Les diacres du diocèse se forment au sujet des abus sexuels

Deux fois par an, la fraternité diaconale diocésaine se retrouve pour un temps de formation, de prière, et une rencontre conviviale. Le 18 janvier 2020, nous étions 70 personnes (diacres et épouses de diacres) à nous retrouver pour réfléchir et nous former au sujet des abus sexuels dans l’Église.

Vincent Massart, diacre, délégué diocésain adjoint au diaconat

C’est un sujet difficile, sur lequel l’Église reste active et constamment attentive. L’actualité ne cesse de rapporter des histoires pénibles et scandaleuses qui nous font mal. Notre douleur concerne d’abord toutes les victimes concernées, mais elle est renforcée par notre appartenance à l’Église, entachée par ces affaires, et par le lien de l’ordination qui nous relie sacramentellement à l’ensemble des ministres de l’Église dont certains sont coupables. Les diacres sont souvent invités à se positionner en tant que représentants de l’Église, par exemple dans les groupes qu’ils peuvent accompagner, ou dans leur milieu professionnel.

Un temps de formation avait déjà été proposé en 2019 pour les prêtres du diocèse et il était donc nécessaire de prendre le temps d’une formation également pour les diacres. Dans ces situations délicates, il faut se donner quelques repères, en particulier sur la façon de réagir, et connaître le cadre légal. Sur ce sujet complexe, il est nécessaire d’envisager des regards différenciés : témoignages de victimes, et interventions de différents professionnels concernés : psychologue, magistrat, juge ecclésiastique.

Différents regards sur un sujet complexe

Cette journée était centrée par la célébration eucharistique comportant un temps pénitentiel plus marqué qu’à l’habitude pendant lequel la fraternité diaconale du diocèse a demandé pardon au Seigneur, au nom de l’Église. Pour cette célébration, présidée par Mgr d’Ornellas, les diacres ont repris les paroles du pape François. « Nous demandons pardon pour les abus, abus de pouvoir et de conscience, abus sexuels de la part des membres de l’Église. D’une façon spéciale, nous demandons pardon pour tous les abus commis dans divers types d’institutions dirigés par des religieux et des religieuses et d’autres membres de l’Église. Et nous demandons pardon pour les cas d’exploitation par des personnes qui, dans le cadre de leur travail ont eu affaire à de nombreux mineurs (…).  »

Le diocèse de Rennes compte 49 diacres permanents, pour la plupart mariés

Mme Stéphanie Hubert, psychologue criminologue, spécialisée dans les affaires de protection de l’enfance, a longuement exposé les conséquences à long terme des actes subis pendant l’enfance. Une agression a d’autant plus de gravité qu’elle concerne une victime plus jeune, sur des durées plus longues. Cependant, une agression unique, même chez un adulte, peut entraîner des conséquences psychologiques sévères à long terme. Il est donc bien question de casser les représentations toutes faites, les idées préconçues. L’église est concernée, mais ces agressions sont malheureusement présentes aussi dans beaucoup d’autres domaines de la société où cela n’est pas encore suffisamment mis au jour. La plupart des actes d’agression sexuelle sur les mineurs se déroulerait dans les associations, en particulier sportives, les milieux de l’éducation, et les familles. À vrai dire, les statistiques restes difficiles sur ce sujet, car les chiffres venant de sources pénales ne représentent qu’une partie de la réalité, il y a beaucoup de paramètres contradictoires pour une statistique fiable.

Des questions… des réponses nuancées

Éclairé par un témoignage réel, et par l’expérience de l’intervenante, le propos de la psychologue a permis d’envisager la complexité de chaque situation. Comment se fait-il que les victimes ne s’expriment pas plus tôt ? Comment ces agressions sont véritablement destructrices pour la personnalité ?  Quel regard la victime porte-t-elle sur elle-même après de tels actes ? Comment la confiance des enfants vis-à-vis des adultes est abolie ? Comment la possibilité d’une parole sur l’agression est-elle exclue par la victime elle-même ? Comment une victime pourra-t-elle retrouver une relation sociale satisfaisante ? Autant de questions et des réponses toujours nuancées en évitant bien souvent la généralisation abusive.

Quant à la psychologie clinique de l’agresseur, il n’y a pas un seul type de structure psychologique, mais différents tableaux possibles, entraînant des agressions selon des modes différents. Enfin, la psychologue a donné quelques clés essentielles pour l’adulte amené à accueillir la parole d’une victime : recevoir ce témoignage immédiatement, dans un lieu rassurant, ne pas déléguer à une autre personne, ne pas faire répéter, mais noter chaque mot dans leur précision, ne pas banaliser mais ne pas faire un interrogatoire, ne pas garder le silence et ne pas rester seule avec cette information.

Deux éclairages plus légalistes

Pendant l’après-midi, deux éclairages plus légalistes ont été proposés : M. Bruno Crépin, magistrat, a exposé le cadre du droit français à ce sujet : il n’y a pas d’abus sexuels, dit-il, il n’y a que des agressions. Ce propos difficile a pu être éclairé par des exemples de situations permettant d’évoquer toute la difficulté pour les juges à comprendre les faits, parfois bien longtemps après leur déroulement, en questionnant des victimes dont la personnalité a été profondément touchée.

Hervé Queinnec, juge ecclésiastique, a pu exposer également les aspects du droit canonique. C’est une législation propre à l’Église, entraînant des peines internes à l’Église. À chaque fois, il faut considérer le for interne et le for externe c’est-à-dire les conséquences des actes pour la personne elle-même, spirituellement surtout, mais aussi pour l’Église dans son fonctionnement. Pour terminer sur le côté juridique de la question, M Crépin et P. Queinnec ont pris un temps au sujet du secret professionnel, c’est à dire en Église la question du secret de la confession, et du secret de l’accompagnement spirituel.

Conclusion par Mgr d’Ornellas

Monseigneur d’Ornellas a conclu la journée avec trois remarques :

  • Nous sommes tous pêcheurs, et il n’y a pas deux catégories de personnes, les uns et les autres, les bons et les mauvais, ceux qui font des actes mauvais, et ceux qui en subissent les conséquences. Ce clivage n’est pas évangélique. L’église est une : quand un membre souffre, c’est toute l’Église et toute l’humanité qui est en souffrance.
  • Le cléricalisme est un mal contre lequel il faut lutter, sachant qu’il n’est pas le fait seulement des prêtres, les laïcs aussi y participent. « Lutter contre l’abus des pouvoirs, c’est un travail de tous ».
  • Enfin et surtout, il faut aimer l’Église, c’est un profond travail de conversion, dans les fibres les plus intimes de notre être (humain, spirituel, sexuel). Rien n’est étranger au Christ. Même dans les scandales et dans les douleurs, il y a un appel à la sainteté, grâce à la parole libérée. Cette parole peut parfois arracher les lèvres et faire souffrir. Mais c’est une parole qui peut nous convertir.

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