Saints bretons et animaux

« Est-ce toi qui chasse pour la lionne une proie, qui apaise l’appétit des lionceaux ? » demande Dieu à Job (Jb 38,39).

Notre culture se satisfait bien d’une spiritualité où l’homme a l’exclusivité de tout, jusqu’à l’exclusivité de la relation au Créateur. Mais la tradition chrétienne dit autre chose. L’ensemble de la création, en particulier le règne animal, est animé par le souffle de Dieu (Ps 104,30) et justifié par le Christ (Rm 8,22).

À l’initiative de Chrétiens Unis pour la Terre, l’illustrateur Sébastien Monteil livre son regard sur ces saints bretons dont la vie spirituelle est indissociable d’une relation fraternelle avec le monde animal.

 

Saint Martin de Vertou et l’ours

Un compagnon de Martin de Vertou, Maximin, connu une mésaventure alors qu’il était en chemin vers la ville pour chercher des vivres. Un ours dévora son âne. Pris de remords, l’ours se présenta au saint, doux comme un agneau, pour porter des charges de bois jusqu’au monastère.

 

Saint Corentin

La légende rapporte que Saint Corentin, dans son ermitage, s’était lié avec un petit poisson fréquentant une fontaine à proximité. Chaque jour, le poisson lui offrait sa chair et chaque nuit sa chair se reconstituait par merveille.

La survie du Saint dépendait de l’offrande que cette minuscule créature faisait de son corps, don gratuit au nom de l’amitié

 

Sainte Nennok et la biche

A Plémeur, les hommes du comte Gueroch donnaient la chasse à une biche. La biche est affolée ; elle parvient à une clairière où se trouve le monastère de Nennok. Elle franchit la cour, traverse le chœur de l’église et se couche devant l’abbesse, alors que Nennok chantait les vêpres. L’équipée parvient devant le porche. Les chiens s’arrêtent aussitôt à ses pieds. Nennok s’adresse aux chasseurs : le monastère est un lieu d’asile absolu.

 

Saint Ké et les sept cerfs

A l’ermitage de Ké, à l’orée d’une épaisse forêt, un cerf se présenta pour se réfugier. Ké le cacha. Théodoric, qui le pourchassait, en conçu une colère si violente que pour se venger il vola les sept bœufs et la vache de Ké. Le lendemain, Ké vit sortir sept cerfs de la forêt, qui demandèrent à être attelés en remplacement des bœufs. Ké et ses moines purent ainsi reprendre grâce à eux le travail de leur champ et subvenir à leurs besoins. La reconnaissance des cerfs lui permit de soutenir les provocations et les humiliations de Théodoric, qui resta pourtant insensible à ce prodige. Il le paya d’ailleurs fort cher…

 

Sainte Juvette et les oiseaux

Sainte Juvette, sœur de Saint Maudez, demandait aux oiseaux et aux animaux de ne pas abîmer les moissons des paysans les plus pauvres. Elle était toujours obéie.

 

Saint Marcoul et le lièvre

Un lièvre poursuivi par les veneurs du roi Childebert se réfugia sous les habits de Marcoul. Le saint est comme un temple où l’asile est absolu.

 

Saint Brieuc et les loups

Une meute de loups voulut un jour s’attaquer à un convoi de bœufs. Ils l’entourent, prêts à attaquer, lorsqu’ils reconnurent Brieuc. A un simple geste de sa part, ils le rejoignent et se couchent. Ils restent autour de lui une nuit entière jusqu’à l’aube. Ils empêchent les autres moines d’approcher. Brieuc rayonne parmi eux. A-t-on jamais vu une meute de loups plus glorieuse ? Leur exemple prodigieux stupéfie un groupe d’émigrants bretons menés par Conan. Brieuc demande aux loups de se retirer et Conan les voit obéir. Conan s’aperçoit, comme le firent les loups, que la grâce de Dieu illumine le visage de Brieuc. Il demande aussitôt le baptême pour lui-même et les siens.

 

Saint Malo et les roitelets

Un couple de passereaux, des roitelets, auraient choisi de faire leur nid dans le capuchon de l’habit que Malo avait pendu à un chêne au cours d’une journée de travail à la vigne. Malo prit patience et leur accorda refuge jusqu’à l’envolée de leurs petits. Le manteau, laissé sur l’arbre, était toujours protégé lorsque la pluie tombait.

 

Saint Thélo à dos de cerf

C’est à dos de cerf que Thélo parcourait les deux Bretagne, pour soigner et prêcher. Le cerf l’entrainait ainsi dans les forêts les plus profondes et les lieux les plus reculés. Le cerf et le saint couraient sous les grandes frondaisons de hêtre et de chêne, traversées de la lumière du soleil. On ne représente jamais Saint Thélo sans son compagnon.

 

Saint Hervé

Un loup avait dévoré l’âne de Guic’haran, qui accompagnait et guidait Hervé l’aveugle. Hervé se retira en prière et le loup revint de lui-même pour faire pénitence. Pour réparer sa faute, le loup choisit de prendre la place de l’âne. Il se fit atteler par Guic’haran, l’aida à trainer la charrue et à porter les charges. Il resta avec lui et vivait en paix avec les moutons avec lesquels il partageait la même étable.

Hervé est aussi le grand barde qui, accompagné de sa harpe, chantait son cantique du paradis :

Kerkent ha ma vezo,
Torret va chadennoù,
Me’n em savo en aer,
Evel un alc’houeder.
Tremen a rin al loar,
Evit pignat d’ar c’hloar,
Dreist an heol, ar stered,
Me a vezo douget.
Kenavo da viken,
Paourentez hag anken,
Kenavo pec’hedoù,
Trubuilh ha kleñvedoù.

Aussitôt que seront
brisées mes chaînes,
Je m’élèverai dans les airs
Comme une alouette.
Je passerai la lune
Pour monter vers la gloire
Par-delà le soleil, les étoiles
Je serai porté […]
Au revoir à jamais
Pauvreté et angoisse
Adieu, péchés
Tourments et maladie.