Paroles de soignants

Soins intensifs - © Godong

Applaudis tous les soirs à 20h, dessins ou mots de soutient, entraides diverses, tous ces gestes de solidarité témoignent de la reconnaissance du pays envers les personnels soignants. Ils sont en première ligne pour combattre les ravages liés au coronavirus. Comment vivent-ils cette situation de crise ?

Article paru dans Eglise en Ille-et-Vilaine avril 2020, n°318

« Je choisis l'Espérance et la Confiance »

Aide médico-psychologique, Ma Maison, Rennes

Catherine Lourdais, Aide médico-psychologique, Ma Maison, Rennes

Voilà déjà plus de 15 jours que les résidents n’ont plus de visite et 10 jours qu’ils sont confinés dans leur chambre. Ils ont pour unique contact des soignants portant des masques et comme ouverture sur le monde la radio ou la télévision avec les informations en continu!

Comme beaucoup je crois, je me suis trouvée face à un choix : soit succomber à l’inquiétude et la peur qui sont fortement montées en moi, soit faire un acte de foi. Oui la situation est extrêmement grave, mais tout en restant réaliste au quotidien, je choisis l’Espérance et la Confiance.

Depuis, chaque jour, je m’appuie sur Dieu pour qu’au quotidien il me donne la grâce d’apporter de la joie aux résidents et la force de lutter contre mes impatiences !

Que mon regard soit un sourire, que mes gestes restent doux, que ma parole soit apaisante, que mon attitude soit joyeuse, que ma rigueur face aux mesures barrière soit maximale.

C’est cela mon combat de chaque instant : apporter chaque jour un peu plus de Vie et de Joie !

« Un formidable esprit d’unité »

Dr Renaud Bouvet, 
Chef du service de médecine légale et médecine pénitentiaire au CHU de Rennes

Renaud Bouvet, Chef du service de médecine légale et médecine pénitentiaire au CHU de Rennes

Alors que le 26 février dernier nous étions appelés à nous entraîner au combat spirituel à l’entrée dans la quarantaine du Carême, c’est un autre combat et une autre quarantaine que nous avons dû affronter dans le même temps !

La pandémie liée au coronavirus a en effet bouleversé nos vies personnelles, familiales et professionnelles à un point que nous ne pouvions envisager. En dépit des inquiétudes, des difficultés et des peines, mon exercice de médecin hospitalier me permet de témoigner des grandes et belles choses qui en sont nées. Auprès des malades et de manière générale auprès des plus vulnérables (personnes âgées, détenues, handicapées, marginalisées), mais également entre soignants.

Les qualités de dévouement et de solidarité sont inhérentes à l’exercice du soin, les voir à l’œuvre aujourd’hui ne devrait donc pas nous étonner. C’est pourtant avec un certain émerveillement que j’observe au quotidien l’investissement total de mes collègues auprès de leurs patients, mais aussi de nos étudiants qui se sont mobilisés au service des malades sans compter. Il en résulte un formidable esprit d’unité.

Si l’intensité des heures passées au travail contraste avec celle bien différente de l’ermitage contraint du confinement, toutes deux me semblent finalement avoir été d’excellentes conditions pour l’entraînement au combat spirituel… Quel Carême !

« Vivre simplement ce que j’ai à vivre »

Carole Fouillet, ergothérapeute au Pôle Gériatrique de Chantepie

Carole Fouillet, ergothérapeute au Pôle Gériatrique de Chantepie

Au cœur de cette situation, mon rôle est de protéger les patients en appliquant les consignes sanitaires avec sérieux mais avec la peur d’être un vecteur asymptomatique, de les aider à lutter contre l’angoisse et la tristesse liées à l’isolement dû au confinement. Je demande des grâces d’attention, de patience et de compassion. Il m’a aussi fallu accueillir mes propres angoisses.

J’ai ancré mes journées dans la prière : messe, adoration et louange. Une question est vite venue habiter mon cœur : « Seigneur, comment je peux collaborer avec Toi à ton plan de Salut pour le monde ? ». Ma réponse est de vivre simplement ce que j’ai à vivre, d’accueillir son Amour sans restriction et en aidant la vie à circuler entre le monde extérieur et les patients. J’ai sollicité des personnes pour m’envoyer des contes et des poèmes que je peux lire aux patients. Je vois combien cela peut être apaisant pour les patients.

J’entre dans la Semaine sainte avec Espérance.

« Le besoin de prendre soin de l’autre »

Nathalie Berthelot, infirmière, Hôpital privé Sévigné, Cesson

Nathalie Berthelot, Infirmière en médecine polyvalente/ hématologie , Hôpital privé Sévigné, Cesson

Si un sentiment de stress est apparu au début de l’annonce de la pandémie, très vite, la direction de l’établissement, les médecins, ont mis en place des protocoles très précis qui nous ont permis de rester confiants, tout en nous préparant à être opérationnels. Nous sommes ainsi prêts à accueillir des patients.

L’attention que nous porte la direction, manifestée par des mails d’information quotidiens, la majoration des soutiens de la psychologue ou de la sophrologue, beaucoup de choses se conjuguent pour créer une belle cohésion des personnels soignants : c’est une force, nous combattons ensemble !

Lorsque je rentre à la maison, l’ambiance est différente. Je ressens l’angoisse de mon conjoint et de mes enfants. J’ai du mal à les rassurer. Ils sont « pollués » par les médias qui ressassent en boucle des propos catastrophistes.

Ma vocation d’infirmière, le besoin de prendre soin de l’autre, de se rendre utile au autres, me permet de rester positive pour traverser cette expérience compliquée.

« La confiance dans l’avenir est manifeste »

Dr André Badoul, médecin référent en Service de soins palliatifs, Centre Hospitalier Privé St-Grégoire

Dr André Badoul, médecin référent en Service de soins palliatifs, Centre Hospitalier Privé St-Grégoire

Cette période de pandémie est une épreuve. Elle touche les soignants dans l’approche de leur travail et surtout dans leurs relations aux patients. Comme médecin d’un service de soins palliatifs, il faut être attentif à l’angoisse des autres soignants. Il faut savoir les rassurer, que ce soit sur la peur d’être touché par le virus et surtout la peur de le transmettre à des malades déjà fragilisés;ou sur le sentiment d’être moins « humains » envers les patients, en cas de suspicion d’atteinte de malades, en raison du temps long d’habillage de protection, considéré comme « perdu » sur le temps consacré aux relations humaines.

Mais c’est aussi une période de solidarité, de soutien encore plus fort au sein de l’équipe soignante. En l’absence de l’équipe d’aumônerie, elle aussi confinée, et des familles, autorisées à ne venir seulement à titre exceptionnel, j’ai vu,une infirmière apporter un temps de prière auprès d’une patiente demandeuse. C’est un moment de sérénité qu’elle a su apporter, et qui a été ressenti par toute l’équipe. La confiance dans l’avenir est manifeste.

LIRE AUSSI : sur le site eglise.catholique.fr, « Par-delà le confinement – Foi, espérance et charité », un dossier dédié à la santé