Le cierge pascal

A l’époque où il n’y avait pas d’éclairage électrique, l’allumage de la lampe à la tombée de la nuit constituait chaque jour un véritable rite familial. Cela était particulièrement sensible pour les juifs, le vendredi soir, au début du repas qui ouvrait le sabbat. Les chrétiens ne manqueraient pas de voir dans cette lumière l’image du Christ, lumière du monde (cf. Jn 8,12). Ainsi, dès le IVe siècle, l’allumage de la lampe pour le repas de la communauté était-il accompagné d’une hymne au Christ, « joyeuse lumière de la gloire éternelle du Père. »

La nuit la plus sainte de l’année où l’on célébrait la Pâque du Christ se devait elle aussi de s’ouvrir sur une solennelle fête de la lumière, autour du feu nouveau et du cierge pascal [1]. Au début du Vè siècle, il en allait ainsi en Afrique, en Italie du Nord, et sans doute aussi en Espagne et en Gaule. L’offrande à Dieu de la lumière qui éclairait la veillée nocturne s’accompagnait de l’annonce de la joie pascale dans une ample action de grâce. Ainsi naquit l’Exsultet, récapitulant l’ensemble du contenu de veillée sainte : souvenir de l’exode, de la mort et de la résurrection du Seigneur, présence du Christ ressuscité à son peuple et attente de son retour :

« (…) Voici la fête de la Pâque dans laquelle est mis à mort l’Agneau véritable dont le sang consacre les portes des croyants. Voici la nuit où tu as tiré l’Egypte les enfants d’Israël, nos pères, et leur as fait passer la mer Rouge à pied sec. C’est la nuit où le feu d’une colonne lumineuse repoussait les ténèbres du péché. C’est maintenant la nuit qui arrache au monde corrompu, aveuglé par le mal, ceux qui, aujourd’hui et dans tout l’univers, ont mis leur foi dans le Christ : nuit qui les rend à la grâce et leur ouvre la communion des saints. Voici la nuit où le Christ brisant les liens de la mort, s’est relevé, victorieux, des enfers. (…) »

En cette nuit de Pâques, nous nous sommes donc rassemblés hors de l’église autour du feu nouveau. Après que le célébrant ait demandé à Dieu de « bénir cette flamme qui brille dans la nuit » à laquelle le cierge pascal a été allumé, nous sommes entrés dans l’église derrière le cierge que nous avons acclamé : « lumière du Christ. » Désormais, il trône dans le chœur pendant tout le temps pascal, et durant les baptêmes et les enterrements, nous invitant tous à laisser le Christ, A et Ω, commencement et fin de toute chose, illuminer nos cœurs, afin que sa lumière rayonne dans notre nuit et que nous soyons avec lui la lumière du monde pour tous ceux qui le cherchent.

[1] À l’origine, le cierge pascal était nu et placé près de l’ambon, pour les lectures de la veillée. Au Moyen Âge, on s’est mis à orner ce cierge et on instaura l’usage d’y incruster cinq grains d’encens, rappelant les cinq plaies du Christ, en forme de croix.