Catéchèse de Mgr d’Ornellas : «Tous appelés à l’espérance»

Mgr d’Ornellasest a donné une catéchèse sur l’espérance pour introduire l’année que les catholiques d’Ille-et-Vilaine sont invités à vivre en 2014-2015, lors du pèlerinage de rentrée du diocèse de Rennes au Sanctuaire Notre-Dame de la Peinière, le 14 septembre 2014.

Pour commencer, je voudrais partager avec vous un court passage du long poème en prose, Le porche du mystère de la deuxième vertu, composé par le grand écrivain catholique Charles Péguy qui est mort le 5 septembre 1914, il y a cent ans, au début de la Première Guerre Mondiale. Il a senti le besoin d’écrire sur l’espérance. Il fait parler Dieu :

« Quelle ne faut-il pas que soit ma grâce et la force de ma grâce pour que cette petite espérance, vacillante au souffle du péché, tremblante à tous les vents, anxieuse au moindre souffle, soit aussi invariable, se tienne aussi fidèle, aussi droite, aussi pure ; et invincible, et immortelle, et impossible à éteindre ; que cette petite flamme du sanctuaire.
Qui brûle éternellement dans la lampe fidèle.
Une flamme tremblotante a traversé l’épaisseur des mondes.
Une flamme vacillante a traversé l’épaisseur des temps.
Une flamme anxieuse a traversé l’épaisseur des nuits.
Depuis cette première fois que ma grâce a coulé pour la création du monde.
Depuis toujours que ma grâce coule pour la conservation du monde.
Depuis cette fois que le sang de mon Fils a coulé pour le salut du monde.
Une flamme impossible à atteindre, impossible à éteindre au souffle de la mort.
Ce qui m’étonne, dit Dieu, c’est l’espérance.
Et je n’en reviens pas.
Cette petite espérance qui n’a l’air de rien du tout, cette petite fille espérance.
Immortelle. »

Voilà l’espérance sur laquelle nous sommes invités à méditer au cours de l’année qui vient : approfondir l’espérance et découvrir qu’elle est une petite flamme, certes tremblante dans la nuit, anxieuse au moindre souffle qui passe, mais fidèle, immortelle. Comment se fait-il que l’espérance demeure ? Est-elle toujours possible ? Péguy, ce grand croyant en Dieu, nous dit que oui. Elle est toujours là, comme une petite fille de rien du tout, qui n’apparaît pas, qui n’est pas flamboyante, mais qui demeure pour que le monde soit ce qu’il doit être.

Le Seigneur Jésus nous ouvre les chemins de l’espérance. Avant d’y réfléchir ensemble, je voudrais faire un petit retour en arrière. Cette catéchèse a donc deux parties : d’abord, un regard sur les deux années écoulées où nous passons de la foi à l’espérance ; ensuite, un regard dans les Évangiles, la nourriture de notre espérance. Si vous le souhaitez, vous pouvez aller directement à la seconde partie d’où je dégage, parmi toutes celles possibles, sept voies pour l’espérance.

A – «La foi que j’aime, dit Dieu, c’est l’espérance»

En regardant les deux années passées vécues par notre diocèse, nous pouvons percevoir que la Providence de Dieu nous conduit à vivre une Année de l’Espérance. Je vous invite déjà à en rendre grâce à Dieu. Oui, Dieu nous conduit par son Esprit, l’Esprit Saint.

1 – L’Année de l’Esprit-Saint

Souvenez-vous : nous avons vécu l’Année de l’Esprit Saint en 2011-2012. Au cours de cette année, nous avons célébré la fête de la Pentecôte au stade de la route de Lorient, le dimanche 27 mai 2012. Plus de 850 personnes, jeunes et adultes, y ont reçu le sacrement de la Confirmation. Ce fut un beau don pour chaque famille, et pour tout notre diocèse.

Au cours de cette année 2011-2012, nous avons pu redécouvrir la Personne de l’Esprit Saint. Depuis, nous le prions plus souvent afin qu’Il nous guide et nous inspire, dans notre famille ou notre travail, dans notre tâche éducative ou notre service d’Église. Gardons vivante notre foi en l’Esprit Saint, l’Ami invisible de nos vies, de nos familles, de nos communautés !

Le Nouveau Testament de nos Bibles nous parle tellement de l’Esprit Saint ! Jésus fut « rempli de l’Esprit Saint » (Luc 4,1) ; il l’a reconnu : « l’Esprit du Seigneur est sur moi » (Luc 4,18) ; et il nous a dit : « recevez l’Esprit Saint » (Jean 20,22). C’est Lui qui nous pousse à prier avec une confiance filiale en appelant Dieu « Abba, Père ! » (cf. Romains 8,15). C’est Lui qui nous distribue ses dons dans une étonnante variété afin que chacun trouve sa place dans l’Église pour servir humblement dans l’unité (cf. 1 Corinthiens 12). C’est Lui qui répand dans nos coeurs la charité grâce à laquelle nous allons avec tendresse vers les plus fragiles (cf. Romains 5,5). C’est Lui qui nous conseille quand nos coeurs sont ouverts et disponibles pour témoigner avec douceur du Christ (cf. Jean 15,26-27).

Nous avons été renouvelés dans notre foi en l’Esprit Saint. Et c’est ainsi que nous sommes entrés dans l’Année de la Foi puis dans l’Année de la Charité.

2 – Année de la Foi

À l’invitation du pape Benoît XVI, nous avons vécu l’Année de la Foi en 2012-2013. Chacun de nous a pu approfondir la foi afin de mieux en voir la grandeur.

Oui, ce n’est pas banal d’être « chrétien ». Il est extraordinaire que nous soyons illuminés de la lumière de Jésus et que nous en vivions. Cette lumière, nous l’avons reçue gratuitement. La foi est un magnifique don de Dieu !

Pendant cette Année de la foi, nous avons mieux perçu que la foi est comme une petite plante qui a toujours besoin d’être cultivée pour grandir et fleurir. Il nous est bon d’éclairer régulièrement notre foi à la lumière des Évangiles et de toute la Bible, de la nourrir par les sacrements, en particulier la Réconciliation et l’Eucharistie, de l’exprimer dans la prière. Comment est-il possible de croire en Dieu sans L’écouter, sans Lui parler ! Ou alors, nous croyons en un Dieu mort … Mais non, Il est vivant ! Notre foi nous invite à entretenir une relation privilégiée avec Lui !

L’Année de la Foi nous a fait découvrir que la foi est d’abord une amitié vivante avec Jésus, le Fils de Dieu. Nous avons alors reconnu la beauté de la prière, même si celle-ci est parfois difficile. La prière est tellement essentielle à notre vie chrétienne personnelle et à la vie de nos communautés chrétiennes ! Prière de louange, de demande, d’adoration ; prière du chapelet, prière personnelle, en famille, communautaire… Toutes nos prières s’accomplissent dans la grande prière – le sommet de toute prière – que nous a donnée Jésus : « Notre Père qui es aux Cieux, que ton nom soit sanctifié,… »

Personnellement, je suis toujours impressionné quand je vais rencontrer nos frères et sœurs, les détenus, qui savent bien pour quels actes commis elles ou ils sont là, derrière les barreaux. Quelle joie pour moi de dire avec ces personnes « Notre Père qui es au Cieux, que ton nom soit sanctifié, … » Nous tous, pauvres pécheurs, à cause de notre foi, nous pouvons dire avec confiance à notre Dieu : « Notre Père … que ton nom soit sanctifié,… » Que c’est grand, mes amis, cette Année de la Foi qui nous a permis de redécouvrir la prière !

Bien sûr, l’Année de la Foi est passée, mais pas la Foi. Nous n’avons pas fini de croître dans la foi, de nous laisser éclairer par sa lumière pour mieux comprendre la beauté et la grandeur de nos vies. L’Église, notre Mère, nous aide à grandir dans la foi en nous donnant chaque dimanche le Credo qui est un résumé si riche de tout ce que Dieu, en son Amour infini, fait pour nous et pour tous les hommes. Oui, soyons reconnaissants envers notre Dieu qui nous a illuminés de la foi. Nous avons reçu gratuitement ce trésor.

Chaque année dans notre diocèse, des adultes et des jeunes font l’expérience de ce don de Dieu. Ce sont en particulier les catéchumènes, adultes et jeunes, qui demandent le Baptême, mais ce sont aussi les recommençants qui découvrent à quel point ils sont aimés de Dieu. Certains demandent le sacrement de Confirmation. Avec eux, rendons grâce à notre Dieu, nous avons reçu le don de la foi !

3 – Année de la Charité

Après cette Année de la Foi, nous avons vécu l’Année de la Charité dans le prolongement du rassemblement national à Lourdes en mai 2013 : Diaconia. C’était vraiment très beau ! J’en ai eu une grande joie. Mais cette Année de la Charité n’est pas simplement due à Diaconia. Je voudrais citer ici le pape François dans sa belle Exhortation sur La joie de l’Évangile : « ce qui compte, c’est avant tout « la foi opérant par la charité » (Galates 5,6)¹ ». Séparer la Foi chrétienne de la Charité est un non-sens. Sur le lien entre foi et charité, le pape François a cette formule : « Il faut affirmer sans détour qu’il existe un lien inséparable entre notre foi et les pauvres². » C’est pourquoi, de façon toute naturelle, l’Année de la Charité a prolongé l’Année de la Foi.

Quel est celui qui a le plus de foi ? Sans doute celui qui vit le plus la charité de Dieu ! Ce dynamisme de la charité ne fait pas de bruit. Il demeure dans nos Communautés chrétiennes, dans nos aumôneries et dans telle ou telle personne, sans que nous nous en rendions toujours compte. Le pape François, le 27 août dernier, en a donné une singulière illustration. Il a rappelé une de ses visites dans une paroisse à Buenos Aires : « On parlait d’une personne âgée qui pendant toute sa vie avait travaillé dans la paroisse, et quelqu’un qui la connaissait bien a dit : « Cette femme n’a jamais parlé mal de personne, elle n’a jamais fait de commérages, elle souriait tout le temps. » Une telle femme peut être canonisée demain ! C’est un bel exemple.³ »

N’est-il pas vrai que nous avons tous besoin de grandir dans la charité ? Certes, nous connaissons tous le double commandement de la charité pour Dieu et pour notre prochain (cf. Matthieu 22,36-40). Nous savons tous que Jésus nous dit : « aimez vos ennemis ! » (Matthieu 5,44 ; Luc 6,27). Nous nous souvenons tous de son affirmation : « c’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres qu’on vous reconnaîtra pour mes disciples. » (Jean 13,35). Mais au cours de l’Année de la Charité, nous avons peut-être mieux pris conscience que nous avons besoin de recevoir davantage la Parole de Dieu afin que grandisse notre charité. Car elle est « la voie infiniment supérieure », comme l’écrit saint Paul (1 Corinthiens 12,31).

L’Année de la charité est passée mais pas le mouvement de la charité auquel nous sommes tous appelés. Comme il est beau de la vivre au cœur de nos communautés chrétiennes, qu’elles soient paroissiales ou autres. Comment ne pas être interpellés par les appels répétés de saint Paul sur la qualité de notre amour ! Je ne vous lis que celui-ci : « Puisque vous êtes élus, sanctifiés, aimés par Dieu [disons baptisés], revêtez donc des sentiments de compassion, de bienveillance, d’humilité, de douceur, de patience. Supportez-vous les uns les autres, et si l’un a un grief contre l’autre, pardonnez-vous mutuellement ; comme le Seigneur vous a pardonnés, faites de même, vous aussi. Et par-dessus tout, revêtez l’amour : c’est le lien parfait. » (Colossiens 3,12-14)

Mes amis, quelle richesse inépuisable dans les phrases de Jésus et les textes de saint Paul ! Oui, aimons-nous les uns les autres comme Jésus nous a aimés ! Nous touchons là quelque chose de si central dans l’Évangile. Nous le savons bien, l’absence d’amour mutuel est un contre-témoignage (cf. Jean 13,35) ! Reconnaissons humblement que la charité a besoin de grandir dans notre diocèse, dans nos communautés, en chacun de nous, en moi et en vous. Demander la charité est une grande prière ! Demandons-la les uns pour les autres. Demandons la charité pleine de tendresse, d’attention et de délicatesse avec laquelle les plus pauvres sont accueillis. Elle suscite l’amitié simple et respectueuse entre les personnes sans considération des apparences ni des manières de faire. Je suis heureux d’écouter et d’encourager les correspondants Diaconia, que je verrai le 18 novembre prochain.

Sur l’amour, écoutez ce passage si suggestif du pape François : « Ce que l’Esprit suscite n’est pas un débordement d’activisme, mais avant tout une attention à l’autre qu’il « considère comme un avec lui ». Cette attention aimante est le début d’une véritable préoccupation pour sa personne, à partir de laquelle je désire chercher effectivement son bien. Cela implique de valoriser le pauvre dans sa bonté propre, avec sa manière d’être, avec sa culture, avec sa façon de vivre la foi. Le véritable amour est toujours contemplatif, il nous permet de servir l’autre non par nécessité ni par vanité, mais parce qu’il est beau, au-delà de ses apparences. […] Le pauvre, quand il est aimé, « est estimé d’un grand prix ». […] C’est seulement à partir de cette proximité réelle et cordiale que nous pouvons les accompagner comme il convient sur leur chemin de libération. C’est seulement cela qui rendra possible que « dans toutes les communautés chrétiennes, les pauvres se sentent chez eux. Ce style ne serait-il pas la présentation la plus grande et la plus efficace de la Bonne Nouvelle du Royaume ? »4 »

Que c’est beau la charité ! Dans les Visites Pastorales que je fais ici ou là, je la perçois. Elle ne se paie pas de mots. Je la vois dans l’amour pour les malades, dans l’amour pour les personnes différentes, dans l’amour pour les exclus. Je la vois de mes yeux de chair et avec mon cœur. Je la vois dans l’amour qui souffre à cause de l’amour ! Dans l’amour qui souffre sans aigreur ni amertume à cause de la personne aimée qui est en souffrance. Dans l’amour qui souffre avec patience quand l’Amour n’est pas aimé, quand l’amour n’éclot pas en pardon ni en tendresse ou en bienveillance. Rendons grâce à Dieu d’avoir reçu la petite plante de la charité, qui pousse en nous et qui nous pousse !

4 – Un cadeau : l’Année de l’Espérance

Ayant vécu les deux Années de la Foi et de la Charité, il était normal que nous vivions une Année de l’Espérance. En effet, les trois vertus théologales de foi, d’espérance et de charité sont liées entre elles. Saint Paul l’écrit aux chrétiens de Corinthe : « maintenant demeurent la foi, l’espérance et la charité. » (1 Corinthiens 13,13)

Auparavant, il en avait fait mention dans sa Lettre aux chrétiens de Thessalonique. Cette Première Lettre aux Thessaloniciens peut être considérée comme le tout premier écrit du Nouveau Testament. C’est dès le début de cette Lettre que Paul parle des trois vertus théologales, comme s’il résumait la vie des chrétiens par la foi, la charité et l’espérance : « Sans cesse, nous nous souvenons que votre foi est active, que votre charité se donne de la peine, que votre espérance tient bon en notre Seigneur Jésus Christ, en présence de Dieu notre Père. » (1 Thessaloniciens 1,2-3)

C’est ce que nous faisons maintenant. Moi, votre évêque, avec vous tous, je fais cet acte de mémoire : je me souviens que votre foi est active, parce que vous avez reçu le don de la foi ; je me souviens que votre charité se donne de la peine, parce que vous avez reçu une charité vivante. Mais je sais aussi que votre espérance tient bon en notre Seigneur Jésus-Christ, en présence de Dieu notre Père !

Saint Paul ajoute aussitôt : « Nous le savons, frères bien-aimés de Dieu, vous avez été choisis par Lui. » (1 Thessaloniciens 2,4) Mes amis, vous avez été choisis par Lui ! Être baptisés, c’est recevoir un appel de Dieu, non parce que nous serions meilleurs, mais tout simplement parce qu’Il nous confie une mission. Aux baptisés – c’est-à-dire aux « disciples » de Jésus –, Dieu confie la mission de porter l’espérance.

Dieu nous a choisis ! Il nous a appelés en nous donnant la vocation chrétienne, c’est-à-dire la vocation d’être « disciples » de Jésus. En effet, « vocation » veut dire « être appelé ». Dieu nous a donné la lumière de la foi, et Il a fait naître dans nos cœurs la charité. C’est par la foi en Jésus-Christ et par la charité qui vient de l’Esprit Saint, que nous sommes « chrétiens » (cf. Actes 11,26). Or, saint Paul, en l’écrivant aux chrétiens d’Éphèse, nous le dit à nous aujourd’hui : « votre vocation vous a tous appelés à une seule espérance. » (Éphésiens 4,4) Le fruit de la foi vivante, c’est-à-dire vécue dans la charité, c’est donc l’espérance !

On comprend alors que Péguy commence son long poème par ce mot : « La foi que j’aime, dit Dieu, c’est l’espérance. » C’est pourquoi, il nous est bon, tout au long de l’Année de l’Espérance, de méditer sur notre vocation chrétienne : l’espérance.

5 – La Providence divine

Dieu, dans sa Providence et dans sa bonté, nous a placés à ce moment de l’histoire qui est la nôtre et dans le département d’Ille-et-Vilaine, afin que nous y témoignions de l’espérance que donne et dévoile le Christ. Notre foi en Dieu nous invite à affirmer cela.

Mais il y a plus. Je suis vraiment heureux que l’un des membres du Conseil Épiscopal ait émis l’idée d’une Année de l’Espérance, après les Années de la Foi et de la Charité. J’ai progressivement vu que c’était la Providence qui nous conduisait à vivre l’Année de l’Espérance. Car nous en avons besoin.

En effet, ce n’est pas le diocèse ni moi qui avons décidé une Année de la Foi ; c’est en communion avec le pape Benoit XVI et avec toute l’Église que nous l’avons vécue. Ce n’est pas le diocèse ni moi qui avons décidé Diaconia ; c’est l’Église en France, et singulièrement Mgr Bernard Housset, président du Conseil pour la Solidarité, qui a engagé l’Église de France sur l’accueil des plus pauvres, des plus fragiles, des plus petits dans nos Communautés chrétiennes. Cela a donné ce grand mouvement Diaconia, qui – c’était évident – ne pouvait pas s’arrêter.

J’ai été ému, quand revenant dans ma prière sur la parole dite au Conseil Épiscopal, j’ai pris conscience que la Providence de Dieu nous conduisait à vivre cette Année de l’Espérance dans la situation actuelle de notre diocèse et de notre société. Cela n’annule évidemment pas la croissance de la foi et de la charité en nous et dans nos communautés. Au contraire, notre espérance se nourrit sans cesse de la foi et de l’amour. La foi au Christ ressuscité est source d’une telle espérance ! Et l’amour évangélique pousse chacun à envelopper toute personne – et soi-même – d’un tel regard d’espérance ! Avec la bienheureuse espérance que nous recevons de Dieu, il n’y a jamais d’impasse.

6 – Dans la situation actuelle

Pourtant, la situation présente n’est pas sans interrogations – parfois lourdes – sur l’avenir. Pendant les Visites Pastorales, que je vis depuis 3 ans, je vois la charité à l’œuvre, je vois l’engagement à cause de la foi. Mais j’entends aussi des questions.

Nous ne pouvons pas nous appuyer sur l’organisation et la force d’un nombre important de prêtres, de consacrés et de chrétiens. Beaucoup parmi nos communautés chrétiennes s’interrogent pour l’avenir. Où seront les prêtres demain ? Aurons-nous encore la célébration de l’Eucharistie ? Y aura-t-il des vocations de consacrés ? Quelles communautés chrétiennes seront vivantes dans les communes ? Pourquoi dans la seule école de ma commune aucun enfant n’est inscrit au catéchisme ? Et combien d’enfants iront demain au catéchisme dans telle ou telle commune ? Vu le petit nombre de chrétiens engagés, n’est-il pas trop exténuant d’accomplir un service ? Après nous, qui va s’engager pour la vie de nos paroisses ou de nos mouvements ? Et comment faut-il faire pour être efficace ? Comment rejoindre les gens si indifférents, voire hostiles ?

Devant certaines décisions sociétales, j’entends : comment ferons-nous ? Quelle éducation peut-on encore donner à nos enfants ? Heureusement qu’entre familles on se soutient car ça devient trop difficile ! Ne sommes-nous pas devenus des originaux dans notre manière de vivre notre vie familiale ? Pourquoi l’hôpital supprime-t-il le poste d’aumônier, comment allons-nous faire ? La parole de l’Église est-elle entendue aujourd’hui ? Le respect de tous en fin de vie sera-t-il encore reconnu ?

À cela s’ajoutent les questions existentielles les plus inévitables quand vient la souffrance, la maladie, la mort accidentelle non préparée. Mais aussi des questions qui sont habitées par la peur quand on voit des déferlements de violence meurtrière contre les chrétiens d’Irak, ou d’ailleurs.

7 – Un désert pour la joie de croire

Le pape François est aussi lucide que nous. Il semble nous décrire quand, d’une seule voix avec le pape Benoît, il écrit : « Il est évident que s’est produite dans certaines régions une « désertification » spirituelle, fruit du projet de sociétés qui veulent se construire sans Dieu ou qui détruisent leurs racines chrétiennes. Là, « le monde chrétien devient stérile, et s’épuise comme une terre surexploitée, qui se transforme en sable » (cardinal Newman). Dans d’autres pays, la violente résistance au christianisme oblige les chrétiens à vivre leur foi presqu’en cachette dans le pays qu’ils aiment. C’est une autre forme très douloureuse de désert. Même sa propre famille ou son propre milieu de travail peuvent être cet environnement aride où on doit conserver la foi et chercher à la répandre. Mais « c’est justement à partir de l’expérience de ce désert, de ce vide, que nous pouvons découvrir de nouveau la joie de croire, son importance vitale pour nous, les hommes et les femmes. Dans le désert, on redécouvre la valeur de ce qui est essentiel pour vivre ; ainsi dans le monde contemporain les signes de la soif de Dieu, du sens ultime de la vie, sont innombrables bien que souvent exprimés de façon implicite ou négative. Et, dans le désert, il faut surtout des personnes de foi qui, par l’exemple de leur vie, montrent le chemin vers la Terre promise et ainsi tiennent en éveil l’espérance » (Benoît XVI).5 »

Dans la situation qui est la nôtre, cette citation du pape Benoît, reprise par le pape François nous invite, si nous sommes des hommes et des femmes de foi, c’est-à-dire d’espérance, à lever les yeux pour voir les « signes innombrables » qui germent, aussi bien dans le quotidien que dans les situations du sens ultime de la vie, ou dans ces soifs et ces faims spirituelles exprimées ici ou là de diverses manières. Dans le désert, apparaissent beaucoup plus les oasis, et dans la nuit, brillent beaucoup mieux les lumières. Le « chrétien » qui vit de la rencontre avec le Seigneur Jésus6, voit ces multiples signes de la Présence de Dieu dans le désert. Il est appelé à y partager son espérance.

Le pape François continue : « Dans tous les cas, en pareilles circonstances, nous sommes appelés à être des personnes-amphores pour donner à boire aux autres. Parfois, l’amphore se transforme en une lourde croix, mais c’est justement sur la Croix que le Seigneur, transpercé, s’est donné à nous comme source d’eau vive. Ne nous laissons pas voler l’espérance7 ! » Quelle joie de voir un « chrétien » être ou devenir une personne-amphore qui désaltère le frère ou la sœur assoiffé d’espérance !

8 – « C’est d’espérer qui est difficile »

Cette espérance, nous sommes invités à la découvrir pendant toute l’année, de façon intérieure et non superficielle. L’espérance est si précieuse ! Depuis toujours, elle est « l’ancre solide et sûre de notre âme » (Hébreux 6,19).

Dans son grand poème, Charles Péguy médite sur la foi et sur la charité, alors qu’il est confronté au rationalisme qui dessèche tout. En faisant parler Dieu, il conclut : « La foi ça ne m’étonne pas. Ça n’est pas étonnant. J’éclate tellement dans ma création. […] La charité, dit Dieu, ça ne m’étonne pas. Ça n’est pas étonnant. Ces pauvres créatures sont si malheureuses qu’à moins d’avoir un cœur de pierre, comment n’auraient-elles point charité les unes des autres. » Mais Péguy ajoute alors : « Mais l’espérance, dit Dieu, voilà ce qui m’étonne … C’est d’espérer qui est difficile. »

Et en effet, devant les difficultés présentes, comment se fait-il que cette petite flamme de rien du tout continue de brûler alors qu’elle est souvent sur le point de s’éteindre ? Les bourrasques sont si nombreuses, si fortes ! Elle vacille, semble éteinte, et ressurgit timidement mais réellement. Et elle éclaire, réchauffe. Qu’est-ce donc que l’espérance ? Comment la comprendre ? Comment la recevoir ? Comment la vivre ?

L’Année de l’Espérance est un cadeau fait à toutes les Communautés Chrétiennes, et à tous les chrétiens pour que nous redécouvrions tous la beauté de l’espérance chrétienne. Puisse ce cadeau être fait à tous ! En prison ou en aumônerie de prison, chez les malades ou en aumônerie de santé, chez les jeunes ou en aumônerie de jeunes, en paroisse pour ceux qui sont très pratiquants comme pour les moins pratiquants, chez les personnes âgées ou chez les enfants, les adolescents et les jeunes, en familles ou en établissements scolaires, en mouvements de jeunes ou d’adultes, dans chaque communauté religieuse. Oui, tous, nous sommes appelés « à une seule espérance », car « Dieu est amour ». Dans son encyclique Sauvés en espérance, datée du 30 novembre 2007, le pape Benoît XVI l’appelle « la grande espérance ».

Grâce au « Guide pour entrer dans l’espérance », préparé par le Service diocésain de formation permanente, nous pourrons tous nous laisser éclairer par l’Évangile afin que naisse en nous ou se dévoile à nos yeux la petite flamme qui brûle et qui s’appelle l’« espérance ». Ce guide ouvre à tous les chemins de l’espérance chrétienne.

l’Évangile : « À l’origine du fait d’être chrétien il n’y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive ». » (n. 7)

B – « Jeter les yeux dans le Saint Évangile »

Maintenant, je voudrais lire avec vous les Évangiles afin d’y découvrir les voies de l’espérance. N’hésitez pas à aller prendre votre Bible ou votre Nouveau testament pour lire, seul ou en groupe, les passages auxquels cette catéchèse renvoie. Parmi toutes les voies que le Seigneur Jésus ouvre pour notre espérance, en voici sept :
– Il est le Ressuscité ;
– Il est le Sauveur ;
– Il nous donne les paraboles du Royaume ;
– Il rencontre les personnes ;
– Il vient vers nous ;
– Il édifie son Église ;
– Il suscite la charité vraie.

1 – Il est le Ressuscité : la mort est un passage

La première voie, c’est la Résurrection du Christ. Il est ressuscité ! Au cours d’une Visite Pastorale, je rencontrais des chrétiens qui sont actifs dans l’ombre et qui font mon admiration par leur dévouement au service de leur paroisse (fleurs, ouverture des portes de l’église, propreté des églises, sacristains, feuilles pour la liturgie, accueil au presbytère, etc.). Dans la conversation, je leur ai dit : « Vous savez, le Christ est joyeux. Est-ce que quelque fois, vous pensez que le Christ est vivant, qu’il est dans la joie ? » C’était pour la plupart quelque chose de nouveau. Oui, le Christ est ressuscité ! Il est vraiment ressuscité ! Cela signifie qu’il est vivant et comblé de joie, d’une joie infinie. N’est-ce pas cela qui nous est dit quand nous lisons ce verset : « tout ce que je vous dis là, c’est pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite. » (Jean 15,11)

N’hésitez pas à relire les récits des apparitions du Ressuscité dans les quatre Évangiles. Le Ressuscité nous communique sa vie en nous guérissant de l’incrédulité (cf. Marc 16,14 ; Luc 24,41 ; Jean 20,27), en faisant briller la lumière de la foi en nos cœurs (cf. Jean 20,8), en nous donnant la joie de la foi (cf. Jean 20,20 ; Matthieu 28,8), en faisant résonner en nous l’Écriture Sainte de telle sorte qu’elle devient Parole de Dieu brûlant en nos cœurs (cf. Luc 24,45-46 ; Jean 20,9).

Saint Paul ne nous dit pas seulement « vous ressusciterez au dernier jour » (1 Corinthiens 6,14 ; 2 Corinthiens 4,14), mais aussi : « Vous êtes ressuscités avec le Christ » (Éphésiens 2,6 ; Colossiens 2,12). La trace la plus lumineuse du Ressuscité en nos vies est la foi vivante qui nous anime. Sur le chemin de Damas, Paul a rencontré le Ressuscité et la foi est née en lui : « Ma vie ici-bas, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé. » (Galates 2,20)

Écoutons le pape François : « La foi signifie croire en lui, croire qu’il nous aime vraiment, qu’il est vivant, qu’il est capable d’intervenir mystérieusement, qu’il ne nous abandonne pas, qu’il tire le bien du mal par sa puissance et sa créativité infinie. C’est croire qu’il marche victorieux dans l’histoire « avec les siens : les appelés, les choisis, les fidèles » (Apocalypse 17,14). Nous croyons à l’Évangile qui dit que le Règne de Dieu est déjà présent dans le monde, et qu’il se développe çà et là, de diverses manières : comme une petite semence qui peut grandir jusqu’à devenir un grand arbre (cf. Matthieu 13,31-32), comme une poignée de levain, qui fait fermenter une grande quantité de farine (cf. Matthieu 13,33), et comme le bon grain qui grandit au milieu de l’ivraie (cf. Matthieu 13,24-30), et peut toujours nous surprendre agréablement. Il est présent, il vient de nouveau, il combat pour refleurir. La résurrection du Christ produit partout les germes de ce monde nouveau ; et même s’ils venaient à être taillés, ils poussent de nouveau, car la résurrection du Seigneur a déjà pénétré la trame cachée de cette histoire, car Jésus n’est pas ressuscité pour rien. Ne restons pas en marge de ce chemin de l’espérance vivante8 ! »

Si le Christ est ressuscité, cela signifie que la résurrection est à l’œuvre. Comme l’écrit le pape François, il n’est pas ressuscité pour rien ! Et sa résurrection en nous, c’est précisément notre foi vivante. Mais la résurrection du Christ se manifeste aussi en ces germes de vie, de vérité, d’amour, en ces soifs de Dieu, lucides ou non, qui sont vécus par des chrétiens ou par des non chrétiens. Oui, la résurrection du Christ ne cesse d’être à l’œuvre en nous et dans notre monde. La foi ouvre nos yeux pour que notre regard sache les discerner et soit ainsi habité d’espérance.

Le Christ est ressuscité. Nous le célébrons chaque année à Pâques, mais aussi chaque dimanche. Quel beau signe d’espérance que le cierge pascal allumé dans nos églises, de Pâques à Pentecôte ! Pensez aussi à l’espérance que donne le Christ en regardant les cierges allumés sur l’autel à chaque Eucharistie. Ou encore en plaçant le cierge pascal allumé pour une célébration d’obsèques, en allumant les cierges autour du cercueil.

Nous savons, nous chrétiens, que toute mort n’est pas la mort mais une pâque. C’est un « passage » dont nous avons une extraordinaire image dans la naissance d’un enfant. Allant déjeuner dans une famille au cours d’une Visite Pastorale, j’ai entendu la maman me dire au sujet de l’accouchement de ses enfants : « Monseigneur, c’est un passage ! un passage ! » Après, quand l’enfant est né, posé sur son sein, c’est une telle joie ! Jésus lui-même prend l’image de l’accouchement pour parler de sa Pâque : « La femme qui enfante est dans la peine parce que son heure est arrivée. Mais, quand l’enfant est né, elle ne se souvient plus de sa souffrance, tout à la joie qu’un être humain soit venu au monde. » (Jean 16,21) Et quelle joie ! Oui, la mort est une « pâque » et nous croyons à la pâque de nos vies. Notre âme – qui est immortelle – vit un « passage », de la terre au ciel. En ce « passage », elle est purifiée. Elle passe de la foi à la vision de Dieu, de l’espérance à la joie avec le Christ. Vous qui accompagnez les familles en deuil, et vous, les guides d’obsèques, voilà l’espérance dont vous êtes témoins !

L’espérance nous habite parce que la résurrection du Christ est à l’œuvre, parce qu’Il a ouvert la porte du ciel, parce qu’Il nous entraîne vers son Père et notre Père, nous tous qui sommes immortels. Je ne peux pas terminer sans mettre sur nos lèvres la bénédiction de l’apôtre Pierre : « Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ : dans sa grande miséricorde, il nous a fait renaître pour une vivante espérance, par la résurrection de Jésus-Christ d’entre les morts, pour un héritage qui ne se peut corrompre, ni souiller, ni flétrir ; cet héritage vous est réservé dans les cieux, à vous que la puissance de Dieu garde par la foi pour le salut prêt à se révéler au moment de la fin. » (1 Pierre 1,3-5) Voilà le premier chemin d’espérance qu’ouvre Jésus.

2 – Il est le Sauveur : le pardon est gratuit

La deuxième voie d’espérance nous est offerte par la Croix. Nous pourrions relire les quatre récits de la Passion dans les quatre Évangiles. Chaque Vendredi Saint, nous célébrons la sainte Passion de Jésus. Et nous en faisons mémoire à chaque Eucharistie.

Jésus est « le sauveur du monde » (Jean 4,42). Nous l’entendons à chaque Messe : « Voici l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jean 1,29). Non pas simplement « mes » péchés, ni seulement les péchés de l’assemblée qui est là dans l’église, mais les péchés « du monde ». Les péchés qui, aujourd’hui, se commettent autour de nous ou au loin, en Irak ou au Nigeria. Les péchés les plus violents que nous voyons à la télévision. Les péchés les plus stupides que nous lisons sur Facebook. Bref, les péchés du monde ! Oui, « le Père a envoyé son Fils comme sauveur du monde » (1 Jean 4,14).

Ainsi, nous comprenons que le mal n’aura pas le dernier mot. Le Christ sauveur nous délivre du mal qui est en nous et que nous faisons, il nous purifie, particulièrement quand nous allons recevoir le sacrement de Réconciliation. En vivant régulièrement ce sacrement, nous nous apercevons peut-être que nous tombons toujours dans le même péché. Par exemple, nous n’arrivons pas à ne pas dire du mal de l’autre, nous sommes sans cesse dans la médisance, voire dans la calomnie. Nous sommes alors tentés de nous dire : « je n’y arriverai jamais ! »

En regardant les évènements du monde, nous pouvons aussi être tentés par le désespoir. Alors, il est bon de regarder la Croix, de voir Jésus qui prend sur lui tous ces péchés pour nous sauver. Regarder la Croix, c’est regarder le plus grand Amour qui vainc tout mal. L’espérance consiste à recevoir avec confiance le Sauveur. Chacun peut se dire : « le Seigneur Jésus est vraiment mon sauveur, Il est le sauveur de mes proches, il est le sauveur du monde. » Chacun reçoit alors une grande joie en vivant le beau sacrement de Réconciliation où Jésus ressuscité nous dit par la bouche du prêtre : « je te pardonne tous tes péchés. »

Ce don du salut a fait émerger la notion de « miséricorde ». Dieu est le miséricordieux, a bien compris le peuple d’Israël. Après le récit de l’adoration du veau d’or – symbole de tous les péchés –, Dieu se révèle à Moïse de façon tout à fait nouvelle : il est Celui qui est plein de miséricorde (cf. Exode 34,6). Aussi quand Israël fera la relecture de sa vie avec Dieu, il commence par confesser : Dieu est « le miséricordieux » (Deutéronome 4,31). Mais comment la miséricorde de Dieu va-t-elle se réaliser et se manifester ? En Jésus ! C’est Lui qui prend sur lui nos péchés et tous les péchés du monde. En Lui et par Lui, nous avons le pardon. Sur la Croix, il dit : « pardonne-leur » (Luc 23,34), et il s’adresse au larron : « aujourd’hui, tu seras avec moi au paradis. » (Luc 23,43). Sur la croix, il s’est fait le « Miséricordieux ».

Saint Paul en est ébloui ! Il écrit que Dieu est « riche en miséricorde » (Éphésiens 2,4), qu’il est le « Père des miséricordes » (2 Corinthiens 1,3). Tout le mal du monde a été porté dans le cœur du Fils, Jésus, et vaincu sur la croix. Tout le mal qui est en moi, dans ma famille, chez mes voisins, le mal que je vois à la télévision, tout ce mal a été vaincu ! Oui, Jésus est le sauveur. Il manifeste que, devant le péché, l’Amour infini de Dieu se transforme en « miséricorde », c’est-à-dire en pardon gratuit et plein de tendresse, en pardon qui relève et fait confiance. Voilà une source d’espérance pour des parents ou des grands parents qui voient parfois l’un des leurs emporté par la spirale du mal !

Dire que Dieu est « riche en miséricorde », ce n’est pas banaliser le mal, mais c’est au contraire affirmer qu’Il ne tolère pas le mal, en aucune manière. C’est pourquoi, il a envoyé son Fils pour nous sauver et pour nous rendre la liberté des enfants de Dieu. Dieu est juste, non pas en condamnant, mais en nous rendant peu à peu purs de tout mal, et en nous permettant de devenir de plus en plus bons comme Lui-même est bon. Oui, notre espérance, c’est que nous sommes chacun capable de devenir meilleur, de grandir dans l’amour. Notre espérance, c’est que tout homme est capable, par la grâce de Dieu, de devenir bon, vraiment bon, selon le cœur de Dieu !

Telle est la deuxième voie pour l’espérance. Saint Jean Paul II a écrit des choses admirables sur ce sujet, lui qui a été confronté à l’horreur du mal face au camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau, qui est tout près de Cracovie. Mais je préfère vous laisser avec sainte Thérèse de Lisieux qui est toute pétrie des Évangiles ; elle achève ainsi son Manuscrit :
« Jésus est remonté au Ciel, je ne puis le suivre qu’aux traces qu’Il a laissées, mais que ces traces sont lumineuses, qu’elles sont embaumées ! Je n’ai qu’à jeter les yeux dans le Saint Évangile, aussitôt je respire les parfums de la vie de Jésus et je sais de quel côté courir… Ce n’est pas à la première place, mais à la dernière que je m’élance, au lieu de m’avancer avec le pharisien, je répète, remplie de confiance, l’humble prière du publicain, mais surtout j’imite la conduite de Madeleine, son étonnante ou plutôt son amoureuse audace qui charme le Cœur de Jésus, séduit le mien. Oui je le sens, quand même j’aurais sur la conscience tous les péchés qui se peuvent commettre, j’irais le cœur brisé de repentir me jeter dans les bras de Jésus, car je sais combien Il chérit l’enfant prodigue qui revient vers Lui. Ce n’est pas parce que Le bon Dieu, dans sa prévenante miséricorde a préservé mon âme du péché mortel que je m’élève à Lui par la confiance et l’amour. »

3 – Les paraboles du Royaume : la croissance est là

La troisième voie pour l’espérance, ce sont les paraboles du Royaume. Nous en trouvons six au chapitre 13 de l’Évangile de saint Matthieu : la parabole du « semeur », de « l’ivraie », du « grain de moutarde », du « levain », du « trésor et [de] la perle », et du « filet ». Dans l’Évangile de saint Marc, nous trouvons aussi la parabole de « la semence qui pousse d’elle-même » (Marc 4,26-29).

Dans ces paraboles, Jésus emploie des images pour nous montrer la croissance du Royaume de Dieu. Le grain de moutarde est la plus petite de toutes les graines. Or, elle devient un grand arbre, « si bien que les oiseaux du ciel viennent faire leur nid dans ses branches » (Matthieu 13,32). Regardez le levain qui, apparemment, n’est presque rien. Pourtant, c’est grâce à lui « que toute la masse lève » (Matthieu 13,33).

Enfin, le « trésor » ou la « perle » sont si précieux que l’homme qui les découvre vend tout ce qu’il possède pour acquérir ce trésor ou cette perle. Quelle valeur inestimable a le Royaume de Dieu : rien n’a un prix qui lui est comparable !

Les paraboles de « l’ivraie » et du « filet » sont là pour nous rassurer sur la valeur du Royaume de Dieu et sur sa croissance. L’ivraie qui pousse et le poisson qui « ne vaut rien » peuvent nous faire peur : ils signifient en effet le mal qui semble s’étaler, parfois en nous ou à l’extérieur. Jésus nous donne précisément ces deux paraboles pour que nous gardions le regard fixé sur le « bon grain » qui pousse et sur les « poissons » de qualité, plutôt que de garder le regard rivé sur le mal.

Les paraboles du Royaume nous invitent à le regarder en train de grandir, de croître, de germer et de pousser. Qu’est-ce que le Royaume ? C’est Jésus ressuscité lui-même. C’est l’Amour qui vient de Lui et qui est vécu ici ou là, dans les familles, dans les communautés, dans les communes, dans les associations. Cet amour a ses caractéristiques : il est patient, il est fidèle, il pardonne et il se vit dans le don désintéressé de soi. Mais aussi, il met sa joie dans la vérité, il est juste et ne supporte pas l’injustice, il est libre et non esclave de la mode ou du « qu’en dira-t-on ? ». Saint Paul décrit le Royaume quand il dépeint le visage de l’amour selon Dieu (1 Corinthiens 13,1-8).

Par ses paraboles, le Seigneur Jésus nous invite à porter notre regard sur ce qui a une vraie valeur, ce qui est d’un prix inestimable, bref les valeurs du Royaume. Ces valeurs sont en croissance ! C’est dans ce regard que nous trouvons l’espérance. Loin de nous arcbouter sur ce que nous faisions dans le passé, loin de demeurer fixés sur des valeurs périssables, nous avançons dans l’espérance en regardant les germes nouveaux qui naissent et qui ont le goût du Royaume. Cela donne une telle espérance pour les catéchistes auprès des enfants, pour les animateurs en pastorale des jeunes ! Quelle joie de servir la croissance en eux du Royaume ! C’est aussi une espérance pour les parents qui, parfois, peinent devant les expressions difficiles de leur enfant : celles-ci, extérieures, ne doivent pas masquer la vie profonde d’amour, de vérité, de foi qui, lentement, croît.

L’espérance naît en nous quand nous fixons du regard ce qui est en train de germer et croître, et qui a la saveur de l’Évangile. Il vaut la peine de nous entraider fraternellement à regarder ce qui a une valeur inestimable, une valeur d’éternité, et non pas les valeurs prisées par l’opinion superficielle du monde qui nous sont parfois montrées dans les journaux et à la télévision. Souvenons-nous de ce qu’écrit saint Paul : « Ne vous conformez pas au monde présent, mais soyez transformés par le renouvellement de votre intelligence, pour discerner quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bien, ce qui lui est agréable, ce qui est parfait. » (Romains 12,2)

Saint Paul est émerveillé sur cette croissance qui vient de Dieu. Il s’exclame : « Dieu seul compte, lui qui fait croître » (1 Corinthiens 3,7). D’ailleurs, Paul sait bien que « le corps tout entier – c’est-à-dire l’Église – tire la croissance que Dieu lui donne de sa tête – c’est-à-dire du Christ » (cf. Colossiens 2,19).

Voir cette croissance que Dieu ne cesse de faire advenir au milieu de nous, c’est vivre dans l’espérance. Ne pas la discerner, c’est se condamner au « pessimisme stérile9 ». Pourtant, la croissance du Royaume est toujours là car Dieu est fidèle. Peut-être n’est-elle pas là où nous l’aurions attendue. Ces paraboles nous invitent sûrement à la conversion, à nous entraider fraternellement à discerner ce que l’Esprit Saint fait germer et croître. Quand on voit la croissance du Royaume chez les uns ou les autres, on est heureux de s’en faire le serviteur, à cause de Jésus. Alors, nous sommes témoins de l’espérance chrétienne, de la « grande espérance ».

4 – Les rencontres : regarder avec bienveillance

La quatrième voie pour l’espérance est ouverte par toutes les rencontres que Jésus fait avec les personnes. Parcourez les Évangiles, vous y verrez les récits de ces diverses rencontres : Zachée, l’aveugle Bartimée, le lépreux, le centurion, Matthieu au bureau des taxes, le paralysé, une femme malade, le sourd-muet, la veuve de Naïm, la cananéenne, le jeune homme riche, le chef de la synagogue, Nicodème, la samaritaine, la femme adultère, Marthe et Marie.

Que voyons-nous ? Jésus appelle gratuitement ; il va demeurer chez l’un, reconnait la foi chez l’autre ; il écoute ; il regarde avec amour ; il fait du bien ; il est pris de compassion ; il dévoile le dessein de Dieu ; il dit sa soif ; il pleure ; il va jusqu’à poser cette question extraordinaire : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? »

Jésus semble avoir une confiance inouïe en chaque personne humaine. Il sait que de chaque personne peut jaillir la volonté de ce qui est bien, le choix de la vérité, l’accueil du dessein inouï de Dieu. Jésus nous invite à considérer chaque personne comme un être unique, capable du meilleur. Il semble nous rappeler que chaque personne a une conscience, que chacune est capable de réfléchir, d’aimer, de s’ouvrir à ce qui est beau, juste et vrai. Il nous montre que chaque personne peut accueillir le don de Dieu, recevoir la foi et s’en émerveiller. Toutes les rencontres de Jésus manifestent son incroyable espérance, comme une attitude de fond vis-à-vis de chaque personne.

Espérer, c’est porter un regard toujours bienveillant sur la personne rencontrée, en raison du prix infini qu’elle a et de sa « beauté », au-delà des apparences. C’est avoir confiance en raison de la capacité de la personne à avancer progressivement et librement, malgré les épreuves peut-être ou malgré sa fragilité, vers son vrai bien. C’est avoir une « immense patience10 » car l’espérance est toujours possible pour chaque personne. Pour les chrétiens engagés dans la pastorale de la santé, professionnellement ou bénévolement, quelle espérance s’ouvre en eux quand ils sont habités par ce regard !

En définitive, il semble que le regard de Jésus est habité par une vive lumière : chaque être humain est « créé à l’image et à la ressemblance de Dieu » (Genèse 1,26), et sauvé.

Ne peut-on pas penser que Jésus est rempli d’espérance car il sait, comme le souligne la constitution Gaudium et spes (n. 16) du concile Vatican II, que « c’est d’une manière admirable que se dévoile à la conscience cette loi qui s’accomplit dans l’amour de Dieu et du prochain (cf. Matthieu 22,37-40 ; Galates 5,14) ». Ne sommes-nous pas surpris de voir des gestes gratuits d’amour chez des personnes souvent fragiles qui ont besoin d’être accompagnées ? N’en soyons plus surpris et bénissons Dieu.

5 – Il vient vers nous : le cœur ouvert pour l’accueillir

Une cinquième voie de l’espérance apparait de façon plus discrète dans les Évangiles : Jésus, qui est vivant, se présente comme quelqu’un qui vient. Il vient vers Jean-Baptiste (Matthieu 3,14). Il vient vers Pierre et André, vers Jacques et Jean, vers Philippe. Mais il vient aussi vers ses disciples dans leur barque, « vers la fin de la nuit » (Marc 6,48).

Jésus nous le dit lui-même : « Je ne vous laisserai pas orphelins, car je viens. » (Jean 14,18) On connait le reproche qu’il fait à Pierre quand ce dernier l’interroge au sujet du « disciple que Jésus aimait » : « Si je veux qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne, que t’importe ? » (Jean 21,22).

Nous attendons tous la venue glorieuse de Jésus. Nous l’affirmons à chaque célébration de l’Eucharistie : « nous attendons ta venue dans la gloire. » Cette attente de la venue du Christ dans la gloire à la consommation des siècles fait partie de l’espérance chrétienne. Mais nous ne savons ni l’heure ni le jour, et nous n’avons d’ailleurs pas à le savoir (cf. Marc 13,32). Pourquoi ? Car le Seigneur Jésus vient à notre rencontre. C’est l’aujourd’hui de sa venue vers nous qui compte ! C’est pourquoi, l’espérance nous tient « éveillés » (Marc 13,33) puisqu’Il vient.

Il vient singulièrement dans le sacrement de l’Eucharistie. Quelle grandeur que l’Eucharistie ! Il vient réellement vers nous, même si nous ne communions pas. Il vient dans chaque sacrement. Nous le percevons à chaque fois que nous vivons le sacrement de Réconciliation ou l’Onction des malades. Mais cela est vrai du Baptême, de la Confirmation, du Mariage. Et il vient avec joie, j’allais dire, avec empressement, heureux de « demeurer aujourd’hui dans notre maison » (Luc 19,5).

Il vient à nous par le livre de l’Écriture Sainte, et particulièrement par les Évangiles, quand nous les méditons avec foi. Il vient à nous dans la prière, alors même que nous ne le sentons pas (cf. Jean 14,23). Il vient quand nous sommes rassemblés en son nom (cf. Matthieu 18,20). Il vient à nous dans le visage du plus fragile que nous accueillons comme un frère ou une sœur (cf. Matthieu 25,40). Il vient à nous dans le témoignage des saints et des saintes : lire leur vie ou leurs écrits fortifie l’espérance.

Oui, Jésus n’est pas celui qui nous attend de façon impassible, il n’est pas sur sa tour d’ivoire, au paradis, heureux comme tout, en nous laissant venir péniblement vers Lui, en nous laissant nous débrouiller avec les obstacles pour arriver exténués jusqu’à Lui. C’est Jésus lui-même qui franchit les obstacles et qui vient vers nous. Il est toujours en train de venir ! Les catéchumènes – adultes et jeunes – et les recommençants en sont les premiers témoins.

Avec eux, soyons attentifs à notre propre vie spirituelle, au silence propice à l’ouverture de notre cœur, à prendre du temps pour accueillir le Seigneur qui vient avec sa tendresse.

Tenir dans l’espérance, c’est savoir que le Seigneur Jésus est mystérieusement en train de venir pour nous éclairer de sa lumière, pour nous faire découvrir ce que nous n’avons jamais encore découvert, pour nous entraîner plus loin dans l’amour, pour nous émerveiller de recevoir quelque chose que nous n’aurions jamais imaginé. Il vient aujourd’hui : « Voici ce que je veux repasser en mon cœur, ce qui me donnera de l’espérance : les bontés du Seigneur ne sont pas épuisées, ses compassions ne sont pas à leur terme ; elles se renouvellent chaque matin ! Grande est sa fidélité ! » (Lamentations 3,21-24)

Cela suppose un cœur ouvert, disponible, accueillant. Un cœur qui ne se laisse pas envahir par le bruit continuel des médias, des faits divers et des bavardages inutiles. Cela suppose un certain silence, une méditation de paroles de foi, une admiration des beaux paysages, un regard bon posé sur les personnes, une relation d’amitié vraie où le partage est profond, etc.

Oui, l’espérance est l’attitude qui nous tient en éveil, le cœur ouvert, et nous ouvre chaque jour à la venue, toujours surprenante, du Christ.

6 – Il édifie son Église : ne pas s’isoler

Et s’il vient, que fait-il ? Ici, s’ouvre la sixième voie : Jésus édifie son Peuple, le Peuple saint de Dieu, dans la communion fraternelle avec Lui et entre nous. « Vous êtes tous frères et vous n’avez qu’un seul Maître. » (Matthieu 23,8) Jamais je ne me lasserai de dire cette phrase du Seigneur. Jésus construit son Église. Non pas la nôtre, mais son Église. Souvenez-vous de son affirmation à Pierre : « Je bâtirai mon Église. » (Matthieu 16,16)
Ainsi, si nous savons que Jésus vient, nous savons qu’il nous ouvre la splendide voie de l’espérance : l’Église. Nous l’affirmons dans le Credo : « Je crois en l’Église une, sainte, catholique et apostolique. » À chaque Eucharistie, nous prions pour que l’Église « grandisse dans la charité » (Prière eucharistique n.2).

L’Église, dans la diversité de ses membres et de ses fonctions, est habitée par l’Esprit Saint, qui est son « âme11 ». L’Église – notre diocèse, notre paroisse, notre aumônerie, notre mouvement, notre service – n’est donc pas confiée à nos seules forces, à nos seules intelligences, à nos capacités à nous réconcilier et à travailler ensemble, à nous aimer les uns les autres, ce qui est parfois si difficile. Non, l’Église est d’abord confiée à la Présence du Christ Seigneur qui ne cesse de l’édifier, et à l’action mystérieuse de l’Esprit Saint qui rassemble dans l’unité et qui distribue les dons infiniment variés de sa grâce pour que chaque baptisé – et chaque catéchumène – trouve sa place et sa mission dans l’Église du Christ. « Je suis au milieu de vous », dit Jésus (Luc 22,27).

Savoir cela, c’est être ferme dans l’espérance, surtout quand on a une mission au service de sa paroisse, d’une aumônerie ou du Diocèse de Rennes, Dol et Saint-Malo. Il est important que chacun de nous choisisse de vivre dans la communion et la charité fraternelles de l’Église. S’isoler, se tenir à distance de la vie de l’Église, c’est courir le risque de voir vaciller son espérance en Dieu, de la faire trébucher. Aimer l’Église concrète, telle qu’elle est, parce qu’elle est l’Église du Seigneur Jésus habitée par l’Esprit Saint, c’est garder l’espérance « qui ne trompe pas » (Romains 5,5).

7 – La charité : être orientés vers l’autre

Enfin, la dernière voie pour l’espérance que je vous propose est celle que Jésus ouvre en nous invitant à la charité. Elle est « la voie infiniment supérieure » (1 Corinthiens 12,31).
Quand Jésus vient vers nous, quand il nous rassemble dans l’Église comme des frères et sœurs, que fait-il ? Il nous fait à son image. Toute rencontre avec Jésus, le Fils de Dieu, est transformante. Regardez la belle-mère de Pierre : elle est malade, Jésus vient vers elle et elle est transformée si bien qu’elle « se met à le servir » (Matthieu 8,15). Elle devient semblable à Jésus qui est le serviteur.

Quand le Seigneur Jésus vient vers nous, il fait naître et grandir en nous la charité, et cela nous transforme. Nous sommes alors de moins en moins centrés sur nous-mêmes, et de plus en plus orientés vers l’autre, vers son bien. Et nous sommes heureux ! Une joie nouvelle naît en nos cœurs. C’est pourquoi le Seigneur nous dit : « Je vous donne un commandement nouveau : aimez-vous les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous devez vous aussi vous aimer les uns les autres. » (Jean 13,34). Il le répète (Jean 15,12.17).
Les Évangiles ne cessent pas de nous parler de cette charité. Par exemple, dans la parabole du bon samaritain. Relisez-la dans l’Évangile de saint Luc au chapitre 10,29-37. Selon la loi juive, il est normal qu’un prêtre ou un lévite passe à distance de quelqu’un qui est à demi mort, afin de ne pas se rentre impur par le contact avec la mort. Mais voilà que Jésus donne son interprétation de la loi en mettant en scène un samaritain. Nous voyons la délicatesse de sa charité dans tout ce qu’il fait pour cet homme qui est laissé à demi-mort sur le bord du chemin. Jésus conclut sa parabole en disant : « Va et, toi aussi, fais de même. »

L’Apôtre saint Paul nous parle de cette charité qui est comme le résumé de toute la loi selon Jésus Christ : « N’ayez aucune dette envers qui que ce soit, sinon celle de vous aimer les uns les autres ; car celui qui aime son prochain a pleinement accompli la loi. En effet, les commandements : Tu ne commettras pas d’adultères, tu ne tueras pas, tu ne voleras pas, tu ne convoiteras pas, ainsi que tous les autres, se résument dans cette parole : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. L’amour ne fait aucun tort au prochain ; l’amour est donc le plein accomplissement de la loi. » (Romains 13,8-10)

Quelle est la marque de fabrique de Jésus ? La charité ! Voir la charité chez les autres, la constater en nous, même si nous savons que nous manquons de charité, c’est voir l’œuvre de Jésus au milieu de nous. Tous les saints et toutes les saintes sont des témoins vivants de la charité de Dieu. Songeons seulement à saint Jeanne Jugan, au bienheureux Marcel Callo, mais aussi à Mère Teresa, à saint Vincent de Paul ou au bienheureux Frédéric Ozanam. Aujourd’hui, en ce 14 septembre, je pense à un saint de notre diocèse qu’un prêtre, le père Yves Jausions, m’a fait mieux découvrir : Jean de Saint-Samson qui fut religieux carme à Dol-de-Bretagne puis à Rennes. Aveugle dès l’âge de trois ans, il mourut le 14 septembre 1636 à l’âge de 65 ans. Il fut un grand mystique. Quand ses contemporains parlent de lui, ils font mention de sa proximité avec les malades et les mourants qu’il allait visiter, et de la délicatesse de sa charité ! Il est décédé un 14 septembre, fête de la Croix Glorieuse qui est le signe de l’Amour infini, de la charité divine pour le monde.

Oui, quand Jésus vient, il transforme celui qui est assez « éveillé » pour l’accueillir en flamme de charité. Voir la charité maintient dans l’espérance. Dieu nous la fait voir, si nous savons fixer du regard le Royaume qui grandit.

Et ainsi, dans ces sept voies que Jésus ouvre « afin que nous débordions d’espérance » (Romains 15,13), nous découvrons que l’espérance ne consiste pas à attendre que demain soit mieux, ni à penser que quelque chose de meilleur viendra demain. L’espérance ne concerne pas demain, mais aujourd’hui ! Elle est une attitude qui surgit de la foi vivante en Dieu, de la rencontre avec le Christ, de l’amitié avec Lui.

C – Conclusion : Dis-moi quel est ton espérance !

Dans notre département d’Ille-et-Vilaine, à côtés de belles réussites, beaucoup de difficultés – parfois dramatiques – sont vécues en ville ou dans le monde rural. L’indifférence religieuse apparaît dominer notre société, au moins dans les jeunes familles. Nous avons tous besoin de découvrir combien l’espérance de l’Évangile est attendue par tant et tant de personnes dans notre département. Cette « grande espérance » est capable de rejoindre chacun et chacune dans ses espérances quotidiennes, au sein de ses épreuves et de ses joies, de ses peurs ou angoisses. L’espérance que donne notre Dieu est source de paix.
Oui, Dieu a tant aimé l’Ille-et-Vilaine qu’il lui a donné son Fils. Cela signifie qu’il a donné la « vivante espérance » (1 Pierre 1,3) aux chrétiens afin qu’ils la partagent. Cela est vrai depuis le début du christianisme. L’apôtre Pierre écrit tout autant pour les chrétiens du premier siècle que pour nous : « Soyez toujours prêts à rendre compte de votre espérance devant ceux qui vous le demandent. Mais que ce soit avec douceur et respect » (1 Pierre 3,15-16).
Partager en frères le trésor de l’espérance

Cette année, partageons entre nous sur l’espérance. Je voudrais tant que tous les chrétiens et toutes les communautés chrétiennes de notre diocèse découvrent toujours plus l’espérance à laquelle Dieu nous appelle. Nous pourrions en effet courir le risque de nous arrêter aux difficultés que nous rencontrons ou aux inquiétudes pour l’avenir. Non, ne restons pas les yeux fixés sur nos difficultés et sur nos peurs, sur nos habitudes et sur nos manières de faire, sur nos pauvretés et nos faiblesses, ou peut-être sur nos querelles ou nos différences. Considérons-nous mutuellement comme des « frères » et entraidons-nous fraternellement à lever les yeux vers l’horizon de l’espérance ! Non pas pour fuir les difficultés, mais pour agir et vivre selon le dynamisme évangélique que donne l’espérance chrétienne.

Écoutons-nous les uns les autres pour partager entre nous, comme des « frères », le trésor de l’espérance. Chacun de nous sera alors amené à se poser un instant, à entrer en lui-même, à méditer pour voir quelle est en vérité son espérance. Nous pourrions nous dire fraternellement les uns aux autres : dis-moi quelle est ton espérance, et je te dirai qui tu es.
Comme vous le voyez, il ne s’agit pas de partager entre nous seulement sur ce que nous espérons. Tous, nous avons des espérances. Par exemple, des parents espèrent que leurs enfants vont réussir ; des jeunes espèrent que leur projet professionnel va se réaliser ; des entrepreneurs espèrent que leur carnet de commande va se remplir ; des agriculteurs espèrent que la récolte sera bonne ; une supérieure de congrégation religieuse espère qu’il y aura des vocations ; un chef d’établissement scolaire espère que le nombre d’élèves inscrits dans son école augmente ; etc… Toutes ces espérances sont bonnes et légitimes.
La question que nous pourrions peut-être nous poser sur nos espérances est celle-ci : espérons-nous toujours quelque chose qui soit vraiment bon, qui est vraiment le bien ? Ne nous trompons-nous pas sur ce qu’il faut espérer ? En effet, nous devinons aisément que des espérances puissent être erronées. Peut-on accepter que le voleur espère saisir un gros butin ? Peut-on accepter que le jeune espère voir ce qui lui est interdit de voir, ou espère consommer une drogue qui lui est néfaste ? Peut-on accepter que quelqu’un espère séduire une personne déjà mariée au point de détruire son couple ? etc

En réfléchissant à nos espérances, nous sommes aussi obligés de nous interroger pour savoir si nos espérances sont réalistes ou si elles ne sont pas des illusions. Est-il juste pour un malade d’espérer guérir alors que les médecins ont posé un diagnostic inverse et, peut-être, ne le lui ont pas dit ? Est-il bon pour un sportif d’espérer devenir le premier, alors qu’il est évident que d’autres sportifs sont meilleurs que lui ? Est-il pertinent d’espérer que l’entreprise ira mieux alors qu’aucune réforme structurelle n’est envisagée et que cette entreprise est en déclin régulier depuis plusieurs années ?

À la lumière de la foi au Dieu vivant, partageons ensemble pour mieux découvrir l’espérance que Jésus, le Christ, fait naître en nous. Échangeons entre nous pour nous laisser habiter par l’espérance que propose l’« Évangile de Dieu ». Et devenons des témoins, humbles et doux, ardents et généreux, de la « grande espérance » qui est source de paix et de joie.

[1] Le joie de l’Évangile, 24 novembre 2013, n. 37.
[2] La joie de l’Évangile, n. 48.
[3] Audience du 27 août 2014.
[4] La joie de l’Évangile, n. 199. Le pape François cite le n. 50 de la Lettre de Jean-Paul II pour le troisième millénaire, du 6 janvier 2001.
[5] La joie de l’Évangile, n. 86.
[6] Les Actes des Apôtres, au chapitre 11, nous expliquent comment est venu le mot «chrétien» et ce qu’il signifie. Au début de son Exhortation La joie de l’Évangile, le pape François a repris ce qu’en a dit le pape Benoît : «Je ne me lasserai jamais de répéter ces paroles de Benoît XVI qui nous conduisent au cœur de
[7] La joie de l’Évangile, n. 86.
[8] Pape François, La joie de l’Évangile, n. 278.
[9] Le pape François veut nous préserver de ce «pessimisme stérile», dans La joie de l’Évangile, n. 84-86.
[10] Le pape François nous invite à cette « immense patience », dans La joie de l’Évangile, n. 171. Dans cette Exhortation, il nous appelle dix fois à la patience, et dénonce «l’impatience des agents pastoraux» (n.82).
[11] Cf. Concile Vatican II, constitution sur l’Église, Lumen gentium, n. 8.