Ouest-France – Loi bioéthique : « Une France du bon sens et de la raison »

Paru dans Ouest-France du 27 juillet 2020

Notre Premier Ministre, celui des territoires, a dit aux députés : « Je sais qu’existe une France qui ne dit rien mais qui n’en pense pas moins […]. Une France du bon sens et de la raison. Une France que nous devons aujourd’hui écouter et mieux considérer. »

Cette France entend l’appel éthique à respecter la dignité de l’être humain le plus faible. Elle a dit ce qu’elle pensait : l’État doit garantir à tout enfant d’avoir un père1. Elle ne doute pas que l’enfant peut être aimé quand il en est privé par accident de la vie ou par décision individuelle d’être mère seule. Mais il en va tout autrement quand il s’agit de la loi : a-t-elle le droit d’organiser la conception et la naissance d’enfants en privant certains d’un père et d’une ascendance paternelle ? En le prônant, le projet de la loi relatif à la bioéthique bafoue l’éthique qui exige le refus de toute discrimination entre les enfants.

Ce projet de loi voudrait que deux femmes soient « mère » à égalité, sans distinguer celle qui accouche de l’autre. Pour cela, il a imaginé la « Reconnaissance Conjointe Anticipée » devant notaire. Sous prétexte d’égalité de toutes les femmes, ce projet refuse la distinction entre la personne infertile et celle qui est fertile, et semble vouloir que chaque couple (femme/femme ; homme/femme) passe par cette RCA. Pour la « France du bon sens et de la raison » cet égalitarisme sonne faux. L’égalité n’est juste que pour des situations identiques ! Cette France sait bien que toute femme qui accouche est la mère, et n’accepte pas que cela soit effacé du droit de la filiation.

Cette France a applaudi la fraternité qui s’est manifestée quand les soignants se sont dévoués auprès de leurs frères et soeurs atteints du Covid-19. Elle pressent la pertinence d’une société inclusive où chacun, avec son handicap ou non, est accueilli tel qu’il est. Elle sait que ce n’est pas toujours facile ni sans souffrances. C’est pourquoi la « France du bon sens et de la raison » veut cette fraternité qui exige une juste solidarité donnant les moyens du meilleur accueil possible. Combien d’associations et d’initiatives en témoignent dans les territoires !

Or le projet de loi instaure une sélection accrue des enfants à naître en analysant leurs anomalies chromosomiques par le Diagnostic Préimplantatoire des aneuploïdes (DPI-A). Ce projet autorise cette sélection pour tout couple qui aura le droit à une Fécondation in vitro avec double don de gamètes. Ce projet n’élargit-il pas ainsi la voie vers un eugénisme ? La « France du bon sens et de la raison » en est légitimement inquiète car cela contredit tellement la valeur éthique de la fraternité !

Cette France a de l’estime pour la recherche scientifique. Elle se souvient que « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Elle devine qu’un chercheur ne peut s’affranchir de l’éthique de la fraternité en oubliant qu’il a d’abord vécu comme embryon humain et qu’il a été respecté. Chercher sur un tel embryon n’est donc sain et juste que si cela respecte son intégrité et vise son soin. La « France du bon sens et de la raison » le comprend, elle qui est attachée à une médecine de qualité qui soit juste pour tous en soignant les malades diagnostiqués comme tels.

Mgr Pierre d’Ornellas,
archevêque de Rennes,
responsable du Groupe de travail sur la bioéthique de la CEF

1. Trois sondages IFOP (06 et 09/2018, 09/2019) et un Opinionway (06/2017) le montrent : 82% et 83% des Français pensent qu’il y a « nécessité de garantir aux enfants nés par PMA le droit d’avoir un père et une mère ».