Les Églises du Réveil d’ici et d’ailleurs

A saint Jean-Marie Vianney (paroisse Bienheureux Frédéric Ozanam), à l’invitation de l’Association des Amis de la Bibliothèque Diocésaine de Rennes, le Père Rhod  SAKANI  est venu parler le lundi 12 mars, des « Églises du Réveil d’ici et d’ailleurs »

Une bonne soixantaine d’auditeurs étaient réunis pour écouter le recteur de l’église Saint-Sauveur de Rennes faire connaître l’histoire des Églises du Réveil en Afrique, et en particulier au Congo dont il est originaire, et exposer les problèmes sociaux et spirituels qu’elles peuvent poser. Ce dernier point est d’autant plus important pour nous que ces Églises connaissent un rapide développement à Rennes et, plus généralement en Ille et Vilaine.

Père Rhod SAKANI

Le développement des Églises du Réveil se fonde sur des missions fondamentales dévolues aux chrétiens qui doivent obéir à la Parole du Christ : « Allez par le monde entier, proclamez la Bonne Nouvelle à toute la Création… » (Mc, 16, 9). C’est d’ailleurs ainsi que notre Père René Tabard, répondant à cet appel, a pu laisser, justement au Congo en état de guerre, par ses enseignements et par son action humanitaire, un souvenir encore très présent que le Père Rhod a tenu à saluer chaleureusement.

Cependant, dès les années 1980, à côté de l’action de l’Église Catholique, d’autres mouvements chrétiens évangéliques, issus très souvent du Pentecôtisme, ont donné lieu à une véritable prolifération des Églises du Réveil, chacune pouvant être guidée par un pasteur autoproclamé.

Les évêques ont bien sûr réagi devant ce phénomène qui a rapidement constitué un danger pour l’Eglise certes, mais aussi pour la société tout entière. En 1991, l’État ne dénombrait pas moins de 350 associations religieuses reconnues, tandis que de nombreuses sectes issues des États Unis ne pouvaient agir au grand jour

Le diocèse de Brazzaville par exemples ne comptait alors que 44 paroisses. L’Église Catholique a été interpellée par cette effervescence religieuse poussée pas une mondialisation vertigineuse, alors que ses propres fidèles, fuyant la guerre, se réfugiaient dans les pays plus au Sud et en particulier en République Démocratique du Congo. Dans ces pays les réfugiés étaient accueillis à bras ouverts par les différentes églises du Réveil et embrassaient leur foi, et dans un esprit de reconnaissance ils l’ont conservée même après leur retour au pays.

C’est que les Églises du Réveil, qui se présentent à la fois comme prophétiques, messianiques et thérapeutiques, disposent de bien des atouts pour attirer à elles des populations meurtries par la guerre et la misère. D’abord elles exploitent le titre de prophète par lequel elles annoncent la Parole, dénoncent les injustices et appellent à renoncer au péché… en donnant à leurs prophéties une précision surprenante : la date d’une guérison… ou de l’achat d’une voiture, le nom du responsable (choisi de préférence dans la famille) de tel ou tel malheur ou, après purification, des promesses irréalisables. Le pasteur dans ces cas-là parle en son propre nom et non pas au nom de Jésus, et il ne peut pas être remis en cause. Il n’hésite pas à des mises en scènes trompeuses qui bernent ceux qui le croient. Et d’ailleurs, les procès pour tromperie intentés à ces prétendus pasteurs ne sont pas rares. Enfin, la fonction thérapeutique s’exerce au cours de consultations faussement médicales, (qui recommandent souvent un jeûne extrême ou des pratiques fétichistes ou des « traitements » sur ordonnances à acheter dans des pharmacies « spécialisées »), cette fonction thérapeutique s’applique aussi contre le chômage, ou sur tout autre aspect de la vie quotidienne.

Et pour que cette triple fonction puisse s’exercer efficacement, une offrande conséquente sera évidemment demandée !

 Par tous les moyens, ces pratiques maintiennent les adeptes dans un état de dépendance qui leur ôte la force de réfléchir et elles les persuadent que leur pasteur est le plus fort, qu’il s’intéresse de très près à chacun d’entre eux. Par ailleurs les très nombreuses activités proposées par les communautés montrent que leur Église est vivante, et les prédications longues et passionnées enracinent la foi des fidèles.

Cependant, il faut se garder de juger les Églises du Réveil : certaines ne posent aucun problème (autre que théologique : c’est une autre affaire…). Mais il faut dénoncer celles qui exploitent la misère des personnes déjà en difficulté ou la souffrance de personnalités fragiles quel que soit leur niveau économique et social, et prospèrent sur le terreau de leur crédulité

Quelles réflexions cette conférence sur les Églises du Réveil peut-elle inspirer aux catholiques que nous sommes ?

Le succès des Églises du Réveil nous renvoie en miroir certaines de nos insuffisances :

Les fidèles de ces Églises ont besoin d’accueil et de solidarité : notre Église va-t-elle vraiment vers ceux qui sont seuls, ou malades ou sans ressources ?

Les fidèles de ces Églises recherchent une formation spirituelle : quel est notre propre niveau de formation à la foi et qu’offrons-nous dans nos communautés en termes d’enseignement spirituel pour enraciner notre foi face aux difficultés de la vie ?

Il ne s’agit pas du tout de critiquer l’action de l’Église mais de saisir cette occasion pour nous remettre en question, comme d’ailleurs le Synode diocésain nous y invite.

Il faut reconnaître qu’en France la souffrance morale et humaine est grande, et que nous ne devons pas la tenir cachée.

Le mouvement charismatique est d’un grand secours car il apporte des réponses adaptées par des prières vivantes, mais le discernement « franc » reste essentiel car des déviations existent.  Le renouveau charismatique permet certes à des hommes et à des femmes de revenir dans le giron de l’Église, mais celle-ci reste la sentinelle de ces grâces.

Remercions le Père Sakani de nous avoir offert cette belle conférence largement applaudie, le Père Tabard d’avoir ouvert son église pour l’accueillir, et l’Association des Amis de la Bibliothèque Diocésaine de Rennes d’avoir organisé cette soirée.