Homélie de la samaritaine : 3è dimanche de carême C

Saint Paul	Saint Martin

3è dimanche de carême C (la samaritaine/scrutin Flore) 28 février 2016

 Cette rencontre de Jésus et de la Samaritaine est dans toutes nos mémoires. C’est un texte trop connu peut-être. Alors pour qu’il nous étonne encore, essayons d’en faire une triple lecture :

• une lecture historique,
• une lecture symbolique,
• une lecture pratique.

1) Tout d’abord une lecture historique

Pour mesurer à quel point la rencontre de Jésus et de la Samaritaine était scandaleuse. Rappelons-nous que les juifs détestaient les Samaritains pour un certain nombre de raisons : Les Samaritains étaient pour les juifs un peuple de bâtards, que les purs juifs méprisaient. Ils étaient aussi un peuple hérétique puisqu’ils ne fréquentaient pas le Temple de Jérusalem. Ils allaient prier sur le Mont Garizim, si bien que les juifs pieux croyaient rendre gloire à Dieu en détestant les samaritains. En plus, la religion juive considéraient les femmes comme impures dès leur berceau, c’est-à-dire toujours.

Voilà où Jésus met les pieds. C’est cette femme impure que Jésus aborde sur la margelle du puits. Impure parce qu’elle est de Samarie, impure parce qu’elle est femme, impure parce qu’elle est une femme légère, puisque les vrais maris ou les faux maris se succèdent à la maison. En face de cette femme trois fois impures, Jésus sans crainte et avec une aisance toute simple, Jésus pulvérise cette triple barrière.

A travers cette rencontre, son message est éclatant : pour Dieu, il n’y a pas d’exclus, pas d’ennemis, pas de maudits, pas d’impardonnables. Oui, qui que nous soyons, Dieu se propose à nous, pourvu qu’on le cherche. Toutes les femmes, tous les hommes ont droit à l’eau vive de la Parole de Dieu et de son amour…Voilà la lecture historique.

2) Voici la lecture symbolique.

Oui, c’est le symbole qui peut le mieux nous conduire au mystère : Pour les nomades, pour les gens du désert, un point d’eau, un puits, c’est bien plus qu’un puits. C’est le lieu où l’on bavarde, où l’on échange. Le puits, c’est l’endroit où l’étranger devient un ami. Et dans la bible, le puits est souvent le lieu où les mariages se concluaient.

Avec Jésus ce puits devient symbolique : cette eau du puits est maintenant la parole de cet homme Jésus, une parole merveilleuse bien plus profonde que la profondeur du puits, une parole qui dévoile la vérité d’une vie : il m’a dit tout ce que j’ai fait, venez l’écouter. Une parole précieuse, plus vitale qu’une source au milieu du désert. Une parole définitive, puisque la Samaritaine peut laisser là sa cruche avec laquelle elle puisait l’eau du puits. Elle n’a plus soif de cette eau-là, elle n’a plus soif de ces amours-là. Les mots de Dieu, dans la bouche de Jésus, ont comblé sa soif.

Et enfin, ce puits, ce lieu où se nouaient les mariages, est devenu le lieu où se déclare le mariage spirituel, la nouvelle alliance entre le Christ et l’humanité, entre le Christ et l’humanité pécheresse et païenne. Jésus fait entrevoir, à cette femme et à nous tous encore aujourd’hui, l’adoration du Père en Esprit et en vérité, bien au-delà des querelles des peuples et des religions. L’adoration véritable ce sera chaque fois où avec un cœur droit des hommes se tourneront vers Dieu, chaque fois où avec un cœur droit nous nous tournons vers Dieu. Voilà ce que St Jean insinue finement bien au-delà de l’épisode raconté.

3) Et enfin une lecture pratique :

L’évangile de la Samaritaine que nous méditons éclaire évidemment notre vie d’aujourd’hui. Aujourd’hui comme hier, Jésus fait jaillir l’eau vive de sa parole, en pleine Samarie des païens, des hérétiques, des impurs. Qui sont ces samaritains, ces samaritaines que Jésus nous demande d’accueillir ?

C’est peut-être cette belle-sœur divorcée que la famille rejette, c’est peut-être ce collègue de travail dont on n’ose pas soutenir le regard… C’est ce croyant d’une autre religion qui habite notre palier ou notre rue. Ou cet homme tout simplement dont le look ne nous revient pas… Et puis la Samarie, elle est parfois en nous… en chacun de nous, lorsque nous nous mettons à désespérer de nous-mêmes : « ma vie est inconsistante, ma vie est trop en désordre, Dieu ne peut pas m’aimer»…

Dans cette eucharistie que nous célébrons ensemble, Jésus veut être pour nous une source d’eau vive, un puits de l’amour du Père. Jésus veut être cette source d’eau vive, ce puits de l’amour du Père pour tous les catéchumènes du diocèse qui se préparent à recevoir le baptême à Pâques. Notre Evêque les a appelés officiellement au baptême il y a 15 jours. Et aujourd’hui dans leur communauté paroissiale – c’est le cas de Flore aujourd’hui – ils vivent une autre étape. C’est un rite pénitentiel qui leur est proposé, une prise de conscience de leurs limites et de leurs faiblesses, un appel à la conversion, à se tourner vers Dieu afin de préparer leurs cœurs à recevoir le don de Dieu et à se laisser transformer par lui. Alors tous et chacun, ne passons pas près du puits sans nous y arrêter, venons puiser à ce puits… pour traverser avec confiance toutes les Samarie de nos vies !…