De la tristesse à la consolation : lettre de Mgr d’Ornellas à propos de Jean Vanier

Suite aux révélations d’abus sexuels commis par Jean Vanier, le fondateur des communautés de l’Arche, Mgr Pierre d’Ornellas écrit une lettre aux catholiques de son diocèse. L’Archevêque de Rennes propose trois pistes « accueillir cette nouvelle désarmante et douloureuse ». L’Archevêque de Rennes est aussi l’évêque accompagnateur de l’Arche internationale.

Comment ne pas être abasourdi et attristé au fond de soi, quand on apprend les agissements condamnables commis par Jean Vanier sur six femmes majeures non handicapées ! Oui, la tristesse nous envahit.

Nous connaissions sa proximité et son attention pour chaque personne fragile, en particulier les personnes avec un handicap. Nous avons entendu sa parole prophétique pour mettre au centre la personne fragilisée afin qu’elle nous révèle nos trésors insoupçonnés d’humanité. Nous avons été témoins de sa familiarité avec les évangiles et de son amitié avec la personne de Jésus dont il nous parlait. Il est indéniable que Jean Vanier a fait un grand bien qui est un vrai bien. Il a fondé l’Arche.

Et voilà que les responsables internationaux de l’Arche, après une enquête indépendante, nous révèlent que Jean Vanier adhérait à une doctrine spirituelle erronée et a abusé de six femmes à l’intérieur d’une direction spirituelle. Ces faits graves sont indéniables.

Comment comprendre ? Nous voilà devant une énigme : l’énigme Jean Vanier ! La recherche à venir permettra peut-être de mieux comprendre. En attendant, comment accueillir cette nouvelle désarmante et douloureuse ? Permettez-moi d’ouvrir trois chemins :

  1. Comme nous y invite saint Paul dans la seconde lecture de ce Dimanche, « il ne faut pas mettre sa fierté dans tel ou tel homme ». Dieu seul est saint. Lui seul est notre « grand Dieu », comme le proclame le psalmiste. Regarder Dieu et son amour pour chacun, amour manifesté de façon privilégiée aux plus petits, est source de confiance pour avancer sur notre chemin de foi et de vie chrétienne. Dieu nous donne toujours des frères et sœurs pour avancer dans l’espérance. Ne quittons pas nos communautés fraternelles ; échangeons les uns avec les autres à la lumière de la Parole de Dieu.
  2. Les femmes victimes ont bien fait de parler. Leur souffrance est grande ! Leurs témoignages nous montrent que nous devons nous détourner de toute forme d’abus. Les responsables de l’Arche ont eu raison de chercher la vérité, et de la communiquer. Seul le chemin de vérité permet de grandir. Quand on connaît l’histoire de Jean Vanier, fils spirituel du père Thomas Philippe, dominicain, condamné en 1956 en raison de sa doctrine pseudo-mystique et de ses pratiques sexuelles, on comprend que l’obéissance à l’Église est source d’une liberté authentique dans le respect d’autrui, ce qui empêche l’abus de pouvoir. Là où est l’Église, là est l’Esprit Saint. Voilà une source de grande espérance. Écouter ce que l’Esprit dit à travers l’Église, permet d’avancer en confiance sur notre chemin de sainteté, en famille, en communauté et dans nos divers engagements.
  3. À côté de l’Arche, fondée en 1964, Foi et Lumière a été fondé en 1971. Leurs Communautés sont vivantes dans notre diocèse, en Bretagne, en France et dans le monde. Regarder ce qui est vécu dans ces Communautés donne des raisons de garder confiance. Les relations qui s’y tissent entre les personnes handicapées ou non conduisent à la sincérité du cœur et à la simplicité vraie. Ces relations obligent chacun à descendre de son piédestal, à accepter sa propre fragilité, à entrer ainsi dans la vie pleine et réelle avec d’autres, fraternellement. Ce n’est pas ce qui brille qui compte, ni l’idéal que nous avons pu imaginer. Ce qui importe, c’est la vie évangélique dans l’humilité et le respect des personnes. Regardez autour de vous ces lumières évangéliques qui brillent. Voilà où, chaque jour, nous pouvons nous engager, humblement et fidèlement, selon notre devoir d’état et avec la grâce de Dieu.

Que Dieu donne à chacun la grâce de trouver la vraie consolation qui donne paix et espérance. « Heureux ceux qui pleurent, ils seront consolés. »

Dimanche 23 février 2020

+Pierre d’Ornellas
Archevêque de Rennes