2024 année de la prière : Lettre pour le 3e millénaire de saint Jean-Paul II

À l’occasion de l’année de la prière en 2024, redécouvrons l’enseignement de l’Église sur ce thème en préparation du Jubilé 2025. Dans NOVO MILLENNIO INEUNTE (6 janvier 2001) saint Jean-Paul II éclaire les catholiques sur la nécessité « d’apprendre à prier ».

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Extraits (n. 31-34) de la Lettre apostolique NOVO MILLENNIO INEUNTE du pape Jean-Paul II à l’épiscopat, au clergé et aux fidèle au terme du grand jubilé de l’an 2000.

31. Peut-on « programmer » la sainteté? Que peut signifier ce mot dans la logique d’un plan pastoral?

En réalité, placer la programmation pastorale sous le signe de la sainteté est un choix lourd de conséquences. Cela signifie exprimer la conviction que, si le Baptême fait vraiment entrer dans la sainteté de Dieu au moyen de l’insertion dans le Christ et de l’inhabitation de son Esprit, ce serait un contresens que de se contenter d’une vie médiocre, vécue sous le signe d’une éthique minimaliste et d’une religiosité superficielle. Demander à un catéchumène: « Veux-tu recevoir le Baptême? » signifie lui demander en même temps: « Veux-tu devenir saint? » Cela veut dire mettre sur sa route le caractère radical du discours sur la Montagne: « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5,48).

Comme le Concile lui-même l’a expliqué, il ne faut pas se méprendre sur cet idéal de perfection comme s’il supposait une sorte de vie extraordinaire que seuls quelques « génies » de la sainteté pourraient pratiquer. Les voies de la sainteté sont multiples et adaptées à la vocation de chacun. Je remercie le Seigneur, qui m’a permis de béatifier et de canoniser ces dernières années de nombreux chrétiens, et parmi eux beaucoup de laïcs qui se sont sanctifiés dans les conditions les plus ordinaires de la vie. Il est temps de proposer de nouveau à tous, avec conviction, ce « haut degré » de la vie chrétienne ordinaire: toute la vie de la communauté ecclésiale et des familles chrétiennes doit mener dans cette direction. Il est toutefois évident que les parcours de la sainteté sont personnels, et qu’ils exigent une vraie pédagogie de la sainteté qui soit capable de s’adapter aux rythmes des personnes. Cette pédagogie devra intégrer aux richesses de la proposition adressée à tous les formes traditionnelles d’aide personnelle et de groupe, et les formes plus récentes apportées par les associations et par les mouvements reconnus par l’Église.

La prière

32. Pour cette pédagogie de la sainteté, il faut un christianisme qui se distingue avant tout dans l’art de la prière. L’Année jubilaire a été une année de prière personnelle et communautaire plus intense. Mais nous savons bien aussi que la prière ne doit pas être considérée comme évidente. Il est nécessaire d’apprendre à prier, recevant pour ainsi dire toujours de nouveau cet art des lèvres mêmes du divin Maître, comme les premiers disciples: « Seigneur, apprends-nous à prier! » (Lc 11,1). Dans la prière se développe ce dialogue avec le Christ qui fait de nous ses intimes: « Demeurez en moi, comme moi en vous » (Jn 15,4). Cette réciprocité est la substance même, l’âme, de la vie chrétienne et elle est la condition de toute vie pastorale authentique. Réalisée en nous par l’Esprit Saint, elle nous ouvre, par le Christ et dans le Christ, à la contemplation du visage du Père. Apprendre cette logique trinitaire de la prière chrétienne, en la vivant pleinement avant tout dans la liturgie, sommet et source de la vie ecclésiale, mais aussi dans l’expérience personnelle, tel est le secret d’un christianisme vraiment vital, qui n’a pas de motif de craindre l’avenir, parce qu’il revient continuellement aux sources et qu’il s’y régénère.

33. Le fait que l’on enregistre aujourd’hui, dans le monde, malgré les vastes processus de sécularisation, une exigence diffuse de spiritualité, qui s’exprime justement en grande partie dans un besoin renouvelé de prière, n’est-il pas un « signe des temps »? Les autres religions, désormais amplement présentes dans les territoires d’ancienne chrétienté, proposent aussi leurs réponses à ce besoin, et elles le font parfois avec des modalités attrayantes. Nous qui avons la grâce de croire au Christ, révélateur du Père et Sauveur du monde, nous avons le devoir de montrer à quelles profondeurs peut porter la relation avec lui.
La grande tradition mystique de l’Église, en Orient comme en Occident, peut exprimer beaucoup à ce sujet. Elle montre comment la prière peut progresser, comme un véritable dialogue d’amour, au point de rendre la personne humaine totalement possédée par le Bien-Aimé divin, vibrant au contact de l’Esprit, filialement abandonnée dans le cœur du Père. On fait alors l’expérience vivante de la promesse du Christ: « Celui qui m’aime sera aimé de mon Père; moi aussi je l’aimerai, et je me manifesterai à lui » (Jn 14,21). Il s’agit d’un chemin totalement soutenu par la grâce, qui requiert toutefois un fort engagement spirituel et qui connaît aussi de douloureuses purifications (la « nuit obscure »), mais qui conduit, sous diverses formes possibles, à la joie indicible vécue par les mystiques comme « union sponsale ». Comment oublier ici, parmi tant de témoignages lumineux, la doctrine de saint Jean de la Croix et de sainte Thérèse d’Avila?
Oui, chers Frères et Sœurs, nos communautés chrétiennes doivent devenir d’authentiques « écoles » de prière, où la rencontre avec le Christ ne s’exprime pas seulement en demande d’aide, mais aussi en action de grâce, louange, adoration, contemplation, écoute, affection ardente, jusqu’à une vraie « folie » du cœur. Il s’agit donc d’une prière intense, qui toutefois ne détourne pas de l’engagement dans l’histoire: en ouvrant le cœur à l’amour de Dieu, elle l’ouvre aussi à l’amour des frères et rend capable de construire l’histoire selon le dessein de Dieu.

34. Certes, les fidèles qui ont reçu le don de la vocation à une vie de consécration spéciale sont appelés à la prière de façon particulière: par nature, cette vocation les rend plus disponibles à l’expérience contemplative, et il importe qu’ils s’y adonnent avec une généreuse assiduité. Mais on se tromperait si l’on pensait que les simples chrétiens peuvent se contenter d’une prière superficielle, qui serait incapable de remplir leur vie. Face notamment aux nombreuses épreuves que le monde d’aujourd’hui impose à la foi, ils seraient non seulement des chrétiens médiocres, mais des « chrétiens en danger ». Ils courraient en effet le risque insidieux de voir leur foi progressivement affaiblie, et ils finiraient même par céder à la fascination de « succédanés », accueillant des propositions religieuses de suppléance et se prêtant même aux formes extravagantes de la superstition.

Il faut alors que l’éducation à la prière devienne en quelque sorte un point déterminant de tout programme pastoral. Moi-même, j’envisage d’aborder au cours des prochaines catéchèses du mercredi une réflexion sur les psaumes, en commençant par ceux des Laudes, par lesquelles la prière publique de l’Église nous invite à consacrer et à orienter nos journées. Combien il serait utile que, non seulement dans les communautés religieuses mais aussi dans les communautés paroissiales, on s’emploie davantage à ce que tout le climat soit imprégné de prière! Il faudrait redonner de la valeur, avec le discernement voulu, aux formes populaires et surtout éduquer à la prière liturgique. Une journée de la communauté chrétienne, où l’on harmoniserait les multiples occupations de la pastorale et du témoignage dans le monde avec la célébration eucharistique et éventuellement la récitation des Laudes et des Vêpres, est peut-être plus « envisageable » qu’on ne le croit habituellement. L’expérience de nombreux groupes chrétiennement engagés, même composés majoritairement de laïcs, le démontre.

Texte intégral sur le site du Vatican.

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