PMA : Mgr d’Ornellas souhaite l’apaisement le dialogue

Suite à l’avis rendu le 27 juin par le CCNE* sur « les demandes sociétales de recours à l’assistance médicale à la procréation (AMP) », Mgr Pierre d’Ornellas – Archevêque de Rennes et chargé des questions bioéthiques pour les évêques de France – s’est exprimé dans une tribune publiée dans Le Monde du 28 juin 2017.

* CCNE : Comité Consultatif National d’Ethnique

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Le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE) reconnaît que les techniques biomédicales relatives à la procréation ont de « nouveaux usages » qui « contribuent à élaborer » de « nouveaux cadres familiaux ». Et il constate : « Parce qu’ils touchent chacun dans ses valeurs et dans son rapport aux questions de l’origine, de la différence des sexes et de celles des générations, les débats que ces thèmes suscitent sont rapidement passionnés. »

Face à ces inévitables passions, il est urgent de poursuivre l’apaisement de la France et de susciter une nouvelle confiance mutuelle malgré des désaccords. Il serait regrettable pour tout le monde que le Président de la République et le Gouvernement prennent rapidement des décisions qui suscitent la division en réveillant les passions. Le CCNE ne donne qu’un avis qui, sans obliger, invite à une réflexion plus approfondie et davantage partagée. Donnons-nous le temps de la réflexion et du débat !

Conscient de ces passions, le CCNE prend le temps d’évaluer les « disjonctions » qu’opèrent ces technologies. Il appelle « disjonctions » la fragmentation en phases séparées du processus qui unit procréation et filiation. Il les nomme : séparations entre sexualité et procréation, procréation et gestation, patrimoine génétique et filiation, la personne et ses gamètes qui ne sont pas des éléments du corps comme les autres puisqu’ils sont porteurs d’une potentialité à faire éclore une nouvelle vie humaine. Qui prétendrait que ces « disjonctions » n’appellent pas une réflexion de fond ?

Une première question apparaît : que devient la médecine ? A-t-elle vocation à remédier à une pathologie médicalement constatée, et à rechercher si possible comment la guérir effectivement, en accompagnant dans tous les cas les personnes ? Ou bien la médecine a-t-elle vocation à répondre à toute demande sociétale ? Le CCNE affirme que la souffrance due à l’infertilité sociale « doit être prise en compte ». Mais est-ce à la médecine de faire ce travail ? Une réflexion fondamentale sur la médecine (et son budget) mériterait d’être engagée avant que celle-ci soit insidieusement portée à s’exercer vers des demandes exponentielles de la société, sans qu’aucun critère ne soit élaboré pour discerner son juste exercice, autre que celui de la discrimination.

Nous avons besoin d’un regard anthropologique qui, grâce au débat, serait de plus en plus approfondi et partagé pour nous aider tous à mieux saisir la grandeur de notre condition humaine et de la transmission de la vie.

Le CCNE n’aborde pas la procréation ni la sexualité en elles-mêmes pour en saisir les véritables significations et peser toute leur portée éthique. Nous avons besoin d’un regard anthropologique qui, grâce au débat, serait de plus en plus approfondi et partagé pour nous aider tous à mieux saisir la grandeur de notre condition humaine et de la transmission de la vie. Ce regard mettrait en perspective l’homo technicus et l’homo interior, l’utilité du faire et la gratuité de l’être, l’usage de moyens et la relation entre personnes. Le CCNE affirme qu’« un monde nouveau se reconfigure » et souhaite « un travail d’information, de discussion et de pédagogie ». Ne faudrait-il pas plus ? Si le CCNE évoque les « changements majeurs » sur « la façon de concevoir un enfant et de devenir parents », il ne s’interroge pas sur leur signification anthropologique. Les « nouvelles relations » qu’évoque le CCNE sont-elles pensées par une raison enclose dans l’immanence technologique du faire et du possible, ou par une raison ouverte à la transcendance et valorisant la notion de personne toujours sexuée et capable d’intériorité ?

Tout en ouvrant la possibilité d’ouvrir les techniques de PMA à toutes les femmes, le CCNE fait état de deux réserves qui manifestent que la réflexion est loin d’être aboutie. D’une part, cette ouverture n’est possible qu’en établissant les « conditions d’accès et de faisabilité ». Quelles sont-elles ? De nombreuses questions sont en suspens. D’autre part, la situation des femmes seules n’est pas identique à celle des couples de femmes ; là, le CCNE mentionne « la grande vulnérabilité des familles monoparentales » et reconnaît que cela « ne dissipe pas toutes les interrogations sur les conséquences éventuelles pour l’enfant ». Par exemple, le CCNE, tout en la constatant, ne s’interroge pas sur le fait d’instituer juridiquement une absence de père. Dans une société en quête de repères, que signifierait une telle absence délibérément établie ? À ces deux réserves, s’ajoute l’avis négatif de onze membres qui estiment qu’il « importe plutôt de stabiliser des choix de société qui ont largement fait leurs preuves que de les bouleverser ».

C’est à un sursaut éthique que ces techniques nous appellent ! (…) Et si on reconstruisait une Europe en la basant sur la protection et le primat de l’enfant avec ses droits ?

La France ne trouverait-elle pas un élan nouveau grâce à une éthique de respect et de responsabilité, partagée par le plus grand nombre ? Par le refus de la GPA en raison de la « violence » faite aux femmes, le CCNE opte pour une telle éthique. C’est à un sursaut éthique que ces techniques nous appellent ! Le respect du plus fragile est la pierre cardinale sur laquelle repose notre édifice commun où nous aimerions vivre ensemble. Et si on reconstruisait une Europe en la basant sur la protection et le primat de l’enfant avec ses droits ? En cas de conflits entre des droits qui viendraient d’une autonomie affirmée, il faudrait que prévalent ceux de l’enfant. L’expérience et la réflexion anthropologique montrent que l’autonomie, loin d’être un absolu, est relationnelle. C’est pourquoi les droits qu’elle fait valoir devraient être évalués en fonction de la relation en privilégiant le plus fragile, à savoir l’enfant.

Le défi écologique que pose notre sœur la terre fait souvent surgir la question : quelle planète voulons-nous laisser à nos enfants. Pourquoi l’usage des techniques biomédicales ne serait-il pas guidé par la même question ? En réfléchissant à ces interrogations essentielles et existentielles, l’Église parle d’une « écologie humaine ». Prenons le temps de l’élaborer ensemble pour que s’édifie une France portée par une force éthique qui refuse toutes les « violences » faites aux personnes et au tissu familial, qui dise haut et fort la dignité de l’être humain sexué, lequel commence toujours par être un enfant à respecter.

 

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