Léontine Dolivet : Former des « cœurs de prêtres »

Au Séminaire Saint-Yves de Rennes, qui fête le 8 mars 2020 son 350e anniversaire, quelques séminaristes ont été interpellés par la figure de Léontine Dolivet et l’ont choisie comme amie du Ciel pour les accompagner tout au long de l’année. Ce témoignage est-il le signe que Léontine a toujours autant d’amour pour les prêtres et les futurs prêtres ?

Marie-Anne Boever, Postulatrice – Fiche n°15 – Mars 2020

Certainement, car elle aimait tellement l’Eglise qu’elle demandait sans cesse au Seigneur de lui donner des « cœurs de prêtres » parmi ses garçons du catéchisme. Elle a donné toute sa vie pour eux, ceux d’hier et ceux d’aujourd’hui. Pour elle, le prêtre est à la fois le serviteur des sacrements, un guide spirituel et le pasteur des âmes.

Le sacerdoce commun des baptisés

Léontine écrit en 1910 : je suis une chrétienne, je suis une apôtre. Elle veut vivre la grâce du baptême qui nous fait « prêtre, prophète et roi ». Influencée par un modèle que nous connaissons bien, consacrant à Dieu son célibat, elle trouve sa place de laïque au sein de sa paroisse en se mettant au service de la catéchèse.

En 1917 elle écrit : Comme l’angélique Sœur Thérèse de l’Enfant Jésus, je voudrais être prêtre pour donner Jésus aux âmes, les éclairer, les instruire, les donner à Jésus. Je le serai à ma façon. Je me ferai l’auxiliaire du prêtre par ma vie d’apostolat, je prierai et me sacrifierai pour le bien spirituel de la paroisse où le bon Dieu m’a placée. Ma vocation sera l’amour.

Le prêtre ministre de l’Eucharistie, pour le salut du monde

Le dernier mot de Léontine est toujours « l’amour ». Elle communie chaque matin, éprise de « Jésus-Hostie ». Pour elle, le prêtre est le représentant de Jésus, auquel elle s’unit très activement, pourrait-on dire, pour entrer dans le grand mystère de l’Amour eucharistique. Voici quelques miettes de sa méditation sur l’Eucharistie où l’on remarque avec quelle beauté elle est consciente de vivre son sacerdoce baptismal d’une part, et d’autre part avec quelle ardeur elle vénère le prêtre à l’autel.

Je m’unirai du plus ardent de mon âme au prêtre prononçant les paroles sacrées de la consécration, les prononçant avec lui… Qu’avec le prêtre j’aie posé à cette heure du saint sacrifice un acte d’amour parfait. (1917)

Le prêtre recueille sur la patène les parcelles sacrées, les perles précieuses (dit la liturgie grecque) qui ont pu tomber sur le corporal. J’aurai grand soin de ne pas laisser perdre la plus petite des grâces que Jésus m’apporte dans ce sacrement d’amour. Je recueillerai les miettes qui tombent de la Table du Maître et les emporterai à ceux près desquels je vivrai, leur faisant respirer les parfums des vertus de Jésus : sa douceur, sa bonté, sa charité dans le désir de leur faire goûter et aimer Jésus. (1917)

Quand je réciterai, unie au prêtre la prière de l’offertoire, me pénétrer de tout leur
sens, de la grandeur de cet acte : hommage d’adoration dans la contemplation des divines perfections… Quelle joie d’avoir chaque jour une place de privilégiée dans la prière du prêtre : je suis là,
[avec] tous les fidèles vivants et morts. Aimer cette largeur d’intention qui embrasse l’Eglise tout entière : militante et souffrante. Aimer à répéter chaque jour, avec le prêtre, avec une âme entièrement dilatée, l’offrande du calice pour le salut du genre humain tout entier. (1954)

Le prêtre guide spirituel

Sur le chemin de sanctification qu’elle choisit d’emprunter, Léontine a besoin de se faire aider, conseiller, guider. Elle demande au prêtre de sa paroisse d’être son « directeur spirituel », selon son expression ; elle sait que par lui c’est l’Esprit Saint qui lui parle. Dès 1913, elle écrit :

Avoir confiance, pleine confiance en la bonté de Dieu, dans l’Ange qui veille sur mon âme, dans le prêtre qui en a la charge et qui la dirige… Il faut compter avec mon âge, mon tempérament et me reposer sur mon Directeur pour ne me tracasser aucunement.

Le prêtre pasteur du troupeau

Il semble que c’est tout naturellement qu’elle trouve sa place dans la paroisse à côté des religieuses et des prêtres, pour la formation chrétienne des enfants. C’est nouveau dans l’Eglise de l’époque, et Léontine le fera de façon très humble.

En 1923, avec beaucoup d’amour, elle fait participer les enfants à un événement paroissial : Il y eut pour notre petite œuvre, au mois de mars, une heure de tristesse : ce fut celle du départ de notre vénéré Pasteur qui pendant 5 ans lui avait prodigué son dévouement le plus entier. N’oubliez pas dans vos prières, chers enfants, celui qui fut parmi vous l’inspirateur de la communion du 1er vendredi du mois et qui eût été si heureux de voir parmi vous des « appelés au sacerdoce ».

En 1926, elle invite encore les enfants à manifester un respect affectueux au prêtre : Le 1er juin, nos élèves causèrent à notre bon Pasteur une agréable surprise en assistant en très grand nombre à la messe pour fêter le 25ème anniversaire de son élévation au sacerdoce. Le midi, ils se réunirent à leur salle de catéchisme pour lui exprimer leurs sentiments à cette occasion.

Demander des prêtres pour demain

Léontine ne forme que des petits garçons. Il est donc tout naturel qu’elle prie surtout pour les vocations sacerdotales. Elle le fera presque toujours en s’associant à la Vierge Marie.

En 1922 : Que la salle de catéchisme devienne une pépinière de vocations. Daignez, ô Mère, dans les cœurs de mes enfants, former des cœurs de prêtres. Ô bonne et tendre Mère, achevez ce que vous avez commencé, que ces espoirs se réalisent, cultivez vous-même ces germes de vocation. Dans d’autres âmes de ces chers petits auxquels j’ai donné tout mon cœur, faites éclore de nouvelles aspirations vers le sacerdoce.

Soutenir les vocations qui s’éveillent

Comme sa prière est exaucée, Léontine prend soin des enfants dès les premiers signes d’appel de Dieu. Pleine de respect pour le secret de leur cœur, elle s’applique à protéger et à faire grandir le désir de répondre à cet appel, elle y met tout son amour maternel et même une certaine complicité lumineuse.

Par exemple, en juillet 1923 : Plusieurs gardent au fond de leur jeune cœur le secret désir de monter un jour au saint autel. Une flamme ardente brille dans leurs yeux quand je leur montre la beauté du sacerdoce et si, devant leurs petits camarades ils ne veulent pas exprimer les sentiments qui font vibrer leur âme, ils le font passer dans leur regard qui se tourne alors vers moi. Nous nous comprenons… En demandant à Notre Seigneur de les former à la piété, je Lui demande aussi d’éclairer leur intelligence. Ô Jésus, donnez-moi parmi mes chers enfants des cœurs de prêtres.

En 1931 : Mes espoirs de vocation sacerdotale s’affermissent, rayon de soleil qui fait oublier les heures sombres. L’aîné du groupe, un enfant prédestiné, nous quitte pour entrer chez les Salésiens. « Cher petit : mes prières et mes vœux t’accompagneront, et toi, tu continueras de prier pour tes petits camarades, moins gâtés que toi de la part du Maître, qui ne comprennent pas, comme Jésus t’a donné de le comprendre, l’amour infini de son Cœur, les joies de la piété. Puisse Notre Seigneur à ta jeune âme, mûrie par la souffrance, révéler de plus en plus les secrets de son amour et t’attacher pour jamais à son service et au service des âmes. »

Attentive aux prêtres jusqu’au bout, dans sa prière et par sa charité

Léontine a ainsi enfanté des vocations sacerdotales. Elle a prié pour tous les prêtres. Elle a offert sa vie pour le salut de toutes les âmes, mais particulièrement celles des consacrés. Elle écrit dans ses retraites de 1969 et 1971, qu’elle veut : réparer mes fautes passées et les fautes qui se commettent dans le monde et surtout celles des âmes consacrées. (1969 et 1971)

Sa foi, son espérance et sa charité la portent à une prière les yeux fixés sur Jésus. Elle s’exprime ainsi en 1954, à 66 ans, après tant d’années de fidélité : A l’exemple du Père de Foucauld partir pour une nouvelle vie d’amour, de perfection, de don total, l’âme tranquille, sans aucune appréhension de l’avenir, totalement abandonnée et confiante en la Providence. Après la parole de Notre Seigneur « Viens », Pierre ne devait plus rien craindre et marcher avec confiance sur les eaux. Ainsi, quand Jésus nous a certainement appelés à un état, donné une vocation, nous ne devons rien craindre, mais aborder sans hésiter les plus insurmontables obstacles. Jésus a dit « Viens », nous avons grâce pour marcher sur les flots. Cela nous paraît impossible, mais Jésus est le Maître de l’impossible. Après avoir entendu distinctement le « Viens », se jeter à l’eau sans hésiter, certain que si nous marchons avec foi et fidélité tout nous sera facile dans la voie où Jésus nous appelle.

Sa charité envers les prêtres se traduira aussi concrètement. En 1969, elle héberge un prêtre qui a besoin de se refaire une santé. Et dans ses dernières années, elle quitte plusieurs fois sa solitude pour aller rendre visite à l’un de ses cousins malade, prêtre rédemptoriste à Étrelles, avec qui elle correspond avec beaucoup de délicatesse et de compassion.

Léontine Dolivet comptait effectivement plusieurs prêtres dans sa famille, dans sa lignée maternelle comme dans sa lignée paternelle, parmi lesquels le plus illustre et lointain s’appelle saint Louis-Marie Grignion de Montfort.

Confions-lui nos prêtres et nos séminaristes.