La médecine, garante du seuil de l’humanité

« Car, il s’agit ici de l’essentiel, de la vie et de la mort, du tout du sens de notre existence. Il est donc vain d’imaginer que des normes subsisteront en matière juridique et politique, quand elles s’effacent là où l’être de l’homme est en cause et à l’épreuve. »

« Quand la science, par méthode nécessaire, évacue tout secret, le médecin doit savoir que subsiste, en chaque corps atteint, l’être indéchiffrable, illisible en termes scientifiques, invisible pour l’expérimentateur, inaccessible à la plus fine investigation positive. Mais certitude résolument gardée, faute de quoi tout est permis et même tout scrupule est aboli par les exigences illimitées de la technique médicale et chirurgicale. Peu importe, à ce niveau premier de la certitude, à ce seuil nécessaire d’admission, d’affirmation, le type d’explication philosophique ou religieuse. Précisément, la médecine garde le seuil. Elle ne peut rester en deçà, là où aucune norme, aucun problème éthique ne se pose, là où règne seul le droit absolu de la recherche scientifique et de son exploitation technique. Aucune autre profession, faut-il dire, ne connaît de manière si cruciale, si vive, la vérité du problème et de l’exigence morale. Que cède ici la certitude et elle s’éteindra ailleurs. Le politique, le juriste, l’avocat lui-même qui défend le droit de chaque être, n’ont quelque certitude quant à leur rôle, leurs normes éthiques, que si celui qui est près de la vie menacée sait et dit qu’il y a là autre chose que le « paquet de chair et d’os ». »

Par Claude Bruaire, philosophe.
Une éthique pour la médecine, Fayard, 1978, pp.18 et 35

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