La liturgie de l’enfant prodigue…une liturgie de Résurrection (Luc 15, 11-32)

La liturgie de l’enfant prodigue…une liturgie de Résurrection (Luc 15, 11-32)
« Alors qu’il est encore loin, son père l’aperçoit ».

Nos liturgies reflètent-elles l’accueil de «l’enfant prodigue» ?
Nos liturgies ont-elles comme le père dans la parabole de l’enfant prodigue  – un regard tourné vers ? Un regard qui aperçoit ? Un regard inquiet de l’absence ?
Pourquoi le Père attend-il anxieusement son plus jeune fils qui a rapidement dilapidé  la moitié des richesses paternelles ? Pourquoi le Père accueille-t-il à bras ouverts ce fils puant qui s’était réduit à garder les porcs après une vie dissolue ? Pourquoi a-t-il organisé une grande fête pour son retour ? Pourquoi ne lui a-t-il presque pas permis de parler, de s’accuser de ses péchés, de s’humilier en les énumérant ? Pourquoi ne le met-il pas en quarantaine, ne l’oblige-t-il pas à faire pénitence, ne lui impose-t-il pas une période de rééducation comme nous l’aurions fait  ? (1)
Le cœur du message de la miséricorde divine, libre et surabondante se trouve dans la réponse à ces questions. Celles d’un Dieu pour qui il n’y a pas de pur et d’impur. Tous sont aidés à se relever si seulement ils se laissent embrasser. Un Dieu qui n’a pas peur d’entrer dans les ténèbres du péché, qui cherche toutes les occasions de pardonner. Une caractéristique divine, celle de la miséricorde, éloignée de notre mesquinerie et de nos calculs.
Reflétons-nous à travers nos liturgies, cette inquiétude de l’absence de nos enfants et de leur présence active.  Avons-nous une compassion de l’absence des plus fragiles, des moins à l’aise ? Savons-nous l’apercevoir ? Nous en sommes-nous seulement  préoccupés ?
Nos liturgies seraient-elles uniquement des liturgies sans affection de fils ainé « cela fait tant d’années que je te sers » ? Avons-nous interrogé les parents qui essayent de conduire leurs enfants vers la foi sur ce qu’ils souhaitent pour eux et pour leurs enfants ? Peut-être sont-ils si résignés qu’ils n’osent même plus s’exprimer. Nous n’avons pas besoin de vous : « circulez » !

Quelles places sommes-nous prêts à accorder aux enfants et aux plus fragiles ?

La diaconie paroissiale (2) que notre évêque demande de constituer nous donne l’occasion et la mission d’intégrer les plus fragiles dans nos liturgies. « La diaconie paroissiale devra veiller à ce que la (les) paroisse (s) dans ses célébrations fasse place à tous et donc au plus fragiles » (3)

La diaconie paroissiale a pour mission de nous réapprendre «l’ attente anxieuse du Père» pour apercevoir celui « qui est encore loin ». Comment cette attente du Père peut-elle se manifester concrètement au niveau liturgique ?

Jai fait un rêve…une grande table ouverte au fond de l’Eglise particulièrement à Saint Léonard « pôle eucharistique » et dans tout lieu qui se voudrait prolongement d’un « pôle eucharistique ». Une table avec des fleurs et des visages accueillants, des équipes qui se relaient pour se faire  « serviteur de l’accueil ». Chaque paroissien devrait un jour quitter son statut d’habitué paroissial (ma place) pour se faire « serviteur de l’accueil ».
Les équipes « serviteur de l’accueil » seront identifiées avec un badge « accueil ». Il nous faut donner sens au mot bienvenue : accueillir, aider, renseigner, communiquer, écouter, inviter à s’asseoir…Ce qui compte ce n’est pas que nous ayons eu notre messe – fut-elle une « belle messe » -.Oui, ce qui compte c’est qu’un plus petit, un plus pauvre, un plus fragile ait eu dans son cœur et physiquement une attention. « Mon fils (ton frère) qui était mort est revenu à la vie ». Il y a une vie qui va renaître d’un contact, d’un accueil, de cet « aujourd’hui » donné au nom de Dieu.
Le Père est saisi de compassion…L’accueillant à l’Eglise doit prier avant pour être touché par ceux qui vont venir…Le Père se jette à son cou. L’accueil à l’Eglise se doit d’être chaleureux dans le regard, la présence. Le Père le couvre de baisers. L’accueil à l’Eglise ne doit-il pas être prêt à consoler ? Savoir embrasser les plaies, c’est-à-dire savoir répondre aux soucis ?
Vivons-nous la liturgie de l’enfant prodigue ou du fils ainé ? Notre liturgie est-elle devenue l’habitude du « tant d’années que je te sers » qu’elle ne voit plus la détresse du Père habitée de la détresse du frère. La miséricorde n’est-elle pas ainsi devenue la routine d’une icône que nos chants nous invitent à redynamiser ?
La miséricorde est la nécessité d’être « tourné vers » pour apercevoir et inventer une liturgie de fête : « apportez vêtements, bagues, sandales »…Une liturgie de la renaissance…Une liturgie de Résurrection ! Le « Il est vraiment ressuscité de Pâques » n’est pas un mot mais une dynamique ! Et si nous décidions d’essayer cette liturgie pendant un an nous verrions peut-être arriver des « enfants prodigues » ?

Père Jean – Curé de Fougères.

  1. Homélie du Pape François, Rabat, 31 mars 2019
  2. Appel de cette diaconie le Jeudi saint à Bonabry. 1ère rencontre le 25 avril 2019. Elle se constituera peu à peu.
  3. Charte de la diaconie paroissiale, janvier 2019