Saint-Pern

Eglise Saint Paterne de Saint Pern

Aux origines de Saint Pern :

La commune de Saint Pern a la chance de posséder plusieurs témoignages écrits attestant l’existence d’un patrimoine religieux remarquable. La dernière page d’un évangéliaire de la fin du IX° ou du début du X° siècle, aujourd’hui conservé en Belgique, mentionne sa dotation à l’abbaye de saint Bern en l’évêché de Saint-Malo. Plusieurs éléments permettent de situer cet établissement à Saint Pern.

Le territoire communal aurait donc possédé une abbaye carolingienne. Cette hypothèse est étayée notamment par six chartes-notices de la seconde moitié du XI° siècle relatant la donation de l’église, de ses dîmes et de terres à l’abbaye Saint-Nicolas d’Angers, après la fuite des moines en Belgique actuelle. Les religieux angevins durent substituer à cette occasion saint Patern, appelé saint Pair en Normandie, à l’obscur saint Bern.

L’église Saint Patern :

L’église de Saint Pern dépend de la paroisse de Plouasne jusqu’en 1155. Il ne demeure aucun vestige de l’église romane. L’église actuelle, remaniée à différentes époques (1573, 1770, 1896 (clocher-porche) et 1962 (charpente et dôme)), conserve des éléments anciens.

Une porte de style flamboyant du XVI° siècle, appelée porte mortuaire, témoigne d’une tradition dont il demeure peu d’exemples en Bretagne : on passait les défunts sous cette porte pour aller de l’église au cimetière.

La croix à toit, du XV° siècle environ, située à l’origine à proximité de la nef, est déplacée lors du transfert du cimetière dans l’entre-deux-guerres. L’orientation d’origine est perturbée. La scène de la crucifixion est normalement tournée vers l’Ouest, le Couchant symbolisant la mort, tandis que la Vierge à l’Enfant est orientée vers l’Est, le Levant, représentant la naissance. Des croix à toit de structure similaire existent à Ligouyer (Saint Pern), Irodouër (Villeneuve), Landujan et Médréac. Elles sont rares dans la région.

La pierre proche de la croix est une pierre d’annonce ou de proclamation, comme l’indique l’inscription signifiant « Ecoute moi ». Les nouvelles importantes, ventes, bans, fêtes, étaient annoncées par le crieur public, debout sur cette pierre, à l’intérieur de l’enclos paroissial et du cimetière qui entourait l’église. Sorte de « journal officiel » de la paroisse, cette pratique mêlait le religieux et le laïc, au sein de cet enclos des morts, lieu de vie de la commune.

Extrait de l’article de Georges Bouillet (in La Vie du Doyenné de décembre 2003) :

L’église a conservé deux cuves baptismales très anciennes. La première, située sous le porche, est une cuve à angles coupés posée sur un socle. Elle daterait du XVI° siècle et serait l’œuvre d’un atelier régional.La seconde, située dans le bas de la nef, est particulièrement remarquable. Elle daterait du XVI° siècle, et a été classée monument historique en 1955. De forme quadrangulaire, aux angles arrondis, elle présente des sculptures et relief méplat sur ses quatre faces. La face 1 représente un personnage tenant des palmes schématiques de part et d’autre d’un disque à motif de vannerie. La face 2 porte un cartouche flanqué de deux croissants à profils humains, soutenu par une banderole et sommé d’une autre banderole à tête d’homme. La face 3 figure deux personnages -l’un à tête d’animal, jouant de la cornemuse, accompagné d’un chat, l’autre tenant une fleur de lys dans sa main gauche -, un quadrupède et une grande figure de lune. La face 4 présente deux personnages encadrant ce qui ressemble à un motif végétal. La cuve est décorée, en son sommet, d’une bordure tressée et de grecques à sa base. Sa facture artisanale schématique fait penser à un atelier régional.Le joueur de cornemuse (instrument à un seul bourdon, apparenté à la veuze jouée en pays guérandais et en Poitou) est la seule représentation connue sur un bénitier en Bretagne. Cet instrument, souvent représenté dans la scène de l’annonce aux bergers, était encore utilisé dans la région, comme l’atteste le compte d’une fête solennelle du 8 septembre 1634 à Rennes, et pour laquelle la ville fit chercher, à Landujan, des joueurs réputés de hautbois (bombarde) et musette (cornemuse).

L’évangéliaire de Tongres

Un texte de donation transcrit à la fin d’un évangéliaire de la fin du IX° siècle, aujourd’hui conservé dans le Trésor de la basilique Notre-Dame de Tongres, en Belgique, fait mention d’un ancien sanctuaire de l’évêché de Saint-Malo : « Moi, (…) Gleuhitr, (…), prêtre, (…) en faveur de mon seigneur Loeis Guoret, abbé, je donne en héritage à tout le clergé de cette église (…) ce livre des évangiles à l’église de saint Bern, en l’évêché de Saint-Malo. »

Le petit monastère cité dans ce texte a été identifié par de nombreux historiens comme étant l’église de saint Pern, canton de Bécherel, grâce notamment à certaines chartes du XI° siècle.

Une étude comparative très approfondie du texte par L. Lemoine, ainsi que des enluminures par J. Alexander, permet de penser que sa réalisation a été effectuée en milieu bretonnant, probablement au monastère Saint-Méen de Gaël. Ce manuscrit est, par sa taille (32 x 24,5 cm), le plus grand des évangéliaires bretons qui nous soient parvenus. Il est écrit sur deux colonnes et utilise une belle calligraphie Caroline adoptée en Bretagne au IX° siècle. Des annotations marginales permettent d’affirmer qu’il a été utilisé pour la liturgie. Il contient quelques lettrines remarquables, apparentées à l’art pré-roman.

Toutes les sources écrites de l’époque s’accordent pour décrire le véritable drame dont la Bretagne fut le théâtre dans les années 913 – 937. Après une époque d’accalmie sous le règne d’Alain le Grand (888-907), les raids de pillage des Vikings reprennent. Ils connaissent leur paroxysme dans les années 919-921. Les élites et les religieux partent en exil : « en l’an 919, les Normands dévastèrent toute la Bretagne située dans l’angle de la Gaule, au bord de la mer ; ils l’écrasent, la détruisent, ils enlèvent, chassent, ou vendent tous les Bretons. » (Annales de Flodoard de Reims). De même, le récit de la translation des reliques de saint Magloire montre le clergé d’Alet (aujourd’hui Saint-Servan) fuyant à la suite de son évêque à l’abbaye de Léhon (proche de Dinan), où de nombreux clercs et religieux s’étaient déjà rassemblés. De là, ils décident de gagner les régions de la Gaule où ils pourraient jouir de la paix et du repos, emportant reliques, livres et objets de culte. C’est ainsi que les moines de Saint Pern trouvèrent refuge à Tongres, non loin d’Aix-la-Chapelle, au cœur de l’empire carolingien ; ils offrirent l’évangéliaire à leurs hôtes, pour prix de leur accueil pendant ces sombres années.

Extraits du texte de Patrick Souben
in « La Vie du du Doyenné » d’octobre 2003.