Des sujets qui nous concernent tous

par Jean Matos

Ouverture de la PMA, recherche sur l’embryon, élargissement du DPN, encadrement de l’Intelligence artificielle… Voilà quelques-uns des grands sujets de l’actuelle révision de la loi de bioéthique, des sujets qui, vu leur technicité, peuvent sembler éloignés de nos vies quotidiennes, pourtant il n’est en rien : la future loi de bioéthique aura un impact décisif sur des fondamentaux de notre société, aussi sommes-nous tous concernés par le débat en cours au Parlement, un débat qui ne saurait être réservé aux seuls experts, un débat qui concerne donc tous les citoyens.

En effet, l’ouverture de la PMA (procréation médicalement assistée) aux couples de femmes et aux femmes seules soulève la question essentielle de l’altérité sexuelle comme fondement de la construction de l’enfant. La question se pose aussi de savoir s’il existe un droit à l’enfant, plutôt que de reconnaitre les droits de l’enfant lui-même en tant qu’être particulièrement vulnérable.

La recherche sur embryon et les cellules souches embryonnaires nous renvoie au statut même du corps embryonnaire et au respect qui lui est dû. Simple « amas de cellules » ou être humain devant être traité « comme une personne », pour reprendre l’expression de Jean-Paul II ? Telle est la question qui se pose au sujet de l’embryon.

Le DPN (diagnostic prénatal) soulève la question du handicap, et plus précisément de l’accueil des personnes en situation de handicap au sein de notre société. D’autant que les possibilités diagnostiques ne cessent de progresser tandis que les moyens thérapeutiques, eux, évoluent plus lentement. Autrement dit, les parents ont de plus en plus de moyens pour déceler des maladies ou des handicaps in utero, des maladies pour lesquelles il n’y a pas encore de guérison. La question se pose ainsi d’un recours à l’IMG (interruption médicale de grossesse) qui peut être proposée dans certains cas aux parents.

Voilà quelques-unes de grandes interrogations autour de la nouvelle loi de bioéthique. Bien entendu, il nous est impossible ici de les évoquer toutes, s’agissant d’un projet de loi avec 32 articles recouvrant de multiples sujets. A noter que nous rédigeons ces lignes à la veille du vote en première lecture à l’Assemblée nationale, sachant que le projet de texte sera ensuite examiné au Sénat avant de revenir, très vraisemblablement, à l’Assemblée. C’est la procédure dite de la « navette » parlementaire, en vue de l’adoption définitive du texte et de sa promulgation par le Président de la République.

Une formation à approfondir

Quel que soit le résultat final de la révision de la loi, il est de la plus haute importance de poursuivre et d’approfondir l’effort de formation engagé dans la plupart des diocèses depuis l’année dernière en lien avec les États généraux de la bioéthique. A cet effet, les outils sont multiples. Tout d’abord, rappelons que la Conférence des évêques de France a mis en ligne des fiches pédagogiques et gratuites sur chacun des sujets de la loi de bioéthique. Des fiches de deux pages chacune accessibles à tous, avec les données médicales et scientifiques, le cadre juridique applicable, les questions éthiques concernées et la position de l’Église sur chacun de ces sujets. Elles sont disponibles sur un site dédié : www.eglise-bioethique.fr

Pour aller plus loin, on pourra lire les différents ouvrages publiés par le Groupe de travail sur la bioéthique mis en place par la Conférence des évêques depuis 2008 déjà. En effet, sous la houlette de Mgr d’Ornellas, ce Groupe a publié des ouvrages condensés et accessibles à tous, y compris à des non-croyants, afin de proposer des clés de discernement sur ces questions si complexes et délicates. Loin d’être un « prêt-à-penser », ces ouvrages invitent chacun à la réflexion et au dialogue.

Ainsi, en septembre 2018, un livre a été publié sous le titre La dignité de la procréation, PMA – Révision de la loi de bioéthique, signé par l’ensemble des évêques de France. Le focus est mis sur la PMA en tant que sujet « emblématique » de cette révision, de loin le plus débattu parmi tous les sujets de la loi.

Rappelons au passage que le n°294 d’Eglise en Ille et Vilaine (février 2018) contient un dossier pédagogique sur les États généraux de la bioéthique.

Mgr d’Ornellas a également publié un recueil de conférences sur ces thèmes : Bioéthique. Quelle société voulons-nous pour aujourd’hui et demain ?

A noter aussi la soirée du 6 mai dernier, au lycée de l’Assomption, avec les prises de parole de Mgr d’Ornellas et du député Xavier Breton, président de la Mission d’information parlementaire sur la bioéthique. La captation video intégrale de cette rencontre est disponible sur le site internet du diocèse. Elle peut être visionnée en vue d’un échange en équipe par exemple.

Enfin, au mois de septembre dernier, le Groupe de travail a encore publié un nouveau livre – Bioéthique. Quel monde voulons-nous ? Discerner des enjeux d’humanité. Un livre qui reprend les thèmes essentiels de la loi en proposant des éclairages et des clés de discernement sur chacun d’entre eux.

Pour un vrai dialogue dans le respect des souffrances

Cet effort de formation est indispensable si l’on veut engager un véritable dialogue, et pas un simple débat, avec ceux de nos contemporains – des hommes et des femmes « de bonne volonté » – qui cherchent, eux aussi, les chemins les plus justes sur toutes ces délicates questions. Quelle que soit notre place dans l’Église et la société, nous avons tous un rôle à jouer dans ce dialogue auquel l’Église ne cesse de nous convier. Si Mgr d’Ornellas peut être auditionné par les parlementaires, chacun de nous peut leur écrire, sans oublier de saisir au quotidien les occasions d’engager un dialogue avec des membres de son entourage. Quels que soient les moyens et les occasions de le faire, laissons retentir en nous cette belle exhortation de Saint Pierre : « Soyez toujours prêts à rendre raison de votre espérance mais avec douceur et respect » (1 Pierre 3, 15-16).

Enfin, n’oublions pas qu’au-delà de leur technicité, ces questions de bioéthique renvoient d’abord à des souffrances, parfois extrêmes : celle d’un couple qui n’arrive pas à avoir un enfant et qui se tourne vers la PMA, celle d’une maman qui apprend pendant l’échographie que son enfant ne sera pas « comme les autres », celle d’un malade qui attend une greffe d’organe… Ces souffrances nous invitent à de la retenue et de la délicatesse dans notre expression, elles nous invitent aussi à être des témoins de fraternité auprès de nos frères et sœurs en humanité, là où nous sommes, en aumônerie, en famille et dans la vie de tous les jours.

 

A toute fin utile, voici le texte publié sur le site du diocèse au sujet de la soirée des Bernardins :

Le 16 septembre dernier, la Conférence des évêques de France a organisé au Collège des Bernardins, à Paris, un évènement visant à présenter le point de vue de l’Église sur le projet de loi relatif à la bioéthique, actuellement examiné à l’Assemblée nationale en vue d’un vote en première lecture le 15 octobre prochain.

Trois responsables d’Église ont pris la parole aux Bernardins : Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes et président du Groupe de travail sur la bioéthique mis en place par la CEF ; Mgr Eric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims et Président de la CEF et Mgr Michel Aupetit, archevêque de Paris.

Mgr de Moulins-Beaufort a fait part des inquiétudes de l’Église quant au projet de loi, un projet qui introduit plusieurs modifications dans la loi, et notamment l’extension de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules. A cet égard, le Président de la CEF a dit comprendre « la souffrance des femmes homosexuelles qui aspirent à avoir un enfant », tout en rappelant que « nos sociétés se trompent collectivement lorsqu’elles (…) transforment la médecine faite pour soigner et guérir si possible en réponse aux demandes et aux frustrations. »

De son coté, Mgr Aupetit a abordé les questions relatives à la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires, sachant que le projet de loi prévoit d’en élargir encore les conditions.

Enfin, Mgr d’Ornellas a délivré un message lucide et empreint d’espérance, en déployant une anaphore inspirée par le pasteur Luther King : « Je rêve d’une bioéthique liée à l’unité de la personne … où l’intérêt supérieur de l’enfant soit vraiment considéré … issue d’un débat apaisé et pas d’un lobbying… qui garde une médecine responsable et collégiale… » Devant de tels enjeux, il s’agit de prendre un virage et « comment vivre ce virage ? » s’interroge Mgr d’Ornellas : « en se mettant à l’écoute de la planète », sachant que l’Homme, tout comme la Terre, est plus fragile que ce que l’on pensait. Ainsi, s’il « faut prendre soin de notre sœur la Terre, il faut aussi prendre soin de l’être humain dans sa fragilité ». En ce sens, « le bon virage à prendre est celui de la fraternité ».

Jean Matos,
Chargé de mission pour les question de bioéthique auprès de Mgr d’Ornellas