Dieu et du prochain. Garder toujours cet engagement signifie le don du ministère au Christ Seigneur comme nous l’avons entendu au début de la célébration.

L’engagement au célibat est donc un choix quotidien, un choix de chaque instant. Un choix qui nécessite beaucoup de patience à l’égard de soi-même et à l’égard des autres. Il s’agit d’un engagement pour le bien des autres, un renoncement à posséder qui que ce soit, un choix de grande liberté intérieure pour n’appartenir qu’au Christ. Les quelques pas accomplis par Paul en quittant l’assemblée pour s’approcher de l’autel témoignent de la résolution de cet engagement de tout son être.

Cet engagement n’est pas un enfermement sur soi-même mais une autre manière de servir les autres. Un détachement qui conduit à une nouvelle proximité. Dans la vie de celui qui a choisi le célibat pour le Royaume de Dieu, les amitiés ne sont pas là pour combler un quelconque besoin affectif mais pour être ouvert à toute personne, pour accueillir en chacun le Christ qui vient. Consacré au Christ Serviteur, le diacre s’abaisse pour laver les pieds de ceux qu’il rencontre afin que ceux-ci puissent accueillir pleinement le Christ qui vient. Vivre pleinement cet engagement au célibat demande ainsi de la patience pour être toujours plus configuré au Christ qui s’est fait le plus petit, le serviteur de tous.

Si le monde vit un drame sanitaire qui laisse apparaître le drame fondamental de l’humanité tout entière, l’ordination de Paul est une consolation, le signe que Dieu est à l’œuvre dans le monde. Le ministère diaconal de Paul rappelle que l’Église est en veille et en attente, pour le bien de l’humanité tout entière. Le Seigneur vient : « Son salut est proche de ceux qui le craignent, et la gloire habitera notre terre » (Ps 84, 10). Paul, sois donc ordonné pour la joie de Dieu, pour le ministère de la joie, pour laisser apparaître la joie de Dieu, joie véritable qui transporte le cœur d’allégresse : « Que le Seigneur rende ferme ta foi, joyeuse ton espérance et constante ta charité ! » Amen.

X Alexandre Joly

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