Homélie 9-10 mars 2019 – 1er Dimanche de Carême – Année C

Père Alain Ferré

Curé de la paroisse Saint-Jean XXIII de Rennes (35)

Évangile : «Dans l’Esprit, il fut conduit à travers le désert où il fut tenté» (Luc 4, 1-13)

Ce samedi soir, à Saint Augustin, notre Évêque fait l’appel décisif vers le baptême de 35 jeunes adolescents de notre diocèse. Et ce dimanche à Bruz, notre Evêque fait l’appel décisif vers le baptême de 38 adultes. Tous seront baptisés à Pâques dans leur paroisse respective. Et aujourd’hui, dans notre paroisse, Céleste fait la dernière étape vers son baptême qu’elle vivra en Juin.

Tous ont cheminé avec un groupe d’accompagnement. Ils ont appris à connaître la Bible, à goûter la parole de Dieu… Ils ont appris à connaître Jésus, à l’aimer, à reconnaître sa présence dans leur vie. Et ce week-end, l’Évêque les appelle personnellement par leur prénom et leur donne son accord pour leur baptême à Pâques, en profitant de tout ce temps de conversion du carême. Et ils diront leur adhésion en signant sur le registre de l’Église, le registre des catéchumènes.

Mais comment sont-ils arrivés à vouloir être baptisés comme adultes ou comme jeunes ? Çà nous étonne toujours, nous les baptisés de longue date.

C’est très simple : un évènement, une rencontre, une parole les a touchés.

Pour certains, c’est à l’occasion d’un évènement difficile, un deuil, une maladie. Je pense à cette infirmière de service de cancérologie, questionnée par le non-sens de la maladie, qui, un jour en se rendant par amitié à un enterrement, entend une parole de l’Évangile qui la touche profondément, et c’est le déclic vers le baptême.

Pour d’autres, c’est par le partage avec le conjoint croyant et pratiquant.

Pour Céleste, c’est l’influence de camarades de son école qui viennent au caté.

Les catéchumènes nous rappellent que Dieu ne cesse pas de venir vers les hommes, vers nous, de vouloir nous imprégner de son amour. Le baptême nous a plongés dans cet amour de Dieu, qui est à accueillir chaque jour, à faire vivre à chaque instant. Et nous le savons bien, le baptême ne produit pas de fruit si nous n’en vivons pas, si c’est simplement un évènement du passé. Ce qui fait dire au Pape François : pour beaucoup aujourd’hui, leur foi, c’est un musée de vieux souvenirs religieux d’autrefois.

Une vie de baptisé, c’est un combat, c’est le combat de la fidélité à l’amour de Dieu. Et c’est ce que nous rappellent les 40 jours du carême. Le carême nous replonge symboliquement dans cette longue histoire de la fidélité de Dieu à son peuple et de la réponse de la fidélité du peuple à Dieu. Pendant 40 ans le peuple hébreu a cheminé dans le désert pour échapper à la captivité et accéder à la liberté. Ce ne fut pas sans combat. Le désert a été le lieu de l’épreuve, le lieu où s’éprouve la confiance et la fidélité.

Pour nous, les 40 jours du carême, c’est le temps d’un cheminement spirituel, pour essayer de quitter nos esclavages. Nous passons par le désert pour éprouver la faim, et discerner quelle est notre faim profonde, ce qui nous anime en profondeur dans notre vie aujourd’hui, ce qui est essentiel.

Nous pouvons être surpris que Jésus ait été lui-même mis à l’épreuve par le démon, le diviseur, qu’il ait été tenté. Soyons heureux qu’il ait vraiment assumé notre existence humaine, qu’il n’ait pas fait semblant. Soyons heureux qu’il soit vainqueur, là où le peuple hébreu autrefois a succombé, là où nous-mêmes nous succombons. En Jésus, nous pouvons affronter à notre tour le combat de la vie contre la mort, de la vérité contre le mensonge, de la réalité contre le rêve.

Dans notre existence, nous rencontrons :

– La tentation de l’abondance, première tentation : «que ces pierres deviennent du pain». Toutes nos tentations autour de l’argent, de la fortune, de nos comptes en banque. C’est-à-dire la tentation d’idolâtrer les biens matériels, l’argent, l’avoir : de les idolâtrer, c’est-à-dire d’y voir le lieu de notre bonheur, alors que le vrai bonheur, selon Dieu, est ailleurs, bien au-delà de tout cela.

– La tentation de l’apparence, deuxième tentation : «fais des prodiges pour épater la galerie»… Toutes nos tentations de la gloriole, de la vantardise, de la réussite par tous les moyens. La tentation de monter plus haut, au sommet de notre moi, et de tout soumettre à notre désir, à notre volonté de dominer.

– La tentation de la puissance, troisième tentation : «domine les autres»… Toutes nos tentations pour exercer le pouvoir dans son couple, dans sa famille, dans sa profession, dans ses relations avec les autres, dans la vie de l’Eglise…

Frères et sœurs, pendant ce carême, le démon, le malin sera particulièrement au rendez-vous dans nos vies, pour nous présenter le mal sous le visage du bien. Il pourra nous dire : occupe-toi donc de toi d’abord au lieu de t’occuper des autres ; prends du bon temps, profite de la vie, ne t’occupe pas du reste ; laisse-les donc se débrouiller à la paroisse ; leurs 3 soirées de carême pain-pomme, très peu pour toi ; et puis le dimanche matin repose-toi, c’est pas grave de louper le rendez-vous de la messe…

Pour vous les enfants, peut-être que le malin vous dira aussi des choses : t’as raison de ne pas prêter tes affaires, tes jeux, ils sont à toi pas à lui ; t’as raison d’envoyer promener les camarades qui t’agacent… etc, etc…

Mais si vraiment nous faisons notre carême, nous y rencontrerons aussi Jésus, qui nous redira toute Parole qui sort de la bouche de Dieu. Cette Parole de Dieu ne nous dira certainement pas l’abondance, mais le partage ; certainement pas l’apparence, mais la modestie, l’humilité ; certainement pas la puissance, mais le service… Oui Seigneur, ne nous laisse pas entrer en tentation, mais délivre-nous du mal.

Alors, bon carême avec Jésus, malgré les tentations.