Pèlerinage pour les vocations 2023 : homélie de Mgr Pierre d’Ornellas

À l’occasion du pèlerinage pour les vocations du 1er Mai 2023 à Pontchâteau, en présence de pèlerins venus des 9 diocèses de Bretagne et des Pays de la loire, Monseigneur Pierre d’Ornellas a prononcé son homélie sur « Jesus, Le Bon Pasteur » lors de la messe de clôture.

Actes des Apôtres 11, 1-18>
Psaume 41
Jean 10, 11-18

Jésus est le « Bon Pasteur ». Il n’est pas le vrai pasteur. Ni l’unique pasteur. L’Évangile nous dit bien qu’il est le « Bon Pasteur ». La bonté de Jésus ! Bonté ineffable, bonté que nous n’avons jamais fini de découvrir, bonté à laquelle nous ne pouvons pas mettre de limites, bonté qui est celle même du Père infiniment miséricordieux et rempli de tendresse.

Suivre le « Bon Pasteur »

N’est-il pas significatif que Jésus ait choisi le qualificatif « bon » pour dire qu’il était le pasteur ? Comme si Jésus ne peut pas être pasteur sans être le « Bon Pasteur ». Il est pasteur à cause de la bonté. À cause de la bonté divine infinie qui se fait bonté dans un cœur humain, celui de Jésus. Ce « Bon Pasteur », que fait-il dans sa bonté ? Sa bonté infinie, divine – sa bonté que nous n’avons jamais fini de découvrir – le pousse à donner sa vie. Personne ne peut la lui enlever. « Je la donne de moi-même. » Il donne sa vie !

Voilà que les brebis écoutent la voix du « Bon Pasteur ». Voilà que le « Bon Pasteur » connaît chacune de ses brebis. Elles n’écoutent pas la voix d’un étranger. Les brebis écoutent la voix de la bonté. Elles reconnaissent que ce pasteur, c’est lui, à cause de sa bonté et parce qu’il donne sa vie. Et les brebis qui écoutent, que font-elles ? Elles « suivent » le « Bon Pasteur ». Si elles suivent le « Bon Pasteur », c’est que chacune peut dire aussi « Moi, je donne ma vie, personne ne peut me la prendre. Moi aussi, comme mon pasteur bien aimé, j’ai le pouvoir de donner ma vie. »

Homélie de Mgr d'Ornellas au pèlerinage des vocations
Homélie de Mgr d’Ornellas au pèlerinage des vocations

Ce don de la vie, voilà qu’il est infiniment divers. Ce don de la vie, il s’exerce, il se réalise, il se manifeste dans tant et tant de vocations. Vous, qui êtes ici rassemblés à Pont-Château, ou vous qui êtes en communion avec nous, par les radios chrétiennes ou par les chaînes Internet de nos neuf diocèses des Pays de la Loire et de Bretagne, vous êtes les brebis du « Bon Pasteur », chacune avec sa vocation, chacune appelée à donner librement sa vie.

Tous ensemble, nous entendons que Jésus est le « Bon Pasteur » et vous êtes tous des brebis qui écoutez sa voix et qui le suivez parce qu’il y a en vous ce secret appel à donner votre vie. Comme Jésus, personne ne peut vous la prendre, que ce soit par la séduction, par l’attirance de ce qui brille, par des goûts personnels, où nous sommes rendus esclaves sans vraiment donner notre vie. Le don libre de la vie dans les multiples vocations, voilà la beauté de l’Église de Jésus !

Vocation à la sainteté

Nous connaissons la première vocation qui est si essentielle : vocation à l’écoute de cette voix qui, au plus profond de la conscience et du cœur, appelle à faire le bien, à éviter le mal et à aimer[1]. Vocation qui s’accomplit avec la grâce de Dieu. Quand nous entendons cet appel à faire le bien, la grâce nous permet de découvrir quel est le vrai bien, nous conduit peu à peu à éviter le mal quoi qu’il arrive. Cet appel enfin pousse à aimer en vérité, « en actes et en vérité. » (Cf. 1 Jean 3, 18) Tel est l’appel universel à la sainteté pour tous les croyants et aussi pour les non-croyants.

Et cela n’est possible qu’avec la grâce de Dieu. Peut-être seuls les croyants savent que c’est l’appel à la sainteté parce qu’ils chantent à la Messe la sainteté de Dieu. Mais les non-croyants ont aussi dans leur conscience une voix qui leur dit « fais le bien, évite le mal et aime. » Ils reçoivent aussi, pourvu qu’ils vivent dans la droiture, la grâce de Dieu, exactement comme nous. Si nous vivons dans la droiture, la grâce est là pour nous accompagner et pour nous permettre de répondre à cette admirable vocation universelle à la sainteté[2].

Vocation au Mariage

Dans cette vocation universelle à la sainteté, des brebis de l’unique Bon Pasteur, reçoivent la vocation admirable à l’amour conjugal, à l’amour dans le Mariage, à l’amour où vient le Christ. Le Christ se mêle de ces noces humaines, exactement comme il s’est mêlé des noces à Cana. Il vient pour donner « le bon vin » (Jean 2, 10) de l’amour pur, libre et fort.

C’est lui qui consacre cet amour pour qu’il grandisse et devienne selon le cœur de Dieu. Le Christ est présent dans cet amour conjugal qui peut aussi devenir l’amour parental, ou l’amour grand parental. Un amour qui conduit à la sainteté, tout simplement en étant fidèle à cet amour. Vocation du Mariage qui s’accomplit aussi dans le veuvage. Vocation qui se réalise aussi dans la fidélité, alors même qu’il connaît l’épreuve d’une séparation ou du divorce.

Cette vocation au Mariage, qu’elle est belle ! Elle est une bénédiction de Dieu ! Nous l’entendons dans les premières pages de la Bible (Cf. Genèse 1, 27-28 ; 2, 23-24). Vocation à la sainteté, nous le comprenons en France avec saints Louis et Zélie Martin, inséparables l’un de l’autre. Non pas saint Louis et sainte Zélie, mais saints Louis et Zélie Martin, ensemble dans leur amour conjugal et parental, dans la maladie de l’une et le veuvage de l’autre. Qu’il est beau l’accomplissement de la vocation à la sainteté dans l’amour conjugal !

Prions pour les époux, pour les fiancés, ceux qui se préparent au mariage, ceux qui avancent en âge et ceux qui vivent cette fidélité délicate dans la maladie, dans l’épreuve. Qu’elle est grande cette vocation que Jésus a vue de ses yeux entre Marie et Joseph. « Il leur était soumis » (Cf. Luc 2, 51), soumis à l’amour de Marie et de Joseph.

Vocation à la vie consacrée

Qu’elles sont belles ces brebis qui, entendant la voix du Bon Pasteur, veulent imiter de plus près Jésus, lui qui a choisi en toute liberté de vivre dans le célibat « pour le Royaume » (Cf. Matthieu 19, 12). Voilà que se lèvent des brebis qui entendent cet appel à vivre dans la consécration au sein de l’Ordre des Vierges consacrées ou dans la vie religieuse féminine ou masculine. Signe[3] admirable de la charité du Christ dans le saint Peuple de Dieu ou pour le monde. Signe admirable que tout être humain est fait pour Dieu et que Dieu seul est capable de combler un cœur humain.

Table ronde sur les vocations
Table ronde sur les vocations

Nous pouvons rendre grâce à Dieu pour ces consacrés que Dieu a mis sur notre route et qui ont été, peut-être sans le savoir, des lumières de la douceur, de la charité, de la miséricorde du Seigneur Jésus. Des lumières de la rencontre. Grâce à ces consacrés, je me suis senti accueilli, écouté, regardé comme une personne.

Consacrer sa vie à Dieu. Voilà le magnifique miroir de l’amour conjugal dans le Mariage : la consécration à Dieu. Comme un jeu de miroirs, le Mariage et les consacrés dans le célibat savent que le tout de leur vie, c’est l’amour vécu dans le célibat pour le Royaume ou vécu dans le Mariage. Signe admirable, la vie consacrée oriente tout vers l’amour. Béni soit Dieu pour cette vie consacrée à la suite toute proche de Jésus !

Vocation à la vie sacerdotale

Enfin, des brebis entendent un autre appel. Appel singulier que les quatre premiers, André, Pierre, Jacques et Jean, ont entendu alors qu’ils étaient pêcheurs sur le lac de Tibériade. Les Évangiles nous disent qu’ils ont tout quitté, tout, pour suivre le Maître. Ils l’ont écouté, mais ils ont failli l’abandonner. Quand ils ont entendu Jésus : « Et vous aussi, vous voulez me quitter ? » (Jean 6, 67) Pierre a répondu au nom des Douze : « Où irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. » (Jean 6, 68) Voilà que Pierre comprend, au nom des Douze, qu’il y en a qui sont appelés à être porteurs de la Parole de Dieu, qui ont la mission d’ouvrir le Livre de la Parole à tous, sans exception, sans exception aucune.

Les prêtres et séminaristes venus des neufs diocèses de l'Ouest
Les prêtres et séminaristes venus des neufs diocèses de l’Ouest

Au plus large des périphéries, ouvrir le Livre de la Parole de Dieu en trouvant les mots qu’ils la disent et non pas les mots qui disent des idées personnelles. Qu’il est beau de donner la Parole de Dieu et rien d’autre que la Parole de Dieu, toute la Parole de Dieu, en trouvant peut-être les gestes, les regards, les paroles qui la disent.

C’est ainsi que nous voyons des brebis ayant la vocation sacerdotale. Elles sont prêtres qui ouvrent cette parole dans les cœurs et qui célèbrent l’Eucharistie pour le saint Peuple de Dieu. Le saint Peuple de Dieu, dans la variété de ses vocations, a soif de participer à l’Eucharistie, a soif d’unir toute sa vie concrète dans le travail, dans la famille, dans l’amitié, dans les associations, dans le bénévolat, à celle du Christ en offrant leur vie avec l’offrande du Christ au saint sacrifice de la Messe.

Bienheureux ceux qui entendent l’appel à être prêtres en donnant leur vie totalement pour célébrer l’Eucharistie pour le saint Peuple de Dieu. Qu’elle est belle cette vocation de prêtre, de pasteur qui, elle aussi, est tout entière dans l’amour que nous appelons, selon le concile Vatican II, la « charité pastorale »[4].

Appel des plus pauvres

Parmi toutes ces brebis du « Bon Pasteur » qui écoutent sa voix et qui le suivent, certaines découvrent que Jésus a pleuré devant son ami Lazare, qu’il a été bouleversé de compassion devant la veuve de Naïm, qu’il a vu le paralysé, entendu l’aveugle, accueilli aussi les dix aveugles, et s’est approché du lépreux. Jésus prononça : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » (Luc 18, 41) Voilà que des brebis écoutant Jésus, le Pasteur, le découvrent avec un tel amour pour les plus fragiles, les plus pauvres, les plus délaissés. Voilà que des brebis entendent dans leur cœur un appel à se faire le prochain des « Lazare » du monde, des pauvres qui traînent devant les portes des riches (Cf. Luc 10, 29-37 ; 16, 19-31). Cet appel à se faire le prochain du plus pauvre pour être en alliance avec lui, résonne dans les cœurs parce que nous avons entendu cette parole : « Moi, dit Jésus, vous ne m’aurez pas toujours avec vous, mais les pauvres, vous les aurez toujours avec vous. » (Jean 12, 8) Comme si Jésus disait : Vous voulez me trouver, vous voulez me rencontrer, vous voulez me découvrir en vérité ? Eh bien, tout ce que vous faites aux plus petits d’entre les miens, tout ce que vous faites aux plus fragiles d’entre les miens, tout ce que vous faites aux plus exclus d’entre les miens, tout ce que vous faites aux plus méprisés d’entre les miens, et bien, sachez-le, c’est à moi que vous le faites.

Quelle rencontre admirable de Jésus dans celles et ceux qui nous permettent de nous vider de nous-mêmes, de nous débarrasser de nous-mêmes, de devenir un peu plus libres pour pouvoir entrer dans la rencontre et vivre la rencontre, découvrir la grandeur de la douceur, de la tendresse, de l’écoute.

Une Église de l’écoute

Écouter ! C’est le Commandement que Dieu a donné à Israël et que reprend Jésus pour que nous soyons tous des brebis qui écoutent. « Écoute Israël… » (Deutéronome 6, 4 ; Matthieu 22, 37). Écoute saint Peuple de Dieu, soit dans l’écoute. Alors tu entendras l’appel, la vocation qui est la tienne. Écoute la grâce que Dieu te donne. Écoute l’amour dont tu es aimé. Écoute le monde qui a soif de découvrir qui est Dieu. Écoute l’appel à servir qui résonne au fond de ton cœur. Écoute quelle est ta vocation et n’aie pas peur de dire, comme le jeune Samuel, avant même de savoir quelle était sa vocation concrète dans l’Église : « Parle Seigneur, ton serviteur écoute. » (1 Samuel 3, 10)

Quelle grâce pour les brebis d’écouter le Bon Pasteur qui est venu pour servir et non pour être servi. Quelle grâce d’être tous ensemble et chacun selon notre vocation, un serviteur et une servante du Christ au milieu des hommes. Rendons grâce à Dieu pour les vocations. Que le Seigneur Jésus, par la puissance de son Esprit, ne cesse de les susciter dans son Église.

Amen.

[1] Constitution pastorale sur l’Église dans le monde de ce temps, Gaudium et Spes, n. 16.

[2] Cf. Constitution sur l’Église, Lumen Gentium, chapitre V.

[3] Cf. Concile Vatican II, Constitution sur l’Église, Lumen Gentium, chapitre VI, n. 44.

[4] Cf. Concile Vatican II, Décret sur la vie et le ministère des prêtres, Presbyterorum Ordinis, n. 14.