Gilets jaunes : « Seul le dialogue construit le lien social » par Mgr d’Ornellas

Dans une tribune publiée dans Ouest France du 8 décembre 2018, Mgr Pierre d’Ornellas, Archevêque de Rennes, s’interroge sur les causes du mouvement des Gilets jaunes et appelle à un dialogue qui « construit le lien social » et qui « élève l’Homme ».

Le mot « dialogue » a été prononcé. Il est possible. Il est une chance pour la paix. Il est une force pour tous, sans exception. N’en faisons pas un jeu de dupe. Ne le méprisons pas.

La forte colère de tant de Françaises et de Français oblige au dialogue. La violence aveugle qui frappe des symboles de la République et de notre démocratie le rend urgent. Cette violence et cette colère expriment une souffrance et un désespoir qui appellent une réponse. Mais laquelle ? Et pour quelles fractures ? Fracture entre les Français, fracture entre le peuple et ses dirigeants, fracture entre le travail et la vie ?

Impossible de trouver la juste réponse sans un dialogue constructif ! Celle-ci ne viendra pas d’en haut seulement. Ni exclusivement d’en bas où la diversité est grande. C’est ensemble qu’il faut chercher la juste voie pour le bien de tous. Dans un vrai dialogue, nul ne prétend avoir la solution qui s’imposerait aux autres. Chacun vient au dialogue avec son expertise qui s’enrichit de celle d’autrui. Laissons-nous rassembler par le dialogue.

Cette crise ne reflète-t-elle pas un mal-être plus profond que la question du pouvoir d’achat ? N’est-elle pas un appel à une authentique reconnaissance des personnes et à une juste solidarité collective ? Ne vient-elle pas d’une vision du progrès envisagé comme une fin en lui-même sans point de départ ni point d’arrivée ? (Mgr d’Ornellas)

Certes, il y a une crise ! Laquelle ? Crise due à une nouvelle logique de classes : la « France périphérique » et la « France urbaine » ? La France de ceux qui travaillent pour produire et la France des startups ? Mais le développement économique a-t-il à lui seul la vertu d’entrainement pour toute la société ? Cette crise ne reflète-t-elle pas un mal-être plus profond que la question du pouvoir d’achat ? N’est-elle pas un appel à une authentique reconnaissance des personnes et à une juste solidarité collective ? Ne vient-elle pas d’une vision du progrès envisagé comme une fin en lui-même sans point de départ ni point d’arrivée ?

Nous devons innover en inventant la construction d’une société plus fraternelle et inclusive, moins jacobine et davantage attentive aux différences perçues comme des chances pour tous, aux territoires et à leur capacité créatrice, aux diverses sollicitudes envers les plus pauvres dont la parole est à écouter. Si la France est une communauté de destin, elle ne se définit pas comme une simple addition d’homo oeconomicus, ni comme un ensemble replié sur lui-même.

Redéfinissons ensemble nos valeurs communes sur lesquelles édifier notre fraternité. Cherchons ensemble la justice sociale dont le fruit est la paix. Discernons ensemble les enjeux cruciaux actuels, comme ceux de l’écologie et de la migration. « Tout est lié », dit justement le pape François.

Ne refusons pas le dialogue. L’empêcher relève du mépris envers celles et ceux qui sont en colère. En responsabilité de gouverner ou de représenter des secteurs de la société, le dialogue n’est jamais une faiblesse pourvu qu’on y cherche sincèrement le bien de tous pour aujourd’hui et demain. La violence ne mène à rien. Le dialogue est toujours fructueux. Les corps intermédiaires y ont une place indispensable. Ne faut-il pas les encourager pour que tout citoyen s’y sente légitimement représenté ? Le dialogue est alors efficace : il construit le lien social, il élève l’Homme.

 

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