Au séminaire, l’enjeu de la vie fraternelle et du partage avec les plus pauvres

Depuis le concile de Trente, les futurs prêtres sont formés dans des institutions qui leur sont propres : des Séminaires. Cette vie commune, en lien avec le peuple de Dieu dans un diocèse, leur rappelle chaque jour qu’ils sont des baptisés, des frères appelés au service de ce peuple dans une vocation commune à la sainteté. Cette variété de vocations est une richesse pour ce service : Dieu sait ce qu’il fait quand il appelle des jeunes si différents socialement, culturellement, spirituellement.

Père Dominique Lagneau (sj), formateur au Séminaire St-Yves et à la Maison Charles de Foucauld

Chaque séminariste est appelé à suivre le Christ, à lui ressembler, à le servir librement. Ce chemin est le même pour tous, mais la manière de marcher sera différente. Cette manière dont l’unique appel de Dieu se diffracte à travers des personnalités différentes, dans le temps et dans l’espace, est une grâce dont il faut mesurer l’importance. C’est un trésor que ces différences fraternelles ! Car les serviteurs de Dieu et de son peuple sont nombreux et leurs dons variés, mais ces divers visages mènent à l’unique visage du Christ. Il n’y a qu’un seul grand-prêtre : le Christ. Et des jeunes sont appelés et éduqués à ressembler à cet unique Sauveur.

Cette mosaïque de visages fraternels est une richesse pour les séminaristes : qu’ils comprennent de plus en plus profondément qu’ils sont identifiés au même Christ dans leurs différences. Dans ce but, il convient qu’ils s’exercent régulièrement à voir dans leurs frères le visage du Christ, à l’aimer et à le respecter comme l’icône de l’unique Sauveur. Éprouver à chaque âge de la vie que nous sommes un peuple de prêtres, une nation sainte, un don royal, est une joie : les prêtres forment un corps singulier – le presbyterium – mais toujours au service de tous les baptisés et de leur sacerdoce baptismal.

Les séminaristes forment une communauté de frères au service de toute l’Église

Les prêtres ne sont ni des stars, ni des gourous, qui concentrent la vie spirituelle sur eux-mêmes, mais ils sont des « amis de l’Époux » : ensemble, ils servent le même Seigneur. La vie fraternelle des futurs prêtres vise à leur faire comprendre que nous sommes tous frères en Jésus Christ : fils adoptifs du même Père. Nous avons tous été sauvés par grâce. Les séminaristes forment une communauté de frères au service de toute l’Église : leur force est dans le témoignage de cette fraternité joyeuse et ouverte au service, au pardon, à la prière.

La vie fraternelle n’est pas uniformisation des caractères et des coutumes, ni de la vie de prière : elle est ouverture à la communion et à la prise en charge commune d’un même appel et d’une même mission. « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom », dit le Seigneur, « je suis au milieu d’eux. » (Mt 18,20) Vivre la grâce de la fraternité, c’est éprouver cette présence de Dieu, non pas seulement dans la solitude du cœur, mais dans l’accueil, le partage et le service mutuel. Si les jeunes en formation parviennent à goûter cette présence au Séminaire, ils seront ouverts à la goûter dans le presbyterium et avec tout le peuple de Dieu, dans toutes les rencontres qu’ils feront.

La figure du bon berger est emblématique pour la vie fraternelle

D’ailleurs de nombreuses expériences et missions durant leurs études, les aident déjà à vérifier et à développer cette affinité relationnelle avec tous les membres du peuple de Dieu : les vieillards et les enfants, jeunes filles et jeunes gens, comme dit le psaume, sont appelés à louer le Seigneur tous ensemble. La vie fraternelle nous rend vulnérables à la vie d’autrui dans les joies et dans les peines. Si nous marchons ensemble, nous nous portons les uns les autres : la démarche d’un pèlerinage nous le rappelle concrètement. La vie sur la terre est un pèlerinage vers le Ciel et nous nous aidons les uns les autres à marcher vers le Père.

Le Christ est parmi nous : il est au-devant des brebis pour leur indiquer les bons pâturages, il est au milieu d’elles pour être à leur rythme, il est à l’arrière avec celles qui sont fatiguées ou blessées. Cette figure du bon berger est emblématique pour la vie fraternelle où les prêtres doivent occuper diverses places dans la marche vers le Père. Marcher au rythme de ses frères et sœurs, éprouver les mêmes sentiments que ceux du peuple de Dieu, goûter à leur soif et à leur attente, n’est-ce pas déjà faire œuvre sacerdotale ?

La présence fraternelle au sein du peuple de Dieu est certainement un témoignage vivant d’une autre Présence divine du Sauveur : « connaître et se revêtir de l’odeur des brebis », disait le pape François dans son homélie du Jeudi saint après son élection. Cette vie fraternelle est souvent l’expérience d’une pauvreté, la découverte des souffrances, des blessures, des handicaps des membres du peuple de Dieu. Passer du temps, marcher, écouter, apprendre des pauvres qui sont proches de nous est une nécessité pour sculpter le cœur sacerdotal. Le bon berger ne fait acception de personne : il est au service de tous. Il est appelé à avoir la confiance des pauvres, des laissés-pour-compte, des blessés de la vie.

Fréquenter, visiter, prendre soin des pauvres et des malades, c’est rejoindre le désir et le mode d’être de Dieu qui « est venu parmi les siens » (Jn 1,11) et qui a rejoint l’humanité dans sa petitesse et sa faiblesse. « Le Christ s’est anéanti lui-même en rejoignant notre condition humaine » (Phi 2,7) : ce mouvement d’amour de Dieu pour les hommes doit rejoindre la condition des prêtres pour qu’ils fassent de même. L’amour de Dieu pour les petits est signe d’une gratuité absolue pour eux : le prêtre doit faire de même.

Des témoins de la bonté divine

Les pauvres disent aux séminaristes leur espérance. Ils les renvoient à l’essentiel de leur mission : ils ne sont pas des fonctionnaires du culte mais des témoins de la bonté divine et de la venue du Royaume. « Les pauvres sont nos maîtres », disait saint Vincent de Paul. Il est bon qu’ils soient aussi des formateurs des séminaristes. Ils leur enseignent combien Dieu est grand et ils leur montrent jusqu’où va cette grandeur : Jésus s’agenouille devant ses disciples et il leur lave les pieds (Jn 13,12-14). Tel est le commandement de l’amour.

Ainsi tout mouvement de service et d’amour que l’on peut vivre durant le Séminaire, identifie le futur prêtre au mouvement même de Jésus qui est venu pour tous. Si le pauvre est honoré, Dieu le sera et tous les hommes le seront aussi. Les pauvres ouvrent leur cœur à la vérité de l’amour et permettent à chacun de découvrir humblement ses propres faiblesses. Demeurer dans la vérité de sa vocation sacerdotale, c’est rester dans l’admiration de l’image divine en toute créature.

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