Père Jean-Marie Petitclerc, prêtre-éducateur salésien

A l’occasion du dossier d’Eglise en Ille-et-Vilaine n°285 sur les vocations, le Service des Vocations a contacté le père Jean-Marie Petitclerc, prêtre-éducateur salésien.

Père Jean-Marie Petitclerc
Père Jean-Marie Petitclerc

Service des Vocations : Père, nous allons parler de votre vocation de salésien. Est-ce que c’était d’abord une vocation naturelle pour vous qui aviez une éducation assez complète, assez riche puisque vous avez fait l’Ecole Polytechnique, est-ce que c’était naturel pour vous de devenir éducateur d’enfants qui n’avaient pas votre éducation justement ?

Père JM Petitclerc : Non puisque lorsque j’étais à Polytechnique, je faisais l’option économie. Mais j’ai eu un grave accident de sport et c’est sur mon lit d’hôpital que je me suis rendu compte en relisant les 6 derniers mois de ma vie que finalement j’avais plus de bonheur dans mes activités de chef scout que dans mes activités de futur économiste et c’est ainsi que la vocation de l’éducateur a mûri.

Service des Vocations : Parlez-nous justement de cette vocation qui est plus qu’une vocation d’éducateur puisque c’est aussi une vocation de prêtre. Comment est-ce que vous avez associé les deux ?

Père JM Petitclerc : Je suis tombé sur une biographie de Jean Bosco et Jean-Paul II nous dit que ce prêtre éducateur est sans doute celui qui a le mieux saisi la portée du verset, « celui qui accueille un enfant en mon nom, c’est moi qu’il accueille », c’est-à-dire que vivre sa vie de prêtre éducateur c’est accueillir le jeune en accueillant le Christ, accueillir le Christ en accueillant le jeune. Autrement dit c’est nouer une relation avec le jeune dans le même registre que la relation au Christ, une relation fondée sur Croire, Espérer, Aimer : je crois en toi, j’espère avec toi, je t’aime et pour moi c’est ce qui fait l’unité de ma vie de prêtre et d’éducateur.

Service des Vocations : Dans la chronologie de votre vie  il y a eu des étapes un peu marquantes ?

Père JM Petitclerc : J’ai frappé à la porte des salésiens, ils m’ont dit : « Jean-Marie, vu ton éducation tu n’as pas rencontré beaucoup de jeunes en difficulté, alors commence à travailler au milieu d’eux et puis on reparle après ». Ils m’ont envoyé travailler comme éducateur dans un foyer que par la suite je dirigerai et puis voilà j’ai vraiment accroché à ce métier, je me suis formé, car ce n’est pas parce qu’on est polytechnicien que l’on est forcément un bon éducateur. J’ai fait une école d’éducateur spécialisé et puis j’ai approfondi aussi cette vocation de prêtre qui était apparue déjà au moment de ma petite enfance quand j’avais une dizaine d’années, qui avait un peu sommeillé et j’ai retrouvé un petit peu cette aspiration en mettant mes pas dans ceux de Don Bosco.

Service des Vocations : Un petit portrait de Don Bosco : on a des images de lui en soutane noire en train de jouer au football avec des enfants, c’est ça Don Bosco ?

Père JM Petitclerc : Oui c’est ce prêtre qui s’est indigné des conditions de vie de ces jeunes dans les faubourgs de Turin, qui trouvait l’Eglise très distante parce que ces jeunes venaient des campagnes. Ils étaient inscrits dans les paroisses à la campagne, mais dans la ville ils menaient une vie d’errance. Ils ne s’inscrivaient pas dans les paroisses urbaines et à la différence de tous ses collègues qui se demandaient comment les faire revenir dans les paroisses, il se dit que c’était à lui d’aller les rejoindre, d’aller les séduire et ensuite on verrait le chemin. Il a passé sa vie à répondre à leurs besoins : besoin de toit pour celui qui était la rue, besoin de formation pour ceux qui étaient au chômage, besoin de loisir pour ceux qui étaient désœuvrés et puis surtout besoin de sens, et il a fondé une congrégation avec des jeunes pour poursuivre son œuvre.

Service des Vocations : Est-ce qu’on peut dire aujourd’hui que la vie que vous menez est proche de celle de Jean Bosco justement ?

Père JM Petitclerc : Moi je crois que Jean Bosco est vraiment d’actualité. Il nous dit que l’important c’est de construire du lien, construire la relation avec le jeune. Il sait aussi décoder les phénomènes de violence comme symptômes de la faillite de l’accompagnement éducatif. Au sortir de la prison, il se disait que si les jeunes avaient pu rencontrer avant d’en arriver là, quelqu’un qui avait su se rendre attentif à leurs problèmes et difficultés, on aurait pu éviter cette incarcération. Eh bien c’est exactement ce que je disais à un député que j’ai rencontré récemment et qui travaille sur les questions de prévention de la radicalisation. Je lui disais : au lieu simplement de penser détection des jeunes radicalisés et incarcération, si on pensait « ah si ces jeunes avaient pu rencontrer avant d’en arriver là quelqu’un qui ait su se rendre attentif à leurs problèmes, sans doute on aurait pu éviter cette dérive ».

Service des Vocations : Vous, dans ces quartiers multi culturels, multi religieux aussi, comment vivez-vous votre vie de prêtre, votre sacerdoce ?

Père JM Petitclerc : Vous savez, lorsque Jésus dit : « Celui qui accueille un enfant en mon nom, c’est moi qu’il accueille », il ne dit pas « celui qui accueille un enfant de mes disciples ». Lorsqu’il dit : « ce que vous faites au plus petit d’entre les miens c’est à moi que vous le faites« , il ne dit pas « au plus petit de mes disciples », il dit « au plus petit » ; je pense effectivement que les jeunes de ces quartiers comptent dans les plus petits. Donc à des gens qui m’interrogent parfois en disant : « mais alors Père vous êtes prêtre mais vous allez dans ces quartiers, ils ne sont pas chrétiens »… je réponds : vous n’allez pas empêcher le prêtre que je suis d’aller rencontrer le Christ sous les traits de celui qui est exclu, qui est marginalisé, qui connaît une vie de très grande précarité. Et ensuite en communauté, avec mes frères salésiens, j’aime célébrer cette présence du Christ au cœur des plus petits car c’est quand même un mode de présence qui privilégie aujourd’hui comme hier d’être là où la misère, la pauvreté, l’exclusion se trouvent.

Service des Vocations : Une dernière question : quelles sont les plus belles grâces que vous ayez reçues de ce travail auprès de ces jeunes des quartiers ?

Père JM Petitclerc : C’est de voir combien des gamins bousculés par la vie ayant parfois vécu des situations traumatisantes sont capables de se construire. Je ne sais pas ce que j’ai pu apporter tout au long de ces quarante années de travail d’éducateur auprès des jeunes, mais je sais ce qu’ils m’ont apporté, ces jeunes qui sont animés par ce formidable désir de vivre. On le voit aussi dans ces banlieues, toute cette énergie, c’est un peu dommage qu’elle dégénère en violence, mais voilà lorsqu’on est capable de la canaliser, de l’accompagner, je crois qu’on voit effectivement chez ces jeunes une force de vivre, une force d’espérer qui continue de me stimuler 40 années après avoir démarré dans ce métier.

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