Léontine Dolivet : Catéchistes, appelés à vivre les Béatitudes – Toussaint

Dans le troisième chapitre de son exhortation Gaudete et Exsultate, le Pape François définit la carte d’identité du chrétien à partir d’une méditation des Béatitudes : « Jésus a expliqué avec grande simplicité ce que veut dire être saint, et il l’a fait quand il nous a enseigné les Béatitudes (cf. Mt 5, 3-12 ; Lc 6, 20-23). Elles sont comme la carte d’identité du chrétien. » Nous allons voir comment cette carte d’identité peut se décliner pour les catéchistes à la lumière de ce qu’en a pensé Léontine Dolivet, quelque cent ans plus tôt.

Marie-Anne Boever, Postulatrice – Fiche n°11 – Télécharger le PDF
Lire l’exhortation apostolique Gaudete et Exsultate

« Heureux les pauvres en esprit, car le Royaume des cieux est à eux »

GE 68. Les richesses ne te garantissent rien. Qui plus est, quand le cœur se sent riche, il est tellement satisfait de lui-même qu’il n’y a plus de place pour la Parole de Dieu, pour aimer les frères ni pour jouir des choses les plus importantes de la vie.

« Que je Vous aime de tout mon cœur et qu’afin de Vous aimer davantage et de n’aimer que Vous je me sépare de tout par amour pour Vous. Ne pas être plus riche que Vous, ô mon Bien-Aimé ! Soulager toutes les misères à ma portée, faire tout le bien possible, soutenir les œuvres et ne garder pour moi que le nécessaire. » (1941)

GE 69. Cette pauvreté d’esprit est étroitement liée à la “sainte indifférence” que saint Ignace de Loyola proposait, et par laquelle nous atteignons une merveilleuse liberté intérieure. 

« Vivre dans une indifférence totale de tout ce qui n’est pas Lui. Si Jésus permet que je rencontre quelque joie spirituelle ou matérielle sur mon chemin, en profiter simplement sans m’y attacher, accepter volontiers avec joie d’en être privée, me réjouir quand dans ma vie il n’y a aucune consolation pour la nature : mon amour est plus pur. » (1940)

Heureux les doux, car ils possèderont la terre

GE 72. Si nous vivons tendus, prétentieux face aux autres, nous finissons par être fatigués et épuisés. Mais si nous regardons leurs limites et leurs défauts avec tendresse et douceur, sans nous sentir meilleurs qu’eux, nous pouvons les aider et nous évitons d’user nos énergies en lamentations inutiles.

« Peut-être, au lieu de chercher dans l’école et dans la famille, les causes des vides qui nous désolent, de la stérilité de nos efforts, vaudrait-il mieux les chercher en nous-mêmes et faire humblement l’aveu que nous ne sommes pas assez les reproductions du Modèle des apôtres et, comme premier remède au mal que nous déplorons, apporter le travail assidu de notre sanctification personnelle… Qu’il en soit ainsi et que cet essor vers la perfection soit la base d’une nouvelle année d’apostolat. » (1916)

GE 73. Il propose que, si nous sommes parfois préoccupés par les mauvaises actions du frère, nous nous approchions pour le corriger, mais « avec un esprit de douceur » (Ga 6, 1)

« Puis, mon Jésus, regardez avec une tendresse particulière, je vous en prie, ces enfants qui ne répondront pas ‘présent’ à l’appel de chaque jour, qui ne font que de rares apparitions dans les rangs de notre bataillon. Regardez avec plus d’amour encore, s’il est possible, ceux-là dont l’âme porte déjà l’empreinte du mal. » (1911)

Heureux les affligés, car ils seront consolés

GE 76. La personne qui voit les choses comme elles sont réellement, se laisse transpercer par la douleur et pleure dans son cœur, elle est capable de toucher les profondeurs de la vie et d’être authentiquement heureuse. Cette personne est consolée, mais par le réconfort de Jésus et non par celui du monde.

« Oui, Dieu soit béni !… Parce qu’Il a voulu qu’en cueillant les roses, fleurs de l’apostolat, nos mains rencontrent les épines qui font saigner, épines qui sont venues nous rappeler que les âmes ne s’achètent qu’avec du sang. Rayon de lumière nous montrant le vrai chemin que doit suivre l’apôtre : le chemin de la croix. Dieu soit béni ! Parce qu’au contact de l’épreuve, l’âme plus facilement se dégage de la terre et s’écrie avec plus de vérité : « Pour Vous seul, ô mon Dieu ! » Dieu soit béni ! La croix du labeur de l’apostolat n’est-elle pas la rosée qui féconde le sol où vient d’être jetée la semence, le soleil qui fait mûrir la moisson ? (1917)

Heureux les affamés et les assoiffés de la justice, car ils seront rassasiés

GE 79. Une telle justice commence à devenir réalité dans la vie de chacun lorsque l’on est juste dans ses propres décisions, et elle se manifeste ensuite, quand on recherche la justice pour les pauvres et les faibles.

« Le catéchiste doit manifester aux enfants son intention de ne pas les punir et leur faire comprendre les raisons de son attitude. » (1912)

« Faire remarquer que la punition infligée se propose d’empêcher la faute de demain, qu’elle est impartiale, la même pour tous, qu’elle n’est pas arbitraire. » (1912)

Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde

GE 80. La miséricorde a deux aspects : elle consiste à donner, à aider, à servir les autres, et aussi à pardonner, à comprendre.

« Affirmer que toute faute est réparable, faire appel aux sentiments généreux de l’enfant, l’assurer qu’il est bon, capable de bonté tout au moins. » (1912)

« La bonté du catéchiste doit s’étendre à chacun des enfants et devenir individuelle. Il y a mille moyens d’entrer dans la joie, les ennuis, les soucis, les douleurs des enfants. » (Carnet 8, sans date)

Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu

GE 85. Il est vrai qu’il n’y a pas d’amour sans des œuvres d’amour, mais cette béatitude nous rappelle que le Seigneur demande un don de soi au frère, qui vienne du cœur.

« Donnez aux catéchistes de Betton la science du pur amour, que cet amour déborde de leurs âmes (on ne donne que ce que l’on a en surabondance). Donnez-leur l’esprit de sacrifice, base du véritable apostolat et exaucez leur unique et ardent désir : Vous gagner à jamais les âmes des enfants, Vous donner, Jésus, aux âmes d’enfants. » (1923)

Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu

GE 89. Il n’est pas facile de bâtir cette paix évangélique qui n’exclut personne mais qui inclut également ceux qui sont un peu étranges, les personnes difficiles et compliquées, ceux qui réclament de l’attention, ceux qui sont différents, ceux qui sont malmenés par la vie, ceux qui ont d’autres intérêts. C’est dur et cela requiert une grande ouverture d’esprit et de cœur…

« La crise passée, les oublieux nous reviennent, quelquefois avec une certaine crainte, mais la joie que nous éprouvons à les revoir, rendant impossibles les reproches, ils sont bientôt rassurés… Venez donc, vous qu’une mémoire rebelle déconcerte sans doute et porte à laisser dans l’oubli votre catéchisme. Nous vous aiderons, nous travaillerons avec vous, nous nous efforcerons de vous broyer le pain de la vérité afin qu’il pénètre plus facilement dans vos intelligences. Le Jésus qui frappe à la porte de vos cœurs et que sûrement vous désirez, n’attend de vous que la bonne volonté. Ne la lui refusez pas. Lui aussi et Lui surtout vous aidera. » (1909)

GE 89. Il s’agit d’être des artisans de paix, parce que bâtir la paix est un art qui exige sérénité, créativité, sensibilité et dextérité.

« J’eus un jour l’heureuse inspiration d’inviter les enfants à parsemer leurs journées d’actes d’amour… Je désire qu’ils aient suivi mon conseil : apprendre à leurs parents à semer ainsi leurs journées d’actes d’amour… Je voudrais tant faire aimer le bon Dieu. » (1923)

Heureux les persécutés pour la justice, car le Royaume des cieux est à eux

GE 92. La croix, en particulier les peines et les souffrances que nous supportons pour suivre le commandement de l’amour et le chemin de la justice, est une source de maturation et de sanctification.

« Il m’est très nuisible d’être louée et honorée à l’extérieur tandis qu’en moi-même je suis coupable et condamnable aux yeux de la vérité… Mais quand je serai accusée, humiliée, persécutée, tandis qu’en moi-même je serai innocente, j’aurai alors mille motifs pour me réjouir patiemment, silencieusement, dans le Seigneur. » (1918)


Dans le chapitre 4 qui suit celui que nous venons d’évoquer, le Pape François donne 5 caractéristiques de la sainteté dans le monde actuel :

  • « Endurance, patience et douceur… qui nous permet de garder une assurance intérieure » ;
  • « joie et sens de l’humour… qui se partage et qui se distribue » ;
  • « audace et ferveur… qui nous rend disponibles à Dieu et aux autres » ;
  • « en communauté… qui préserve les petits détails de l’amour » ;
  • « en prière constante… qui élargit nos limites dans la contemplation du Seigneur. »

Le monde actuel n’est pas si différent du monde de Léontine Dolivet. Nous pouvons la remercier de nous éclairer et de nous encourager sur le chemin des béatitudes.

Bonne fête de la Toussaint !