Homélie Messe Chrismale 2022

Le 13 avril 2022, à la Cathédrale Saint-Pierre de Rennes, à l’occasion de la messe chrismale.

Lectures : Isaïe 61, 1-9 ; Psaume 88 ; Apocalypse 1,5-8 ; Luc 4,16-21

Mes amis,

« Aujourd’hui s’accomplit à vos oreilles ce passage de l’Écriture. » Voilà la Parole du Seigneur Jésus qui a été élevé à Nazareth, comme nous l’entendons dans ce détail que nous donne saint Luc. L’évangéliste ne nous dit pas qu’il est venu à Nazareth là où il avait grandi, mais « là où il a été élevé », c’est-à-dire là où il a été éduqué, là où il a appris (Luc 4, 16). Il a appris dans les Écritures Saintes la promesse de notre Dieu, la promesse du Dieu d’Israël. Il a pénétré dans cette promesse, il s’en est nourri, et à nouveau, il entend cette promesse qui est dite par le prophète Isaïe que nous venons d’entendre.

Jésus seul

Le serviteur est « envoyé annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres ». Il est envoyé « guérir ceux qui ont le cœur brisé ». Il est envoyé « proclamer aux captifs leur délivrance, aux prisonniers leur libération ». Il est envoyé « proclamer une année de bienfaits accordée par le Seigneur ». Et en finale : « un jour de vengeance pour notre Dieu ». C’est la vengeance de la miséricorde de notre Dieu !

Voilà la promesse ! À tout mal qui est décrit dans ce passage d’Isaïe, la captivité, la prison, le cœur brisé, voilà que la « vengeance de notre Dieu » arrive. C’est celle de sa miséricorde qui console tous ceux qui sont dans « le deuil ». Et cette promesse, voilà que Jésus qui l’a apprise, la proclame lui-même dans la Synagogue de Nazareth. Il a vécu la bar mitsva, c’est-à-dire, cette étape fondamentale où il est reconnu comme capable de lire le texte sacré, l’Écriture Sainte, de proclamer les Écritures d’Israël qui ruissellent de la promesse de Dieu.

Cette promesse de Dieu est adressée à « la descendance bénie du Seigneur », comme nous l’entendons. Quelle est cette descendance bénie du Seigneur ? C’est la descendance d’Abraham. Voilà que Dieu a promis à Abraham. Dieu a fait sa promesse à Abraham. Toute la religion juive est la religion de cette promesse à laquelle Dieu est fidèle, envers et contre tout, malgré les péchés d’Israël. Cette promesse s’accomplit en Jésus-Christ.

C’est ainsi que nous pouvons répéter indéfiniment ces paroles de l’Apocalypse : « À lui qui nous aime – à ce Jésus qui nous aime –  qui nous a délivrés de nos péchés par son sang, qui a fait de nous un royaume et des prêtres pour son Dieu et Père, à lui, la gloire et la souveraineté pour les siècles des siècles. Amen. » (Apocalypse 1, 5-6) Toute la promesse faite à Abraham s’accomplit en Jésus quand il nous dit : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre. » (Luc 4, 21)

Ainsi, au cœur de notre Messe Chrismale, qui inaugure le Triduum Pascal, voici qu’au centre se trouve Jésus. Et « Jésus seul » (Luc 9, 36) ! Il est « le Sauveur du monde » (Jean 4, 42). Il accomplit la promesse. Il nous délivre de nos péchés par son sang. Il fait de nous un royaume et des prêtres pour son Dieu et Père. À lui la gloire et la souveraineté pour les siècles des siècles. Amen ! Nous le voyons en regardant cette croix placée dans le chœur de notre Cathédrale, avec ce tissu rouge : par son sang, nous a délivrés, il a réalisé la promesse faite à Abraham et il fait de nous des enfants bien-aimés de Dieu qui peuvent louer Notre Père du Ciel en toute vérité, ce que nous ferons tout à l’heure en chantant le « Notre Père ».

L’Église de la promesse

Si Jésus accomplit la promesse d’Abraham, nous savons quelle est cette promesse que Dieu a été faite à Abraham : la promesse de « porter des fruits à l’infini », comme nous le lisons dans le Livre de la Genèse (17, 6). Voilà que Jésus reprend cette promesse comme une nouveauté pour l’Église quand il dit à ses Apôtres : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, mais c’est moi qui vous ai choisis et qui vous ai établis, afin que vous alliez, et que vous portiez du fruit. » (Jean 15, 6) Voilà que la promesse nous est confiée. Voilà que nous sommes l’Église de la promesse.

Notre Église est une Église de la mission, une Église de l’évangélisation parce qu’elle est l’Église de la promesse. Nous sommes sûrs des fruits. Nous sommes certains que les fruits sont là, que nous les voyions ou que nous ne les voyions pas, que nous soyons troublés par tant de deuils, de cœurs brisés, de prisonniers, d’esclavage. Quand nous entendons le bruit de la guerre, nous pourrions peut-être douter des fruits. Mais, nous ne sommes pas là pour nous appuyer sur les fruits, mais pour nous appuyer sur la promesse de Dieu qu’Il a faite à Abraham et que le Seigneur Jésus a accomplie si bien qu’il nous transmet cette promesse. En effet, c’est bien à ses Disciples qu’il promet : « C’est moi qui vous ai choisis pour que vous alliez et que vous portiez du fruit. »

Comment douter de cette promesse que le Seigneur Jésus nous fait ? Nous l’entendons comme si le Seigneur Jésus reprenait à son compte la grande Parole de Dieu à Abraham et la donnait à ses Disciples. Ainsi, il fonde son Église. Nous sommes non seulement les « fils de la promesse » (cf. Galates 3, 1-29) parce que le Seigneur Jésus a accompli la promesse faite à Abraham et nous a sauvés, mais nous sommes aussi les « fils de la promesse » parce que nous avançons en Disciples de Jésus, appuyés sur sa promesse. Cette promesse n’est pas vaine puisqu’elle vient de Jésus lui-même qui l’a écoutée auprès de son Père.

Nous sommes l’Église de la promesse et c’est pour cela que nous allons évangéliser ensemble. Frères et sœurs réunis dans la charité fraternelle pour apporter la Bonne Nouvelle du Salut qui porte du fruit en nos cœurs, fruit d’amour, fruit de paix, de tendresse, de réconciliation, de douceur, de justice, fruit d’hospitalité, fruits des Béatitudes, fruit de foi, d’espérance, de consolation, de miséricorde.

Les prêtres hommes de la promesse

Au milieu du saint Peuple de Dieu, voici que le Seigneur Jésus nous a choisis prêtres de son Église. De façon particulière, il peut nous dire aujourd’hui : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis pour que vous alliez et que vous portiez du fruit. »

Cher frères prêtres, en cette Messe Chrismale où vous allez renouveler vos promesses sacerdotales, voici que nous découvrons à nouveau que nous sommes les hommes de la promesse du Seigneur Jésus et que nous sommes envoyés en mission parce que nous croyons à sa promesse. Nous les connaissons ces fruits.

Il s’agit d’abord du fruit qui est porté, pas par nous, mais par la Parole de Dieu dont nous sommes les serviteurs. Nous sommes les serviteurs de cette Parole pour qu’elle résonne dans les cœurs. Et cette Parole porte du fruit. Nous tenons par mission sacerdotale dans nos mains cette Parole « qui fructifie dans les cœurs », comme le dit le Rituel de l’Institution au Lectorat. C’est cette Parole qui porte du fruit. Nous ne sommes pas les maîtres des fruits, nous sommes les serviteurs de la Parole. Comme il nous est bon de nous rappeler cela pour que nous devenions de plus en plus des amoureux de cette Parole, pour que nous la scrutions indéfiniment pour pouvoir rompre l’écorce qui l’entoure afin de la donner vivante à nos frères et sœurs pour qu’elle porte des fruits dans leur cœur. Fruits que nous n’avons pas à connaitre, mais Parole que nous avons à servir.

Chers frères prêtres, nous avons aussi dans les mains cette promesse de Jésus qui est dans les Sacrements. Ces Sacrements portent des fruits, des fruits de sainteté. Nous ne sommes pas les maîtres de la sainteté, nous n’avons aucun pouvoir sur la sainteté et, à la limite, cela ne nous regarde pas. Par contre, nous sommes les serviteurs de la grâce du Christ dans la célébration des Sacrements.

Le prêtre est celui qui in persona Christi, dans la personne du Christ, célèbre le saint sacrifice de la Messe, célèbre le pardon du Seigneur Jésus dans le Sacrement de la Réconciliation, célèbre la force et le pardon qui consolent dans l’Onction des malades. Quel trésor nous portons dans les mains, ce trésor de grâce que donne le Seigneur Jésus et qui porte du fruit, des fruits de sainteté dans les cœurs !

Encore une fois, ces fruits nous échappent et tant mieux. Par contre, quelle grâce, quelle joie d’être serviteur du Christ qui sanctifie par la puissance de l’Esprit, en raison du choix gratuit qui ne cesse pas de nous étonner. Pourquoi, moi, suis-je prêtre et pas un autre ? Tout simplement pour être « serviteur » du Seigneur Jésus qui sanctifie.

Enfin, nous portons également dans nos mains cette mission du Seigneur Jésus qui est mort sur la Croix, qui a été élevé pour « rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés » (Jean 11, 45). Et voici que nous aussi nous accomplissons notre service du Christ pour qu’il rassemble dans l’unité. Voilà le beau fruit de l’unité, fruit de la communion dans la foi, l’espérance et la charité. Ce fruit, seul le Seigneur Jésus peut le faire germer, éclore, par la puissance de l’Esprit dans notre Église et dans nos communautés. Que jamais, nous mettions notre ministère sacerdotal, d’une manière ou d’une autre, non pas au service, mais comme complice, peut-être sans le vouloir et sans le savoir, d’un germe ou d’un geste de division !

Puissions-nous reconnaitre dans notre mission la Présence du Christ qui nous envoie pour que nous puissions être ses serviteurs de son action qui produit l’unité dans la communion. Il ne cesse pas de la faire grandir dans son Église car c’est un fruit qu’il a promis : « Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi. » (Jean 17, 21)

Rendons grâce pour les fruits de la promesse

Mes amis, rendons grâce tous ensemble d’être l’Église de la promesse qui s’appuie sur la promesse du Seigneur Jésus pour que notre Église porte des fruits ! Fruits d’amour et de paix, fruits de miséricorde et de tendresse, fruits d’unité et de charité. Rendons grâce au Seigneur Jésus pour son Église, aimons son Église et rendons gloire à Jésus qui nous aime et qui nous promet que nous portons des fruits par sa grâce et par la puissance de l’Esprit Saint. Amen.

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