Messe chrismale 2024 : homélie de Mgr Pierre d’Ornellas

Homélie de Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes, pour la Messe chrismale le Mercredi Saint, 27 mars 2024 à la Cathédrale Saint-Pierre de Rennes.

Isaïe 61,1-9 ; Psaume 88 ; Apocalypse 1,5-8 ; Luc 4, 16-21 

Messe chrismale homélie Mgr Pierre d'Ornellas

Mes amis,

Au cours de cette Messe Chrismale, comme chaque année, l’Huile des malades, l’Huile des catéchumènes seront bénies et le Chrême, consacré. Nous avons entendu parler de l’Huile de joie (cf. Isaïe 61, 3) et de l’Huile sainte (cf. Psaume 88, 21).

Les saintes Huiles pour l’humanité

Ces trois Huiles rassemblent toute l’humanité. La maladie, la faiblesse, l’épreuve de santé n’est pas simplement l’épreuve de ceux et celles qui sont malades. C’est l’épreuve aussi de tout être humain dans son itinéraire sur terre. À un moment ou un autre, nous connaîtrons l’épreuve de santé.

De même, l’Huile des catéchumènes, faite pour les catéchumènes, signifie beaucoup plus profondément que tous, qui que nous soyons, nous sommes en chemin pour rencontrer le Christ. Et plus nous rencontrons le Christ, plus nous avons soif d’être en chemin pour le rencontrer à nouveau. L’Huile des catéchumènes signifie cette part de l’humanité qui est sans cesse présente et qui est toujours en train d’avancer pour rencontrer le Christ de plus en plus profondément. L’Église est catéchuménale !

Enfin, le Chrême, qui devient le Saint-Chrême après sa consécration, est l’Huile parfumée qui est déposée sur la tête de l’évêque après son Ordination de telle sorte qu’il soit consacré. Cette Huile parfumée consacre les mains de celui qui vient d’être ordonné prêtre. Enfin, c’est l’onction que reçoivent les baptisés au moment du Sacrement de confirmation. La consécration du Saint-Chrême signifie cette phrase toute simple de Jésus : « Vous serez mes témoins. » (Actes 1, 8) Elle concerne cette part de l’humanité qui, sans cesse présente, est missionnaire. L’Église, si elle est catéchuménale, est aussi missionnaire.

Ainsi, la bénédiction de ces deux Huiles des malades et des catéchumènes, et la consécration du Chrême qui deviendra le Saint-Chrême, nous rappellent que toute l’humanité est présente à notre prière parce que le Christ Jésus, qui est le Sauveur de l’humanité, veut rencontrer chaque membre de l’humanité.

L’aujourd’hui du Christ

Nous le percevons dans l’Évangile que nous avons entendu avec cette affirmation de Jésus : « Aujourd’hui, s’accomplit pour vous cette parole de l’Écriture. » (Luc 4, 21) « Aujourd’hui !» Saint Luc insiste sur cet « aujourd’hui ». Non, pas hier, mais aujourd’hui ! « Aujourd’hui, tu seras avec moi au paradis », dit Jésus sur la croix au bon larron (Luc 23, 43). Ou encore, sur sa route, Jésus rencontrant Zachée lui dit : « Aujourd’hui, je veux demeurer chez toi. » (Luc 19, 5). Puis : « Aujourd’hui, le Salut est arrivé dans cette maison » (Luc 19, 9).

Saint Luc nous invite à méditer sur notre « aujourd’hui », cet aujourd’hui où le Christ vient, cet aujourd’hui où il s’approche des malades, cet aujourd’hui où il s’approche de celles et ceux à qui il donne la foi et qui deviennent catéchumènes. Le Christ s’approche aussi aujourd’hui de celles et ceux qui reçoivent son Appel à être des « témoins », des « disciples missionnaires ». Le Christ ressuscité ne cesse pas d’envoyer en mission, comme nous l’entendons à la fin de l’évangile de saint Matthieu.

Juste avant, il nous est dit : « Jésus vint à leur rencontre. » (Matthieu 28, 18) Voilà ce que fait Jésus ! Voilà ce qu’il ne cesse pas de faire ! Il vient à la rencontre des hommes et des femmes, des enfants et des vieillards, des personnes âgées. Il vient à la rencontre de celui-ci ou de celle-là qui ne l’avait jamais imaginé et qui a une vie qui est ce qu’elle est. Le Christ ne juge pas. Le Christ bâtit son Église en venant à notre rencontre.

Le sacerdoce ministériel

Pour venir à notre rencontre, le Christ a choisi un moyen parmi d’autres qui est le « moyen » du sacerdoce ministériel. Dans la Lettre aux Hébreux, quand l’auteur nous parle des « articles fondamentaux » qu’il veut enseigner, il y a bien sûr le « Baptême », mais il y a aussi « l’imposition des mains » (Hébreux 6, 2).

Chers frères Prêtre, nous avons reçu l’imposition des mains en vue du sacerdoce. Cette imposition des mains, en vue du sacerdoce, fait de nous un être nouveau. Pourquoi ? Parce que le Christ, qui est l’Unique Grand Prêtre, le Grand Prêtre « saint, innocent, immaculé » (Hébreux 7, 26), accomplit « une fois pour toutes » le sacrifice parfait, « unique » sur la croix. Ce sacrifice nous sanctifie (cf. Hébreux 10, 14). Ce Christ qui est « le seul vrai prêtre », agit par le sacerdoce ministériel de façon très particulière.

Nous l’entendrons tout à l’heure à l’Eucharistie. Quand le prêtre prononce : « Ceci est mon corps livré pour vous », c’est bien la parole de Jésus, et c’est bien l’unique sacrifice de Jésus. Quand le prêtre dit dans l’admirable Sacrement de réconciliation : « Je vous pardonne tous vos péchés », c’est le Christ qui pardonne les péchés. Oui, le Sacrement de l’Ordre donne un « pouvoir sacré » qui n’est autre que le pouvoir du Christ . Ce n’est donc pas le pouvoir du prêtre en lui-même. À propos du sacerdoce ministériel, le curé d’Ars, saint Jean-Marie Vianney, nous dit que si nous comprenions la profondeur du sacerdoce, on en mourrait et il précise « non pas de crainte, mais d’amour ».

Quel amour du Seigneur Jésus ! Pour se rendre proche de chacun de nous, de toute l’humanité, il a inventé, si je puis dire, ce « moyen » du sacerdoce ministériel ! Ce sacerdoce ministériel, nous invite à méditer sur cette présence inouïe du Christ. Quelle émotion théologale nous saisit en sachant que le Christ se fait proche de moi, se fait proche de mes frères et sœurs, se fait proche des malades, se fait proche des catéchumènes, se fait proche des témoins ! Il ne cesse pas de se faire proche avec une délicatesse inouïe, selon l’art divin qui est le sien. C’est ainsi qu’il réalise ce qu’il a dit à Pierre : « Je bâtirai mon Église. »

Appelés à la conversion : humilité et amour

Ainsi, en méditant sur cette proximité et sur cette présence du Christ, nous pouvons davantage entrer dans la profondeur et la grandeur du sacerdoce ministériel, en comprenant que les hommes qui sont choisis pour recevoir cette Ordination par l’imposition des mains sont de pauvres hommes. Oui, cette Ordination sacerdotale, ce sacerdoce ministériel, ce ministère presbytéral ne sont pas une garantie « contre toutes les faiblesses humaines, l’esprit de domination, les erreurs, voire le péché ». Le Catéchisme de l’Église Catholique note ceci qui est tout à fait remarquable : dans les actes du ministère sacerdotal, épiscopal, il y a « l’empreinte humaine du ministre qui laisse des traces qui ne sont pas toujours le signe de la fidélité à l’Évangile et qui peuvent nuire à la fécondité apostolique de l’Église ».

C’est ainsi que nous entendons sans arrêt le pape François demander de prier pour lui. Comme si le successeur de Pierre nous faisait comprendre quelque chose. Oui, comme nous le ferons tout à l’heure, il vous est bon de prier pour les prêtres et pour les évêques, pour votre évêque.

Mais, les actes du ministère sacerdotal, quand ils sont accomplis avec la vive conscience de la présence du Christ ressuscité, qui se rend proche, alors le prêtre, l’évêque qui accomplit ces actes du ministère, ressent un appel particulier du Christ à la sainteté, un appel à la conversion, un appel à imiter le Christ.

Pour cette imitation du Christ, il suffit de le regarder, de le contempler, de le prier, de méditer les Évangiles. Comme le remarque l’évêque saint Augustin qui en est étonné : Comment se fait-il que le Christ, quand il se présente pour la première fois dans les Évangiles, dise : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur. » Voilà l’attitude qui irrigue toute la vie du prêtre et de l’évêque : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur. » (Matthieu 11, 29)

Mais bien sûr, le Christ a agi par amour, il vient à notre rencontre par amour. Sur la croix, c’est le plus grand amour. Il n’y a pas d’amour plus grand que celui qui a été vécu sur la croix. Voilà que le prêtre accomplissant les gestes du Christ, en contemplant le Christ, en se laissant saisir par le Christ, découvre à quel point il est invité à grandir dans la charité, à grandir dans l’amour, à aimer plus que tout. « Pierre, m’aimes-tu plus que tout ceci ? Oui, Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t’aime. » (Jean 20, 15.17) Ainsi, la grandeur du sacerdoce ministériel est une joie qui appelle à l’humilité et à l’amour, à l’imitation de celui de Jésus.

Au moment où les prêtres vont prononcer le renouvellement de leur promesse sacerdotale, nous comprenons que le sacerdoce ministériel est tout entier habité par l’amour, par la charité du Christ. Cette charité immense du Christ, instruit, captive, éduque le prêtre pour qu’à son image, il puisse vivre son sacerdoce ministériel en ayant reçu la grâce qu’on n’a jamais fini de recevoir, la grâce de la charité.

Un véritable service

Enfin, ce sacerdoce ministériel, c’est un « véritable service » au nom duquel on renonce à tout autre chose pour accomplir ce service. Cette année, en ce 60ᵉ anniversaire de la restauration du Diaconat de façon permanente dans l’Église, en France, je suis heureux de saluer les frères diacres parmi nous qui nous rappellent que l’Église est tout entière servante.

Voilà l’Église ! Servante du Christ qui accomplit son Salut. Servante du Christ qui se fait proche. Servante du Christ qui fait entendre sa Parole dans les cœurs. Servante du Christ qui sauve et pardonne tous les péchés. Servante du Christ qui console. Servante du Christ qui donne la paix. Servante du Christ qui réconcilie. Servante du Christ, notre Libérateur, notre Seigneur et notre Dieu. Servante du Christ qui est notre maître, notre frère et notre ami. Servante du Christ qui est notre Grand et unique Prêtre à qui soit rendu ce soir, en cette Messe Chrismale, tout honneur et toute gloire, toute notre action de grâce pour son immense charité pour nous et pour son Église.

Amen.