De la variété des formes #5

Nous le savons : la messe est constituée d’un ensemble de rites, dont chacun possède sa signification. C’est la richesse de notre liturgie. La tâche essentielle du compositeur est d’épouser, au mieux de son savoir-faire, la particularité de chaque rite. Dans cette perspective il dispose d’outils que nous appelons simplement des formes musicales.

Lors de notre article précédent nous sommes entrés dans la Prière eucharistique et nous avons évoqué l’acclamation du Sanctus.
On pourrait reprendre mot pour mot les recommandations concernant l’acclamation de l’anamnèse : spontanéité et brièveté pour la forme musicale.
Tout d’abord il est utile de rappeler le sens de cette acclamation : elle est la réponse du peuple à la demande de Jésus que le prêtre vient de proclamer : « Vous ferez cela en mémoire de moi. »
Nous répondons au Christ en faisant mémoire du mystère de la foi, le cœur du kérygme : la mort, la résurrection et l’attente de la venue glorieuse de Jésus. Nous répondons au Christ qui s’adresse à nous.

Effectivement, dans les trois formulaires du Missel Romain nous proclamons la mort, la résurrection du Seigneur et nous attendons son retour dans la gloire. Il est également frappant que nous nous adressons au Christ directement en chantant à la 2e personne et non à la 3e personne ; si j’évoque quelqu’un à la 3e personne je ne m’adresse pas à elle.
Il est donc recommandé de supprimer de nos répertoires des acclamations d’anamnèse qui présentent ces fautes théologiques :

  • Christ est venu, C 99 ou FU 99, Geissler / Wackenheim
  • Venu en notre chair, C 72 ou EDIT 14-44, Barrois / Veysseyre

Et ne pensons pas que du fait qu’elles ont été adoptées par le peuple signifie qu’elles sont justes pour nos liturgies !

Une autre version pose également problème : Tu as connu la mort, C 89, Gaud / Wackenheim
Cette version est encore régulièrement chantée ; pourquoi pose-t-elle problème ? Voyons les paroles :
Tu as connu la mort,
Tu es ressuscité
Et tu reviens encore
Pour nous sauver.

Faire mémoire est un acte cultuel dans lequel on s’appuie sur un fait passé pour en célébrer l’actualité, tout en annonçant son avenir. C’est là la dynamique de la foi ! Saint Paul le dit parfaitement : « Chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez à cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne » (1 Corinthiens 11, 26). Il nous dit aussi : « Nous avons été sauvés, mais c’est en espérance ; voir ce qu’on espère, ce n’est plus espérer : ce que l’on voit, comment peut-on l’espérer encore ? Mais nous qui espérons ce que nous ne voyons pas, nous l’attendons avec persévérance » (Romains 8, 24).

La formulation Et tu reviens encore pour nous sauver est ambiguë : elle ne nous projette nullement dans l’avenir et laisse croire que nous ne sommes pas sauvés par la mort et la résurrection de notre Seigneur.