Les Églises chrétiennes lancent un appel contre le projet de loi sur le séparatisme

Les représentants des trois grandes confessions chrétiennes (Conférence des évêques de France, Fédération protestante de France et Métropole orthodoxe de France) lancent un appel pour exprimer leur inquiétude devant le projet de loi confortant les principes de la République.

Publiée dans le Figaro du 10 mars 2021, cette tribune parait le jour de la Réunion de l’Instance de dialogue Gouvernement-Église lors de laquelle une délégation de l’Eglise catholique (dont le nonce apostolique en France, Mgr Celestino Migliore) rencontrera le Gouvernement français. De nombreux sujets seront abordés – bioéthique, aumôneries, écologie… – et en particulier « La laïcité, la liberté religieuse et le droit des cultes, la fraternité républicaine, au regard de la portée du projet de loi visant à conforter le respect des principes de la République » (communiqué de la Cef, 9 mars 2021).

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Cet appel est constitué d’un texte co-signé par Mgr Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France, le Pasteur François Clavairoly, président de la Fédération protestante de France, et le Métropolite Emmanuel Adamakis, du Patriarcat œcuménique en France. Il est accompagné d’une interview de Mgr Éric de Moulins-Beaufort.

Lutter contre les « séparatismes », respecter la logique de la loi de séparation

La tribune évoque, en 4 points, l’avis des représentants des trois confessions chrétiennes sur ce texte, adopté en première lecture à l’Assemblée nationale le 16 février et qui sera examiné au Sénat à partir du 30 mars. Extraits.

Les signataires reviennent d’abord les rapports entre « la République et les cultes : un équilibre, résultat de l’histoire ». « La République est l’ambition et la promesse de faire vivre ensemble à égalité de droits et de devoirs des hommes et des femmes indépendamment de leurs appartenances familiales, ethniques, culturelles, religieuses. » Les confessions chrétiennes ont « appris à vivre en elle et à nous y trouver bien. » « La loi du 9 décembre 1905 séparant les Églises et l’État a été reçue par les croyants de manières diverses. » « Par cette loi de séparation, les citoyens sont libres de croire ou de ne pas croire et, s’ils croient, de pratiquer leur culte individuellement et en commun dans les seules limites de l’ordre public. »

« Attachés à l’ambition et à la promesse de la République, inquiets devant ce projet de loi. » « C’est au nom de cet attachement que nous exprimons aujourd’hui publiquement notre inquiétude » « D’une loi qui énonce les conditions de la liberté et laisse cette liberté s’exercer, on fait une loi de contraintes et de contrôles multipliés… »

Ce projet de loi risque de porter atteinte aux libertés fondamentales

« Lutter contre les « séparatismes », respecter la logique de la loi de séparation. » « Les justifications de ce projet de loi s’entendent. Il y a effectivement en France des menées que l’on peut à bon droit qualifier de « séparatistes » » « Il est du devoir de l’État de protéger les habitants de notre pays de ces manœuvres et de promouvoir la haute ambition de la République. Nous saluons sans réserve les dispositions du projet de loi permettant de lutter plus directement contre les mariages forcés, les mutilations sexuelles des jeunes filles, l’inégalité de l’héritage, les discours de haine, les discriminations multiformes. » « Mais à quoi sert-il de compliquer la vie des associations cultuelles prévues par la loi de 1905 ? »

« Par sa logique interne, quoi qu’il en soit des intentions, ce projet de loi risque de porter atteinte aux libertés fondamentales que sont la liberté de culte, d’association, d’enseignement et même à la liberté d’opinion malmenée déjà par une police de la pensée qui s’installe de plus en plus dans l’espace commun. »

« Tenir la promesse républicaine. » « Le cadre général de la loi dans notre pays fournit aux pouvoirs publics bien des moyens de réagir aux propos de haine, aux menées subversives, à l’influence des États étrangers qui chercheraient à poursuivre leur politique dans les frontières de notre pays. Que ces lois soient appliquées dans leur lettre et dans leur esprit, nous nous en réjouirons. »

Dans son interview, Mgr Éric de Moulins-Beaufort évoque l’enjeu fondamental de ce débat : « Notre société sécularisée accepte-t-elle d’entendre que la destinée de chaque être humain ne se limite pas à se nourrir, travailler, se distraire et se cultiver mais que tout être humain engage sa liberté dans ses actes et apprend à devenir davantage lui-même devant la famille humaine et devant Dieu. Cet enjeu concerne tous nos concitoyens, chrétiens compris. Notre devoir est d’y être attentifs. »