Parole de l’Évêque – L’urgence de la sainteté

Paru dans Église en Ille-et-Vilaine n°340 – Mai 2022

Alors que nous entendons avec crainte parler de l’utilisation de l’arme nucléaire, comment ne pas penser à la sainteté ?

En effet, « les phares que la main de Dieu a allumés au seuil du siècle atomique s’appellent Thérèse de Lisieux, Charles de Foucauld ». C’est le père Yves Congar, dominicain, qui prononça cette phrase. Comme son discernement est juste ! Âgé de 90 ans, quelques mois avant sa mort, il fut créé cardinal par saint Jean-Paul II, lui-même figure de sainteté pour le XXIe siècle.

Si Thérèse a été déclarée sainte en 1925, Charles l’est ce 15 mai 2022. Mais sa sainteté est reconnue depuis longtemps. L’un et l’autre ont illuminés le XXe siècle marqué par les ténèbres des bombes atomiques de Nagasaki et d’Hiroshima.

Malgré leur différence d’âge – Thérèse est née en 1873 et Charles en 1858 –, ils se sont rejoints sans le savoir en 1886. À la fête de Noël de cette année, à Lisieux, Thérèse commença sa « course de géant » vers la sainteté, tandis que c’est fin octobre, à Paris, que Charles y fut soudainement introduit. Tous les deux furent des apôtres de la miséricorde de Dieu et de la confiance absolue en Lui. Tous les deux ont été brûlés par l’amour au point de se sentir appelés à porter cet amour à tous, jusqu’aux confins de la terre.

Les écrits de sainte Thérèse ou de saint Charles sont pleins de lumières. Ils sont nourris de la Parole de Dieu. Ils conduisent à une foi mûre, à une espérance active et à une charité effective. Ils sont une illustration du chemin de sainteté sur lequel Dieu nous appelle à marcher. Ils dévoilent la vie des « disciples » de Jésus, appelés à AIMER.

L’arme nucléaire symbolise le pouvoir que l’homme s’est donné à lui-même en se détournant de Dieu. Face à ces pouvoirs destructeurs mis en place avec tant d’argent, l’homme clairvoyant, éclairé par l’Esprit Saint et guidé par l’humilité et la pauvreté, discerne la dignité inviolable du plus petit au cœur brisé, aimé de Dieu, créé à son image et à sa ressemblance.

Face à l’ego orgueilleux, toujours insatisfait et triste, qui se veut toujours plus puissant afin de mieux dominer les autres, le serviteur, qui n’a pour arme que la charité accompagnée de douceur, montre la « joie parfaite » que l’on trouve en donnant et en servant, à la suite de Jésus « venu non pour être servi mais pour servir ».

Face au tyran qui profère des mensonges pleins de vacuité et qui n’a plus que la force mortifère pour se justifier en foulant au pied le droit, le prophète reconnaît dans la vérité la source de sa liberté par laquelle il proclame une parole attestant les droits de Dieu, le Père de tous les hommes, frères les uns des autres.

La sainteté est la seule force qui donne au monde sa cohérence et sa beauté. Seule, elle répond aux désirs essentiels les plus secrets de l’être humain. Dans la grande diversité dont témoignent tant de saintes et de saints, canonisés ou anonymes, la sainteté dévoile toujours le chemin de paix où il nous est plus facile d’avancer, avec la grâce de Dieu et la confiance en sa miséricorde.

Dieu a allumé dans le cœur de Thérèse et de Charles le désir brûlant de la sainteté, au moment de l’ère atomique. Pourquoi n’éveillerait-il pas en nous le même désir au moment où la violence semble proliférer ? « La volonté de Dieu, c’est que vous viviez dans la sainteté » (1 Thessaloniciens 4,3). Dieu est fidèle. La sainteté est urgente.

Pensant au 3e millénaire, saint Jean-Paul II a écrit : « Je n’hésite pas à dire que la perspective dans laquelle doit se placer tout le cheminement pastoral est celle de la sainteté. » (6 janvier 2001)