De la variété des formes #3

Nous le savons : la messe est constituée d’un ensemble de rites, dont chacun possède sa signification. C’est la richesse de notre liturgie. La tâche essentielle du compositeur est d’épouser, au mieux de son savoir-faire, la particularité de chaque rite. Dans cette perspective il dispose d’outils que nous appelons simplement des formes musicales.

Lors de notre dernier article nous avons vu les formes envisagées pour le psaume responsorial. Nous voici devant la proclamation de l’Évangile.
Après un temps de silence pour nous permettre de poursuivre à l’intérieur de nous-même la lecture que nous venons de recevoir le célébrant va se lever. C’est le signal : nous nous levons à sa suite et l’orgue (par exemple) introduit l’acclamation.
La Présentation Générale du Missel Romain nous dit que nous sommes invités à accueillir le Seigneur qui va nous parler dans l’Évangile. Nous le saluons en professant notre foi et en chantant.

Que chantons-nous ? Alléluia, mot hébreu (halelou Yah) qui veut dire « Louez Ya ! » diminutif du tétragramme imprononçable YHVH. Nous allons entendre le Christ lui-même nous parler : comment l’accueillir ? Dans un transport de joie, un cri de jubilation !

La PGMR nous indique très précisément la mise en œuvre souhaitée : « L’acclamation est chantée par tous debout, la chorale ou le chantre donnant l’intonation et, le cas échéant, on répète l’acclamation ; le verset est chanté par la chorale ou le chantre. »

Le verset ? Devant le lectionnaire ouvert au 4e dimanche de l’Avent de l’année A que voyons-nous ?

Alléluia. Alléluia.
Voici que la Vierge concevra :
elle enfantera un fils,
on l’appellera Emmanuel, « Dieu-avec-nous ».
Alléluia. (Mt 1, 23)

Entre les Alléluia indiqués en gras, un verset dont on nous indique sa place dans la Bible (Mt 1, 23). Ce verset a la même fonction que l’antienne pour le psaume responsorial : une clé de lecture pour ce que nous allons entendre.

Et, naturellement, il est chanté. Pourquoi ?
Nous l’avons compris, il s’agit de traduire un cri de jubilation, un enthousiasme.
Chanter Alléluia, lire le verset, et rechanter Alléluia ne produit pas du tout le même effet que si l’on chante la totalité de l’acclamation. Le lyrisme installé par l’Alléluia appelle le lyrisme du verset (même avec sobriété). Lire le verset installe au contraire une grande platitude (ou, si vous préférez, une grande distance) qui ne correspond pas à l’intention première.

Comment faire ? La palette des possibles est riche : de la cantillation recto-tono (sur un seul ton) à la musique écrite par le compositeur, en passant par une cantillation de type psalmodique. Si vous savez psalmodier vous saurez spontanément cantiller le verset de l’Alléluia ! Il suffit d’oser.

Enfin, vous avez bien lu : c’est au chantre ou à la chorale de le chanter !

Votre Alléluia ne sera plus jamais le même !

Quelques exemples où la musicalisation du verset est expressément prévue par le compositeur :
U 27-30, Alléluia du Jubilé, Lécot
AL 51-39, Alléluia (Messe à Notre-Dame de l’Annonciation), Lafargue
U 734, Alléluia (Messe de Rangueil), Gouzes
U 63-87, Alléluia pour le temps de l’Avent, AELF/Robert