Homélie 31è dimanche ordinaire b

Décoration florale de St Paul pour la toussaint : les Béatitudes

Homélie 31è dimanche ordinaire b 2018

Dimanche dernier nous étions à Jéricho avec Jésus et l’aveugle Bartimée. Aujourd’hui nous sommes à Jérusalem avec Jésus et le scribe. Auparavant, Jésus a chassé les vendeurs du Temple. Les sadducéens viennent de le coincer sur la question de la résurrection de la femme qui a épousé successivement les 7 frères de son mari décédé… Puis là, un scribe se présente à Jésus pour lui poser une question : quel est le premier de tous les commandements ? Ce scribe sait parfaitement ce qu’est le premier commandement, lui qui, comme tout juif, récite matin et soir la prière juive que nous rapportait la première lecture :  Ecoute Israël : le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force. Et Jésus ajoute : tu aimeras ton prochain comme toi-même. Et il formule une conclusion : il n’y a pas de commandement plus grand que ceux-là.

Pour Jésus, ces 2 commandements n’en font qu’un. L’un ne va pas sans l’autre. Dans ce dialogue entre Jésus et le scribe, on peut remarquer que Jésus unifie parfaitement la tradition juive et la nouveauté chrétienne : Dieu est l’unique, et ton frère est unique lui aussi. Pour Jésus aimer Dieu qu’on ne voit pas, c’est avant tout aimer son prochain, créé à son image et à sa ressemblance. C’est aimer sa création, toutes ses créatures, œuvre immense de son amour. C’est respecter sa création. Et Dieu sait la tache immense qui nous incombe aujourd’hui pour cela. Le scribe semble tout à fait d’accord avec Jésus, en reprenant ses paroles, pour en souligner la densité. Ce qui enchante Jésus. Mais Jésus, convaincu que le scribe fait une belle répétition de ses paroles, lui fait tout simplement savoir qu’il n’est pas loin du Royaume de Dieu.

C’est paradoxal ! On s’attendrait à ce que Jésus lui dise : serviteur bon et fidèle, entre dans la joie de ton maître. Mais non, pour Jésus, cet homme n’est pas loin du Royaume, c’est-à-dire qu’il a encore du chemin à faire. Il y a un énorme écart entre cette vérité qu’il proclame de tout son cœur, et la réalité de son vécu quotidien. Il est un peu comme tous ses frères scribes qui connaissent très bien les 10 commandements, mais qui en ont ajouté 613 pour spécifier scrupuleusement ce qui est permis et ce qui est défendu, ce qui a abouti à un légalisme pointilleux. C’est pourquoi Jésus leur avaient dit : vous mettez de lourds fardeaux sur les épaules des autres, mais vous n’en remuez aucun avec votre petit doigt.

Tu n’es pas loin du Royaume de Dieu, tu as encore du chemin à faire. Voilà ce que Jésus nous redit à chacun aujourd’hui dans sa parole : tu as encore du chemin à faire pour m’aimer vraiment, pour me mettre au centre de ta vie, dans ton salon, et non pas dans ta cave ou ton grenier. Tu es comme beaucoup aujourd’hui qui organisent leur vie sans moi et en dehors de moi. Et puis aimer vraiment ton prochain, ce n’est pas plus facile non plus, surtout quand il a beaucoup de défauts. Aimer Dieu et aimer ses frères, ça ne fait qu’un. Tu es encore loin de comprendre ça et surtout de le vivre. Tu as encore du chemin à faire pour me reconnaître dans tous ceux qui autour de toi souffrent de la faim, du froid, de la solitude, et surtout du manque d’amour.

Mais quand même : tu n’es pas loin, puisque tu veux donner un sens à ta vie, à ton travail, à tes souffrances, à ton dévouement ; puisque tu veux prendre du recul par rapport au tourbillon de ta vie ; puisque tu veux échapper à l’engrenage de la routine, au mensonge des relations superficielles, à tout ce qui rapetisse ta vie. Tu n’es pas loin, puisque tu as compris qu’il faut vouloir concrètement pour ton frère ce que tu veux pour toi.Tu n’es pas loin du royaume de Dieu, oui vraiment, tu n’es pas loin, car  celui qui commence à aimer est déjà dans le royaume. Tous ceux qui aiment comme Jésus nous aime font advenir peu à peu le royaume.

Le royaume c’est le but, c’est notre avenir à tous. Finalement, je trouve que cet évangile est un beau bouquet de mots importants : écoute, c’est le commencement de tout… puis royaume, c’est l’accomplissement, c’est l’achèvement. Et entre les deux il y a : Dieu d’abord, pas seulement le dimanche, ou comme une activité privée pour les temps de loisirs, mais Dieu dans toutes tes journées, tes activités, tes choix de vie… puis dans le même mouvement aimer tes frères, ton prochain, par des attitudes de tous les jours, par des préoccupations concrètes de justice, de respect, de dialogue, de réconciliation. Alors, oui Seigneur, si je ne suis pas loin, dis-moi, aujourd’hui, ce qui me manque pour être toujours près de toi et près de mes frères. (Alain FERRE)