Le continent de la « personne » !

L’Europe est plus qu’un territoire géographique, qu’une organisation politique, qu’une économie. Elle s’identifie à une vision de l’homme : chacun est une « personne » dont nul ne peut blesser sa dignité inaltérable et inviolable. L’Europe pourrait se définir comme le Continent de la personne humaine dont elle est le reflet.

Mgr Pierre d’Ornellas, Paru dans Église en Ille-et-Vilaine n°308, mai 2019

Tout a commencé quelques siècles avant Jésus-Christ par la rencontre du « miracle grec » avec le « miracle juif », selon les expressions d’un breton de Tréguier, Ernest Renan, dans ses Souvenirs d’enfance et de jeunesse en 1883. Cette rencontre s’est propagée sur les voies de l’Empire romain riche de son droit.

Le « miracle grec » évoque les grands philosophes grecs qui pensèrent l’être humain dans ses grandes dimensions, et sa capacité de contempler l’Être immobile et transcendant appelé Dieu. Le « miracle juif » traduit l’accueil par le Peuple juif de la Révélation de Dieu, l’Unique, qui est « le miséricordieux » et qui se penche vers la misère humaine car il sauve les hommes. Si Dieu choisit ce peuple, c’est pour que toutes les nations Le reconnaissent et L’adorent. Certains livres de la Bible – comme la Sagesse ou le Siracide – témoignent de cette rencontre.

Mais cette rencontre fut complète grâce à Jésus de Nazareth, mort et ressuscité. Sur la croix, l’écriteau « roi des Juifs » est écrit « en hébreu, en latin et en grec » (Jean 19,20). Effectivement, en Lui et grâce à Lui, les nations païennes (symbolisées par le grec et le latin) ainsi qu’une part du peuple « hébreu » se réunirent en un seul corps vivant et dynamique : l’Église du Christ. Celle-ci s’est répandue dans l’Empire romain puis au delà comme si un souffle puissant l’habitait et produisait son expansion. « Dieu donne la croissance », affirme saint Paul (1 Corinthiens 3,6).

L’Europe pourrait se définir comme le Continent de la personne humaine dont elle est le reflet.

L’un après l’autre, les peuples païens d’Europe accueillirent la lumière venant de Dieu et ayant pour nom « Jésus ». Cette lumière est dignité filiale, paix, amour, miséricorde et justice. Selon la demande de saint Paul, elle récapitule en elle tout ce qu’il y a de noble, juste, pur et vertueux (cf. Philippiens 4,8) dans les cultures locales qu’elle rencontre sur ses chemins. C’est ainsi que l’Europe se forgea autour de la « personne » dont la dignité vient de Dieu, Créateur et Sauveur.

Les grandes oeuvres de l’Europe sont étonnamment belles ! Elles s’élevèrent sur son sol jusqu’à leur apogée au XIIIe siècle. Notre-Dame de Paris en est une magnifique illustration. Mais au moment où elle s’élève sur l’Île de la Cité, l’Université de Paris ouvre ses portes et le monachisme de saint Bernard édifie ses admirables Abbayes dont Sénanque en Provence est un exemple. De même, l’Abbaye de Fontevraud fondée par Robert d’Arbrissel qui est de chez nous.

Les hommes et les femmes vivant en ces bâtiments ont écrit la beauté et la dignité de l’Homme, corps, âme, esprit. Ils mirent en oeuvre, dans une pleine harmonie, la foi et la raison pour exprimer le visage si beau de l’être humain, homme et femme, créé par Dieu à son image et à sa ressemblance, à qui sont confiées la planète et la mission d’y habiter dans la paix fraternelle grâce à la justice.

L’Europe se définit par cette vision de l’Homme qui est aussi beau dans chacun de ses citoyens, dans la personne vulnérable, dans le migrant, dans celui qui est conçu et qui va naître, dans celui qui porte le handicap, dans le travailleur, le chômeur et le retraité. Puisse l’Europe demeurer unie autour de cette vision, et continuer à la faire voir à toutes les nations de la terre, tentées par les valeurs de pouvoir : marché, technique, politique.

 

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