Le Pape François à Abu Dabi et à Rabat, une parole prophétique

À Abu Dabi, le 4 février dernier, le pape François a signé avec le Grand Imam d’Al-Azhar, Ahmad Al-Tayyeb, le « Document sur la fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune ». Ce Document commence et s’achève par l’amour.

Mgr Pierre d’Ornellas, Paru dans Église en Ille-et-Vilaine n°307, avril 2019

En effet, dès l’avant-propos, il est écrit : « La foi amène le croyant à voir dans l’autre un frère à soutenir et à aimer. De la foi en Dieu, qui a créé l’univers, les créatures et tous les êtres humains – égaux par Sa Miséricorde –, le croyant est appelé à exprimer cette fraternité humaine. » À la fin, on lit : « En conclusion nous souhaitons que cette Déclaration […] soit un symbole de l’accolade entre Orient et Occident, entre Nord et Sud, et entre tous ceux qui croient que Dieu nous a créés pour nous connaître, pour coopérer entre nous et pour vivre comme des frères qui s’aiment. »

C’est donc à l’intérieur de l’amour qu’est lancé un appel conjoint au dialogue : « Au nom de Dieu et de tout cela, Al-Azhar al-Sharif – avec les musulmans d’Orient et d’Occident –, conjointement avec l’Église catholique – avec les catholiques d’Orient et d’Occident –, déclarent adopter la culture du dialogue comme chemin ; la collaboration commune comme conduite ; la connaissance réciproque comme méthode et critère. »

Depuis l’encyclique Ecclesiam suam de Paul VI, le 6 août 1964, l’Église catholique a souvent évoqué le dialogue. Le Décret Christus Dominus du concile Vatican II en précise les exigences intérieures : unir vérité et charité, clarté du langage, humilité et bonté, prudence alliée à la confiance.

Le Document sur la fraternité humaine en livre une brève définition dans le contexte inter-religieux :

Le dialogue entre les croyants consiste à se rencontrer dans l’énorme espace des valeurs spirituelles, humaines et sociales communes, et à investir cela dans la diffusion des plus hautes vertus morales, réclamées par les religions ; il consiste aussi à éviter les discussions inutiles.

À Rabat, le pape François a précisé que ce dialogue se fait prière : « Une prière qui ne fait pas de distinction, ne sépare pas et ne marginalise pas, mais qui se fait l’écho de la vie du prochain ; prière d’intercession qui est capable de dire au Père : « Que ton Règne vienne ». Non pas par la violence, non pas par la haine, ni par la suprématie ethnique, religieuse, économique, mais par la force de la compassion répandue sur la Croix pour tous les hommes. »

Alors, pour les disciples » de Jésus, quelle merveilleuse aventure que celle du dialogue avec des croyants ayant une autre confession religieuse. La foi en Jésus, « Verbe fait chair » (Jean 1,14), qui « achève la Révélation en la complétant » (Dei Verbum, n. 4), pose un regard sur toute chose en y discernant « ce qui est capable de plaire » à Dieu (cf. Romains 12,2). La foi de ces « disciples » n’a donc pas peur du dialogue. Et celui-ci ne l’amoindrit pas.

Au contraire, la lumière du Christ éclaire toutes les affirmations religieuses de sa clarté toujours neuve. Elle permet d’entrer dans une grande écoute pour accueillir « tout ce qui est vrai et noble, tout ce qui est juste et pur, tout ce qui est digne d’être aimé et honoré, tout ce qui s’appelle vertu et qui mérite des éloges » (Philippiens 4,8).

Ce regard et cette écoute sont d’autant plus vifs et humbles qu’ils sont mus par l’amour ! Amour qui fait « persévérer sur le chemin du dialogue », comme l’a souhaité le pape François à la fin de la Messe à Rabat, ce 31 mars.

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