Le Secours Catholique alerte sur la baisse du revenu des ménages en précarité

Le Secours Catholique a rendu publique son rapport annuel sur la pauvreté en France. Une étude précise de la situation qui alerte sur une baisse continue du « reste à vivre » des familles les plus en difficulté. La délégation rennaise présente cette analyse au micro de Maurice Thuriau pour RCF Alpha.

5 € par jour et par personne !

Avec : Armand Châteaugiron – Président du Secours Catholique d’Ille-et-Vilaine

« En Ille-et-Vilaine, le Secours catholique c’est une équipe de 12 salariés au siège de Rennes, plus une quarantaine d’équipes réparties sur le département – soit un peu plus de 1000 bénévoles – qui accueille chaque année une population de 12 à 13 000 personnes. Au siège de Rennes, nous avons aussi un accueil de jour : une cinquantaine de personnes y viennent chaque jour pour déposer des bagages, une douche, un petit déjeuner.

Nous avons un accueil spécifique pour les migrants, car ils sont nombreux à venir à Rennes pour des démarches à la Préfecture de Région. Nous soutenons d’ailleurs en ce moment une action contre la Préfecture pour qu’elle prévoit une option à la dématérialisation des procédures pour ces migrants, si bien qu’ils sont nombreux à rester à la porte.

Nous avons cette même problématique pour le RSA ou les Allocations familiales : s’il n’y a pas quelqu’un de confiance pour vous accompagner, vous allez rester dans votre situation d’exclusion à cause de la pauvreté. On retrouve chaque année le tiers des personnes accueillies qui n’accèdent pas au RSA alors qu’ils y ont droit ! Nous demandons qu’il y ait des guichets uniques, des automatisations de la demande… C’est important pour tenir l’homme debout : faute de revenus suffisants, vous restez dans vos problèmes, vous ne vous projetez pas, vous avez du mal à tenir vos responsabilités familiales et sociales. C’est un repli sur soi.

Secours Catholique chiffres

C’est pourquoi, cette année, le rapport national du Secours catholique pointe la question du budget des ménages. Un gros travail a été fait pour reprendre les fiches statistiques sur les aides que nous octroyons depuis trois ans. Cela a permis de définir, à partir du revenu disponible, quel pouvait être le « revenu arbitrable » quand on enlève tout ce qui est pré-engagé : loyer, emprunts, assurances, énergie… On peut agir sur ce revenu arbitrable. Mais il y a encore des dépenses contraintes : transport, scolarité des enfants… Il reste finalement « le reste à vivre », pour manger, s’habiller… Il est évalué à 5 € par jour et par personne. Il a baissé d’1/6e ces trois dernières années, ce qui est énorme. On a travaillé sur ce découpage afin d’inciter la puissance publique à travailler sur ce reste à vivre, ce qui a été fait depuis deux ans avec des aides très ciblées. Et ça continue avec les chèques alimentaire, énergie, carburant, etc. Mais nous souhaiterions sortir de ces aides ponctuelles et qu’il y ait une réflexion plus structurelle sur l’état de la pauvreté aujourd’hui, à partir de ce revenu arbitrable.

Les préconisations de ce rapport sont rassemblées autour de trois mots :

  • Rassembler: nous souhaitons que l’on redonne confiance aux personnes, qu’on leur donne des responsabilités en portant avec nous leurs problématiques. Il n’y a pas des bénévoles d’un côté et des bénéficiaires de l’autre. Et un souhait de cohésion sociale, exprimé d’ailleurs pas nos gouvernants, mais il faut que ça se traduise dans la réalité.
  • Protéger: faire en sorte qu’il y ait des revenus nécessaires et suffisants, issus du travail et de compléments. Nous croyons qu’il faut travailler sur le volet insertion du RSA. Personne n’est inemployable. Il faut trouver des solutions, comme par exemple au Blosne les territoires « zéro chômeurs longue durée ».
  • Anticiper: on sort d’une crise et l’autre arrive, les personnes en situation de précarité n’ont pas de répit ! Il y a donc des problématiques de logement, d’énergie… »

Il faut la confiance et beaucoup de temps !

Avec : Michèle Juhel – Membre de l’équipe Secours Catholique du quartier du Blosne à Rennes

« Nous trouvons important que des personnes puissent se retrouver avec d’autres. À partir des temps de convivialité que nous organisons dans le quartier, nous les connaissons mieux et nous pouvons avancer avec elle vers un progrès qui les rend de plus en plus humain… et qui nous rend de plus en plus humain ! Les gens ne nous parlent pas facilement de leurs problèmes : il faut la confiance, il faut beaucoup de temps. Quand la confiance est née, ils nous invitent même à aller chez eux. Et c’est là qu’ils s’ouvrent et qu’on peut avancer ensemble, par exemple faire les démarches administratives pour gérer avec eux leur situation.

Sur le quartier du Blosne à Rennes, nous accompagnons surtout des personnes en situation de migration, qui n’ont pas de travail, qui logent souvent chez des compatriotes, avec des enfants. La Ville de Rennes fait déjà beaucoup, mais ces familles se trouvent parfois dans des situations difficiles. Nous donnons des chèques services, mais c’est d’écoute dont ils ont besoin aussi. Quand on n’a très peu d’argent pour vivre, c’est très difficile et donc nous les aidons à faire un budget. C’est exigeant mais ils sont obligés de faire des choix. Même dans leur misère, ils ont droit à du bonheur. »