Trinité – Homélie du 27 mai 2018

Trinité 2018

Si nous étions en Orient, en entrant dans l’église nous aurions spontanément embrasser, caresser, vénérer l’icône de la Trinité de Roublev qui est au fond de l’église… Car, pour les chrétiens orientaux, l’icône n’est pas une représentation, mais une présence, qu’on honore, qu’on vénère, qu’on encense. Cette icône n’est pas là aujourd’hui pour égayer notre liturgie, mais pour nous parler, pour nous faire entrer dans la prière. Comment accueillir ce mystère de la Trinité que nous fêtons aujourd’hui, comment en vivre ?

Dans l’imagerie populaire, on a souvent représenté la Trinité par un homme un peu âgé, barbu… c’est le Père ; puis un homme plus jeune… c’est le Fils ; et enfin au-dessus d’eux, la colombe… c’est l’Esprit. L’icône de Roublev représente autrement la Trinité, et c’est là tout son génie : il l’évoque par l’intermédiaire d’une scène biblique : la rencontre d’Abraham avec les trois messagers venus lui promettre une descendance. Le vrai titre de l’icône, c’est l’hospitalité d’Abraham.

Les trois personnages sont comme une manifestation de la Trinité : ils sont trois visages tournés l’un vers l’autre, l’un pour l’autre. Ils n’ont que la coupe à partager, ils ne sont que partage et communion les uns avec les autres.  Ils sont trois, tournés l’un vers l’autre, l’un pour l’autre. La Trinité, ce n’est pas trois personnes juxtaposées, mais trois générosités qui se donnent l’une à l’autre en plénitude. Chacune des trois personnes n’est elle même qu’en étant pour les autres. Le Père n’existe comme Père qu’en donnant tout son amour au Fils. Le Fils n’existe comme Fils qu’en accueillant et qu’en étant élan d’amour pour le Père.

On peut dire : Jésus, c’est tout son Père… Et cette réciprocité parfaite de l’amour entre le Père et le Fils est une personne, c’est l’Esprit-Saint. L’Amour lui-même est une personne, le dynamisme de l’amour est une personne. L’Esprit-Saint, c’est la réciprocité de l’amour faite personne. La Trinité, c’est cela : c’est trois quelqu’un qui ne se prennent pas l’un pour l’autre, qui se respectent, qui s’aiment. Cette image dit quelque chose de la Beauté de Dieu, de sa grandeur : Ainsi est Dieu trinité. Dieu n’est pas solitaire, Dieu est solidaire. Ce Dieu-Père est de toute éternité amour, relation, communion avec le Fils et l’Esprit. La création, l’incarnation de Jésus sont comme le débordement, le déferlement jusqu’à nous de ce grand dynamisme de don de soi, de partage, de communion, qui nous touche et qui fait de nous des personnes capables d’aimer et de partager.

Car pour nous les chrétiens, la Trinité c’est un art de vivre, un art de vivre les relations humaines, la communion dans la diversité. L’amour trinitaire nous invite à ne pas craindre dans notre Eglise le pluriel, la diversité, les différences. Notre Eglise, nos communautés chrétiennes ont toujours à devenir plus conscientes de la communion trinitaire qu’elles ont mission de refléter dans le monde. La Trinité dépasse et rejoint ce qui est le plus humain en nous, dans nos expériences humaines. Très concrètement par exemple, la naissance de l’enfant, qui est le fruit de l’amour de l’homme et de la femme, est une expérience trinitaire. L’enfant est le fruit de l’amour dans la plénitude et dans la différence. C’est pourquoi d’ailleurs cet amour humain peut devenir sacrement.

La Trinité, c’est l’anti-solitude, pour Dieu comme pour l’homme. Toute personne crève à petit feu quand elle reste seule, toute personne devient quelqu’un, se remet debout, se remet à vivre, quand elle est reconnue, quand elle est aimée. La Trinité, c’est compliqué ! Non, « c’est si simple », répétait sans cesse la jeune carmélite, Elisabeth de la Trinité. Dans nos vies d’hommes, dans nos familles, dans nos milieux de travail, dans nos communautés chrétiennes, la communion pourrait être infiniment simple. Simple comme un bonjour, simple comme la rencontre chaleureuse et fraternelle, simple comme l’amour. Ces trois personnes de la Trinité, qui ne se prennent pas l’une pour l’autre, qui s’aiment totalement… nous apprennent que toute personne peut devenir quelqu’un, à condition de l’aimer.

Tout être humain, dans notre humanité et dans notre entourage le plus immédiat, du bébé à la personne âgée… tout être humain est une personne, à condition qu’il puisse aimer et être aimé. C’est ce que nous apprend le mystère de la Trinité. Frères et sœurs, en cette célébration, le Seigneur ne nous propose pas seulement de vivre l’hospitalité d’Abraham, il nous propose son hospitalité eucharistique. En quittant ses apôtres, il leur dit : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps ». Cette parole, il l’a prononcée il y a deux mille ans. Aujourd’hui, il tient sa promesse. La preuve, tout à l’heure en communiant à son corps, nous allons entrer en communion avec Dieu qui est Père, Fils et Esprit, pour que nous devenions davantage communion avec nos frères. Oui, vraiment, la trinité c’est un bel art de vivre !