Léontine Dolivet : la catéchèse, une affaire de cœur

Quoi de plus normal que de parler du cœur de l’enfant en ce temps de Noël ? Si nous nous mettons un peu à la place de Léontine Dolivet, que nous soyons catéchiste ou maman d’enfant catéchisé, ou bien grands-parents, nous ne pouvons que nous émerveiller devant un cœur d’enfant. Sa capacité d’aimer est si grande ! Elle ne demande qu’à être cultivée. C’est ce que s’est proposé de faire Léontine pendant toute sa vie, en prenant exemple sur Jésus.

Image du « Petit Roi d’Amour » réalisée par Mère Yvonne-Aimée de Malestroit (1940)

 

Marie-Anne Boever, Postulatrice – Fiche n°7 – Télécharger le PDF

« Il est facile d’arriver au cœur de l’enfant et d’établir entre lui et l’éducateur un échange d’affection. Je comprends les prédilections du Maître pour les enfants, je Le remercie d’avoir déposé au fond de mon cœur quelque chose de cette tendresse qu’Il avait pour eux et je Le supplie, en augmentant mon amour pour Lui, d’augmenter aussi, si toutefois il est possible, mon amour pour les chères âmes qu’Il m’a confiées, bien convaincue que, dans l’œuvre de l’éducation, rien ne se fait sans amour. » (1915)

« Pauvres petits, comme je les aime ! plus que jamais mon cœur leur est profondément attaché. Je crois que le Maître a déposé dans mon âme quelque chose de l’amour dont son Cœur débordait en faveur des enfants. Comme je voudrais leur communiquer l’amour de Jésus ! » (1916)

Aimer ceux à qui on s’adresse

Le ton est donné, rien ne peut se faire si l’on n’aime pas ceux à qui l’on s’adresse. A plus forte raison quand il s’agit des enfants. Le premier mot d’ordre de Léontine pour son œuvre de catéchisme, le voici :

Avant tout, créons dans nos catéchismes une atmosphère d’affection : faire chaud au cœur de l’enfant. (1910)

La salle de catéchisme de Betton débordait de vie et de chaleur humaine. Léontine voulait qu’elle soit différente de l’école. Elle ne concevait pas que ce soit seulement un lieu d’acquisition de connaissances. Ceux qui en ont bénéficié dans leur enfance en parlent encore avec des larmes d’émotion profonde. Pour eux, il ne s’agit pas de sentiments superficiels et passagers, de bonne ambiance, ou d’attachement à une dame zélée et attentive. Leurs cœurs d’enfants, au contact des cœurs des catéchistes, se sont ouverts au Cœur de Jésus. Léontine avait une conviction solide, qui résistera à toutes les épreuves : il faut donner Jésus aux enfants et les enfants à Jésus. Et cela passe par l’union des cœurs.

« Qui pourra dire le charme de ce contact intime avec l’âme des enfants, de ces heures délicieuses où les cœurs s’épanchent mutuellement, où la dame catéchiste s’efforce de communiquer à de jeunes intelligences quelque chose de ses connaissances religieuses, à de faibles volontés quelque chose de ses désirs les plus saints, à de jeunes cœurs quelque chose de son amour du bon Dieu. » (1910)

Apprendre à l’enfant à aimer Dieu

Pour Léontine, la priorité est d’apprendre à l’enfant à aimer Dieu, car alors il aura envie de le connaître et d’apprendre ses leçons. Et plus encore, il saura faire passer dans sa vie ce message d’amour qui façonne son cœur. Léontine enseignait toujours à mettre en pratique l’amour de Dieu. Elle avait pour méthode de faire faire des « actes d’amour » et de les noter. L’enfant les écrivait lui-même à la maison ou bien les faisait écrire par sa maman et les rapportait au catéchisme. Léontine espérait aussi faire passer le message à la maman !

Pour cela, elle comptait essentiellement sur la grâce. Elle savait que l’éducation de la foi n’est pas facile. Mais elle avait l’art de préparer l’enfant, tout simplement parce qu’elle les aimait de l’amour même du Christ et qu’elle leur donnait l’exemple. Elle formait aussi ses catéchistes, comme nous le montre sa prière.

L’apostolat de l’exemple. Je veux être un catéchisme en image, plus encore : un ostensoir. Le meilleur livre de l’enfant c’est le cœur de l’éducateur. (1910)

« Le Jésus qui frappe à la porte de vos cœurs et que sûrement vous désirez, n’attend de vous que la bonne volonté. Ne la lui refusez pas. Lui aussi et Lui surtout vous aidera… Embrasez tellement leurs cœurs [des catéchistes] du feu de votre amour qu’à leur contact les cœurs de leurs élèves s’embrasent aussi et faites qu’elles aient toujours pour mot d’ordre : Jésus et les âmes ! Jésus dans les âmes ! Les âmes pour Jésus. » (1911)

Accueillir Dieu dans son cœur

Faire de son cœur et des cœurs des enfants l’habitation de Jésus à l’image du tabernacle, pour toujours ! C’est un désir que Léontine exprime souvent dans ses carnets. Mais il faut vouloir aimer Dieu et lui préparer la demeure intérieure avec soin. Le cœur n’est jamais opposé à la volonté, il ne se forme que si l’on veut aimer.

N’avoir dans la prière que la volonté et le cœur : la volonté pour la fixer sur Dieu, le cœur pour l’aimer… (1912)

« Jésus, je vous adore au Tabernacle, prenez possession de mon cœur et préparez-le à devenir votre Tabernacle vivant. » (1912)

« Je voudrais dans tous les cœurs des enfants allumer le feu de l’amour, et si ardent qu’il ne s’éteigne jamais. » (1915)

Jésus veut changer nos cœurs de pierre en cœurs de chair

Le lieu du cœur est beaucoup plus que le lieu de l’affectivité. C’est le lieu de la conscience d’amour, où s’enracinent les vertus de foi, d’espérance et de charité.  C’est de là que jaillissent les actes d’amour. Comme Léontine a choisi Jésus comme Maître, elle sait qu’Il veut et peut changer nos cœurs de pierre en cœurs de chair, par l’action de l’Esprit Saint. Elle le lui demande sans cesse. Elle sait que l’enfant a un cœur simple, c’est pourquoi elle a pour premier objectif de former son identité la plus profonde, celle d’enfant de Dieu, relié aux trois Personnes divines. Et c’est justement par le cœur que l’on entre en relation avec Elles.

« Daigne Notre Seigneur bénir mes chères collaboratrices dont le concours m’est si précieux et faire de nous toutes des apôtres selon son Cœur. Daigne ce Cœur adorable féconder les semences jetées dans l’âme de nos chers enfants et faire à jamais la conquête de leurs cœurs. » (1923)

La joie de Léontine, c’est de voir que la parole de l’Évangile prend vie dans son propre cœur comme dans celui des enfants : « Apprenez de moi, dit Jésus, que je suis doux et humble de cœur. »

Quelle joie pour mon cœur, si je voyais leurs jeunes intelligences et leurs cœurs s’ouvrir à la connaissance et à l’amour de Dieu, leurs volontés s’orienter vers le Bien. (1931)

« Cultiver les vertus du Cœur de Jésus : la douceur et surtout l’humilité. » (1942) 

« Ce qu’Il veut ce sont des cœurs qui se prêtent à Lui, qui s’abandonnent à Lui et le laissent libre de satisfaire en eux son infinie passion d’amour divin. Être pleinement, totalement une de ces âmes, un de ces cœurs. » (1951)

Cette « affaire de cœur » est à l’image de la vie trinitaire. La vie de Dieu se répand dans l’Église, dans les enfants, à condition que l’amour soit donné et échangé, que les chrétiens aient des cœurs purs, doux et humbles. C’est l’exigence de l’Évangile, c’est le programme de tout disciple-missionnaire, de tout apôtre pour reprendre le terme cher à Léontine. Elle a écrit dans un de ses carnets que « le catéchisme est avant tout une réunion de famille ».  Alors, avec elle, dans un même esprit de famille, prions en ce temps de Noël la Sainte Famille de Bethléem et tout particulièrement l’Enfant-Jésus, roi d’amour.

Que catéchistes et catéchisés ne forment plus qu’un cœur et qu’une âme pour aimer chaque jour davantage le Dieu qui est amour. (1928)