La laïcité : un enjeu de liberté, d’égalité et de fraternité

Autour des 9 évêques et de leurs Conseils épiscopaux, des représentants de services diocésains aux avant-postes de la laïcité

La session annuelle des évêques de la Province ecclésiastique de Rennes – du 31 janvier au 3 février 2022 au sanctuaire de Pontmain – commençait par 2 jours de réflexion sur la laïcité. Après le vote de la loi, dite contre le séparatisme, et avant les élections présidentielles, le sujet est d’actualité.

Présents à cette session, les aumôneries sont aux avant-postes de la laïcité : dans les hôpitaux ou Ehpad publics, dans les prisons, dans les établissements d’Enseignement publics… Ces aumôniers et leurs équipes bénéficient de la possibilité d’accompagner des personnes dans des lieux pourtant gérés par l’État. Cela se fait dans un cadre législatif qui trouve son origine dans la loi de 1905 de séparation de l’Église et de l’État.

Cette session annuelle est aussi un temps de fraternité et de prière pour les 9 évêques de la Province de Rennes

Aumôneries : une porte d’entrée

Un contexte contraignant, mais qui permet un « respect de notre mission », « une porte d’entrée » pour ceux qui sont isolés pour des raisons de santé ou en détention. C’est ce dont témoignent ceux qui ont répondu à une enquête menée dans les 9 diocèses de la Province. Le bilan est moins positif pour l’aumônerie de l’Enseignement public, qui peine aujourd’hui à entretenir les liens avec les établissements.

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Même si le vécu de ces aumôneries est globalement apaisé, la situation est de plus en plus bouleversée par l’arrivée d’aumôneries musulmanes. Elles obligent les institutions à se réinterroger sur l’application de la laïcité. Tous témoignent d’« un fragile équilibre », « à vivre en équipe » et appellent à « être vigilant pour que la liberté religieuse ne se réduise pas. » Dans l’Enseignement catholique, la laïcité se vit dans « un contexte plus apaisé ».

La laïcité manipulée ?

Jean-Louis Bianco, un passionné de la laïcité

Jean-Louis Bianco, responsable de l’Observatoire de la laïcité de 2013 à 2021, a partagé son diagnostic d’une société tiraillée entre « affirmation identitaire et délaissement de la religion ». Il souligne une « laïcité manipulée » par les politiques, parfois aussi par les intellectuels et les journalistes. Il insiste sur l’application de la loi : « la laïcité, ça se construit, ça se vit ! »

La laïcité « n’est pas une valeur, c’est un principe politique ». Il repose sur 3 piliers, la liberté de conscience, et donc de religion ; la séparation des Église et de l’État, et donc la neutralité des services publics au nom de l’égalité ; enfin la citoyenneté et la fraternité. Mais Jean-Louis Bianco pense la « situation grave » : la nouvelle loi contre le séparatisme (24 août 2021) ressemble à « une usine à gaz » qui développe une « vision étatiste », motivée par ce qui apparaît comme « une obsession de l’Islam. » Il y a le danger de créer « un instrument de contrôle de la citoyenneté. »

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Des chartes pour donner un cadre

Le point de vue de la société civile a aussi été donné par le président du Conseil départemental d’Ille-et-Vilaine, Jean-Luc Chenut, à l’origine de la création d’une charte départementale de la laïcité après la série des attentats islamistes à Paris. Promoteur d’une vision « bienveillante » de la laïcité, cet élu de terrain valorise le dialogue, sans minimiser les agressions qu’on lui signale.

Le recteur d’Académie pour la Bretagne, Emmanuel Ethis, a présenté la Charte de la laïcité à l’école. Depuis 2013, ce « guide » affiché dans tous les établissements publics, donne un principe éducatif qui cherche à « accompagner chaque élève pour en faire un esprit critique ».

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Rendez à César ce qui est à César ?

Père Alain de Boudemange

Et dans la Bible ? S’appuyant sur cette phrase énigmatique des évangiles, le père Alain de Boudemange, professeur de théologie à l’UCO d’Angers, a conclu la session en constatant que les textes bibliques ne parlent évidemment pas de laïcité mais donnent un certain nombre de repères intéressants. De Abraham à saint Paul, la Parole encourage les chrétiens à « être une bénédiction pour toutes les Nations ». Si nous sommes choisis par Dieu, dit l’apôtre Paul, c’est pour être « dans et au cœur du monde », et non pas à côté ou au-dessus.

Finalement, Mgr Pierre d’Ornellas, coordinateur de la session, a appelé les participants à être « acteurs de la laïcité » « pour que la paix gagne sur la peur ». La laïcité, spécialité française, doit rester une liberté à appliquer avec intelligence afin de permettre de mieux vivre les uns avec les autres.