Homélie 30 juin 2019 – 13e Semaine du Temps Ordinaire – Année C

Père Alain Ferré

Curé de la paroisse Saint-Jean XXIII de Rennes (35)

Évangile : «Jésus, le visage déterminé, prit la route de Jérusalem» «Je te suivrai partout où tu iras» (Luc 9, 51-62)

A la veille des vacances, il est agréable de nous souhaiter : bon été. Et Jésus lui a une drôle de manière de nous souhaiter d’être heureux en ce dernier dimanche de juin, et en plus en cette messe d’action de grâces pour tout ce que nous avons vécu de beau et de grand au cours de cette année pastorale qui s’achève. Dans l’évangile que nous venons de lire, nous avons entendu ces paroles de Jésus qui peuvent nous étonner :
A un homme qui voulait le suivre partout où il irait, Jésus répond : «Sache que le Fils de l’Homme n’a pas où reposer sa tête».
A un autre qui voulait aller aux funérailles de son père, Jésus demande de partir immédiatement annoncer le Royaume : «Laisse les morts enterrer les morts».
A un troisième qui veut simplement aller dire au revoir à sa famille, Jésus rappelle : «Celui qui regarde en arrière, après avoir mis la main à la charrue, n’est pas digne du Royaume de Dieu».

A ce régime-là, qui peut suivre Jésus ? Avec des phrases comme celles-là, peut-on continuer de dire que l’Évangile est Bonne Nouvelle ?
Avec de telles paroles on a parfois défiguré Dieu en en faisant un Dieu cruel, inhumain, exigeant l’impossible.
Alors comment comprendre ces paroles de Jésus dites sur un ton qui nous étonne ? Les paroles de Jésus dans l’Évangile, ni l’Église ni personne ne les a jamais interprétées au pied de la lettre. On a tous compris que Jésus ne veut pas dicter des conduites pratiques du style : il ne faut pas aller enterrer ses parents etc…

Je crois que toute la prédication de Jésus n’est que bonne nouvelle et promesse de bonheur. Mais il a rencontré un obstacle majeur chez les hommes de son temps, et il rencontre un obstacle majeur chez nous aujourd’hui encore : c’est notre dureté de cœur. Et de toutes les manières, Jésus veut entamer la croûte de nos cœurs, briser la carapace de nos cœurs, en prononçant, tantôt des paroles de douceur, tantôt des paroles sévères. La dureté n’est pas en Jésus, elle est en nous.

Oui, nous sommes parfois durs d’oreille, pas étonnant que Jésus élève le ton pour nous réveiller de notre somnolence et de notre paresse. Tenez, un exemple : Parfois, j’entends des personnes qui avouent à propos de la messe du dimanche : «on a la flemme de se lever le dimanche matin, c’est tout». Pas étonnant que Jésus a des paroles dures contre nos flemmingites aiguës !

Oui, nous sommes parfois lents à nous mettre en route, à répondre à tous ces besoins de fraternité et de solidarité autour de nous, ou tout simplement ces besoins dans notre vie paroissiale, dans les services de la paroisse. On trouve mille excuses, en reporte à plus tard. «On verra ça quand on sera en retraite !». Pas étonnant que Jésus élève le ton pour dire : «C’est maintenant, c’est tout de suite, c’est urgent, convertissez-vous, allez-y…»

Je pense à notre diocèse : pas d’ordination de prêtre cette année. Pas étonnant que Jésus nous pose la question : qu’est-ce que vous vivez dans vos familles, qu’est-ce qui est essentiel pour vous ? Vous les jeunes, dans les familles, allez-y, entendez mon appel, répondez à mon appel, pas demain, aujourd’hui…

Pas étonnant que Jésus élève le ton aussi contre les duretés de notre monde, lorsqu’il voit aujourd’hui les atrocités se multiplier, ce chacun pour soi se développer. Pas étonnant qu’il élève le ton lorsque nous nous habituons aux misères, aux marginalisés à côté de nous, que nous finissons par ne plus voir…

Oui, dureté et tendresse de Jésus dans l’évangile. Et je crois que Jésus nous dit aujourd’hui toute sa tendresse : pour Camille, qui chemine vers son baptême, accompagnée par Claire et Sœur Simone. Pour la communauté Foi et Lumière qui se retrouve aujourd’hui…
Jésus nous dit toute sa tendresse, pour tout ce qui s’est vécu de beau cette année dans nos célébrations liturgiques, dans les préparations, dans la catéchèse des enfants, dans les réunions de parents… Je pense à ces belles rencontres dans la préparation aux sacrements : baptême, mariage. Et puis toute cette compassion vécue dans l’accueil des familles pour les obsèques… Je pense aussi à toute cette qualité de présence que certains parmi vous vivez auprès des malades, des personnes âgées, dans les maisons de retraite… Je pense encore que Jésus dit sa tendresse à toutes ces petites mains qui font vivre la paroisse, dans le bénévolat : les fleurs, la comptabilité, l’entretien… et tout ce que j’oublie.

Je pense que Jésus continuera à vous manifester sa tendresse, si vous continuez à faire grandir l’unité et la communion fraternelle dans votre paroisse Saint Jean XXIII, avec un nouveau pasteur. J’en aurai surement des échos !…

Mes amis, nous avons bien compris, Jésus n’est pas violent, mais il est ferme parce qu’il ne tolère pas l’intolérable. Ce n’est pas un Jésus mièvre et doucereux, mais un homme courageux et exigeant. C’est pour cela que nous l’aimons. Et nous devons être à sa suite ces témoins courageux en actes et en paroles, ces vrais disciples de Jésus.
Alors : tenez bon… mettez-vous par amour au service les uns des autres… marchez sous la conduite de l’Esprit-Saint, comme vient de nous dire Saint Paul dans la seconde lecture.

C’est avec cette brûlure de la parole de Dieu, avec ces paroles de vie de Jésus que je vous souhaite un bon été.

Amen.