Homélie d’Ordination sacerdotale 27-06-2021

Dimanche 27 juin 2021, Mgr Pierre d’Ornellas, présidait les ordinations sacerdotales de Paul David, Luc Métayer, Dominique Tessier, Joseph-Marie Tran Hong Phuc depuis la cathédrale Saint-Pierre de Rennes.

Lectures : Actes des Apôtres 3, 1-10 ; Psaume 18A (19), 2-3, 4-5a ; Lettre de saint Paul aux Galates 1, 11-20 ; Évangile selon saint Jean 21, 15-19

Mes amis,

Nous avons dans la première lecture une indication qui nous dit quelque chose de ce qu’est le prêtre et de sa mission. Que voyons-nous ? Un homme assis fragilisé qui ne sait pas se mettre debout car il ne le peut pas. Il fait l’aumône. Nous le savons bien, quand Jésus nous parle dans l’évangile de saint-Matthieu (chapitre 6), il nous dit que « l’aumône », avec le jeûne et la prière, est la première grande attitude évangélique que le Peuple d’Israël nous transmet. Cette aumône, nous la faisons parce que notre Père qui voit dans le secret, voit ce que nous faisons. Cette aumône n’est pas faite pour être vue des hommes : elle appartient au secret de Dieu et à la beauté de l’Église comme à la beauté d’Israël.

Une « aumône » des Apôtres

Voilà que cet homme fragilisé, comme tant d’hommes fragilisés dans notre société, est assis là sans pouvoir se lever. Il est assis à la belle porte, ce qui veut dire qu’il n’est pas dans le Temple. Cet homme fragilisé n’est donc pas entré là où Dieu habite, là où Dieu dévoile sa gloire. Et voici que les Apôtres Pierre et Jean arrivent. Ils voient ce pauvre fragilisé qui demande l’aumône. Comment Pierre et Jean, disciples de Jésus et fils d’Israël, ne feraient-ils pas l’aumône ? Mais voilà qu’ils sont devenus Apôtres de Jésus ayant reçu l’Esprit Saint le jour de la Pentecôte. Alors, ils font quelque chose de « stupéfiant », comme nous le dit d’ailleurs le texte, ou plutôt quelque chose qui nous stupéfait. Effectivement, ils vont pratiquer l’aumône. Mais comment font-ils ? On pourrait dire que, Apôtres de Jésus, ils font une aumône apostolique. C’est l’aumône des Apôtres et de tous ceux qui participent au ministère des Apôtres, c’est-à-dire l’aumône des évêques et des prêtres avec les évêques.

« D’argent et d’or, je n’en ai point. » Voilà que cette aumône si stupéfiante vient de celui qui n’a plus rien. Elle jaillit de façon extraordinaire du cœur de Pierre et de Jean, Apôtres : « Ce que j’ai, je te le donne. » Don admirable de l’aumône par laquelle tout est donné ! Et nous entendons quel est ce don. Ce don qui est le fruit de l’aumône apostolique, de l’aumône des Apôtres, de l’aumône de tous ceux qui accomplissent la mission des Apôtres, les évêques et les prêtres : « au nom de Jésus-Christ, je te le dis : lève-toi. » « Au nom de Jésus-Christ ! » Voilà l’aumône apostolique !

Ainsi, nous comprenons que le ministère de l’évêque, dans la suite du ministère apostolique, s’accomplit « au nom de Jésus ». Ce que l’Église traduira dans son expression latine in persona Christi capitis, en la personne du Christ qui est « tête » de son Église.

Serviteurs de la Parole de vie

Allons plus loin. « Au nom de Jésus. Je te le dis. » Voilà qu’est dit le trésor du ministère apostolique et de tous ceux qui y participent, les prêtres : la Parole de Dieu. Cette Parole qu’ils ont la mission de dire : « Je te le dis. ». Elle n’est pas dite de façon vague, mais à la personne qui est là et que Dieu a placée sur la route de l’Apôtre qui la rencontre en vérité. L’Apôtre est invité à savoir dire la Parole de Dieu pour cette personne-là, présente avec son histoire et sa singularité.

« Je te le dis », cette parole qui vient de Dieu et qui est prononcée par l’Apôtre est une parole qui donne vie, qui ressuscite : « Lève-toi. » Cette parole est une parole vivante, elle est tout simplement la personne de Jésus, le Verbe fait chair.

Comme je l’ai entendu ce matin dans une paroisse où on célébrait le 50ème anniversaire, jour pour jour, de l’Ordination sacerdotale du curé, lors de la prière universelle. Voici que les chrétiens qui ont formulé les intentions ont prié pour tous les prêtres, pour les 130 prêtres qui sont ordonnés cette année en France, et pour les 4 prêtres qui sont ordonnés dans cette Cathédrale. Ces fidèles ont prié pour que tous ces prêtres puissent être témoins du Verbe incarné, de la Parole qui s’est faite chair et qui a reçu pour nom « Jésus », c’est-à-dire une parole qui sauve et non pas qui condamne, une parole qui juge en sauvant, une parole qui juge en faisant miséricorde, une parole qui met dans la vérité pour que miséricorde soit faite.

Voilà l’indication que nous retenons de la première lecture. Nous comprenons ainsi que le prêtre, qui participe au ministère apostolique de l’évêque, est celui qui n’a plus rien à lui « D’argent et d’or, je n’en ai pas, ce que j’ai, je te le donne. » Voilà l’aumône sacerdotale : « Au nom de Jésus-Christ, je te le dis, lève-toi. » Parole prononcée non pas comme un ordre, mais comme un service.

L’amour : charité pastorale

Dans l’Évangile, nous entendons ce qui pourrait être le noyau le plus incandescent du ministère sacerdotal qui est toujours participation au ministère de l’évêque, au ministère apostolique. Le prêtre n’agit jamais seul mais toujours dans le presbyterium au milieu duquel se tient l’évêque où tous ensemble, fraternellement comme des « amis » envoyés par Jésus pour agir « en son nom » et prononcer sa Parole de façon aussi discernée que possible afin qu’elle rejoigne ceux et celles à qui le Christ parle en vérité, parole de vie qui sauve.

Que voyons-nous dans cet acte tout simple du ministère sacerdotal qui est cependant d’une grandeur inouïe ? L’amour. « Pierre m’aimes-tu ? » Une deuxième fois, Pierre, m’aimes-tu ? Et une troisième fois, Pierre m’aimes-tu plus que ceux-ci ? Trois fois. Non seulement selon la symbolique de l’Écriture pour attester que c’est la chose la plus essentielle qui soit, mais aussi pour nous montrer que cette parole de Jésus peut nous être adressée à nous évêques et prêtres au long de notre vie, comme une répétition pleine de patience et de bonté, pleine de miséricorde pour nous. « Pierre m’aimes-tu ? »

Et voici que jaillit de notre cœur d’évêques et de prêtres la réponse : « Oui, Seigneur, je t’aime. » Non pas qu’il s’agisse d’un amour particulier qui serait plus grand que l’amour des fidèles pour Jésus. Nous connaissons en effet tant et tant de saints et de saintes qui ont aimé Jésus avec une ardeur extraordinaire. En cette année qui est dédiée à saint Joseph, nous percevons quel amour brûle dans « son cœur de père » pour l’Enfant et sa Mère !

De quel amour s’agit-il pour l’évêque et pour le prêtre ? C’est l’amour pour l’œuvre de salut qu’accomplit le Seigneur Jésus. C’est l’amour pour Jésus qui accomplit son œuvre de salut aujourd’hui. Celle qu’il a accomplie « une fois pour toutes » sur la croix en mourant, en livrant sa vie, en ressuscitant d’entre les morts et en livrant l’Esprit. Cette œuvre de salut, le prêtre la prononce chaque jour quand il célèbre la Messe lorsqu’il dit : « Voici l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde. » Le prêtre, en participation au ministère de l’évêque, est celui qui brûle d’amour pour l’œuvre de salut accomplie par le Seigneur Jésus. Il est un missionnaire selon sa vocation spécifique de prêtre, participant au ministère apostolique des évêques. « Malheur à moi si je n’annonce pas l’Évangile », s’exclame saint Paul !

Pasteurs à la manière de Jésus

Brûlant de cet amour, il reçoit la mission de Jésus lui-même : « Sois le pasteur de mes brebis. » Car Jésus est le « Bon Pasteur ». Il est l’unique Bon Pasteur, l’unique Pasteur de l’Église. C’est lui qui conduit son Église, qui la nourrit, qui la sanctifie. C’est Lui qui donne l’Esprit à tous les membres de l’Église. C’est Lui qui est attentif à tous les blessés qui ne savent plus ce qu’est la beauté de la vie et qui sont comme des brebis sans pasteur, trainant ici ou là dans les multiples esclavages des addictions que notre société fait miroiter comme des idoles qui séduisent et attirent, laissant beaucoup assis à la belle porte et attendant que quelqu’un dise une parole de vie qui ressuscite et qui met debout avec « les chevilles et les pieds affermis », comme le dit le texte des Actes des Apôtres.

Mais ce Bon Pasteur qu’est Jésus brille dans les cœurs. Il ressuscite les cœurs malades en y faisant luire la foi, l’amour et l’espérance. Ce Bon Pasteur connait chacune de ses brebis par leur nom. Quelle attention du Pasteur pour chacune de ses brebis, pour chacune des personnes dont la dignité inaliénable est intouchable, elle est divine. Le prêtre et l’évêque, comme Jésus le Bon Pasteur, connaissent chacune des brebis par leur nom ; cela veut dire qu’ils voient la grandeur de leur dignité, ils savent qu’elles sont appelées à vivre comme des enfants bien-aimés de Dieu.

Le Bon Pasteur est aussi celui qui rassemble ses brebis « dans l’unique bercail », nous dit l’Évangile. L’évêque et les prêtres qui participent au ministère de l’évêque portent le souci de l’unité. Non pas l’unité dans l’uniformité ni dans un certain égalitarisme qui est aujourd’hui comme une idole malfaisante, mais l’unité dans nos différences qui est une communion dans la foi. Unité grâce à laquelle nous sommes tous les uns et les autres admiratifs des dons que Dieu fait aux uns et aux autres, et qui ne sont pas les mêmes. Admiratifs des charismes qui sont partagés par les uns et d’autres charismes reçus par les autres.

Malheureuse Église qui connait la division et bienheureuse Église qui avance vers l’unité. La plus grande joie du Bon Pasteur qui a offert sa vie pour l’unité, la plus grande joie de l’Apôtre et de tous ceux qui participent au ministère des Apôtres, c’est l’unité de la Communauté. C’est l’unité dans la communion de la foi, quel que soit le chemin et l’histoire de chacun avec ses questions, ses doutes, ses accidents, ses bonheurs, ses pas de travers.

Le Bon Pasteur, non seulement connait chacune de ses brebis et œuvre pour l’unité, mais il est aussi celui qui est venu « non pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude ». Le bon pasteur qu’est le prêtre, en lien avec l’évêque, est celui qui est là pour « servir » et plus précisément encore, comme vient de le dire le pape François, pour servir en « s’abaissant ». Notre unique Bon Pasteur est « doux et humble de cœur ». De même, le prêtre avec l’évêque, saisis ensemble par le mystère du Christ, par la grandeur de la dignité filiale des fidèles, par la sainteté de l’Eucharistie, par la puissance de la Parole divine, sont des hommes au cœur humble, d’une humilité foncière qui les invite à s’abaisser pour servir et à s’abaisser de plus en plus pour être serviteur de tous sans exception.

Enfin, le Bon Pasteur est celui qui livre sa vie pour ses brebis. Et Jésus ajoute : « Personne ne me la prend, c’est moi qui la donne. J’ai reçu le pouvoir de la donner. » Acte de liberté le plus haut qui soit, les prêtres, avec l’évêque, sont ceux qui donnent leur vie pour l’œuvre du salut qu’accomplit le Christ. Pris parmi tous les hommes, le prêtre livre sa vie. Cette livraison de la vie se manifeste, selon la riche tradition latine de l’Église, se manifeste, comme l’a vécu le Seigneur Jésus, dans le choix libre et responsable du célibat « pour le Royaume ». Donnant ainsi toute leur vie pour l’œuvre du salut qui est celle du Bon Pasteur qu’il partage et confie aux Apôtres, à leurs successeurs, et aux prêtres.

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Ainsi, l’Ordination sacerdotale est un sacrement par lequel le Seigneur Jésus choisit et consacre ceux dont il fait des prêtres, c’est-à-dire des hommes voués à l’œuvre du salut que Lui seul accomplit. Par cette consécration sacramentelle, ils sont habilités à agir « au nom de Jésus », à dire en toute vérité : « au nom de Jésus-Christ, je te le dis, lève-toi. »

Rendons grâce à Dieu, rendons grâce au Seigneur-Jésus de continuer à être présent parmi nous et, d’une manière certaine, par le ministère du prêtre, d’agir afin que nous ayons toujours la vie en abondance car, dit Jésus, notre Bon Pasteur, « je suis venu pour que vous ayez la vie et la vie en abondance. » Amen.

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