États généraux de la bioéthique : Mgr d’Ornellas devant la presse

VIDÉO : Les clefs de l’Église : les États généraux de la bioéthique par Mgr d’Ornellas (par la Cef)

Le 6 mars 2018, une conférence de presse était organisée par la Conférence des évêques de France pour l’ouverture des États généraux de la bioéthique.

Mgr Pierre d’Ornellas, Archevêque de Rennes et responsable du groupe de travail sur la bioéthique pour les évêques de France, s’est exprimé devant les journalistes pour présenter l’attitude de l’Eglise et des catholiques dans ce débat national.

Retrouvez ci-dessous :

> Notre dossier : Les États généraux de la bioéthique

Interview Mgr d’Ornellas

Les États généraux de la bioéthique ont démarré le 18 janvier dernier : la grande consultation se poursuit jusqu’au mois de juillet. Tout le monde est appelé à y participer : citoyens, experts, professionnels de santé, religieux, associations. Les sujets sont nombreux et techniques, les enjeux immenses. Est-ce que vous suivez de près ces EG ?

C’est impossible de les suivre de près parce que c’est tellement divers. Les précédents EG avaient une organisation qui était beaucoup plus facile à suivre par ce qu’ils étaient organisés dans des lieux repérables. Là, ce sont les Espaces éthiques régionaux qui ont la liberté d’organiser les débats qu’ils veulent, sur les sujets qu’ils veulent et selon la méthodologie qu’ils veulent. C’est un foisonnement intéressant même si les personnes ont du mal à savoir où cela se passe, comment et sur quel sujet, il faut aller à la pêche aux infos puisque même les outils médiatiques ordinaires sont un peu dépassés.

Comment peut-on être sûr de l’objectivité de ces débats, avec cette méthodologie, sur des sujets aussi sensibles que la PMA ou GPA ?

On peut être sûr de l’objectivité qu’à une seule condition : avoir confiance dans les personnes et dans leur sincérité. Je connais des débats avec des intervenants remarquables par la qualité, précisément, de leur objectivité scientifique, juridique ou soignante et laissant la place à toutes les expressions. Mais il y a aussi des débats où les intervenants étaient plutôt les militants d’une cause, et les interventions dans la salle étaient plutôt de la vindicte plutôt qu’un vrai dialogue. Il me semble que dans l’organisation de ces EG peut-être y aurait-il pu avoir une méthodologie donnée aux espaces éthiques de telle sorte que cette méthodologie garantisse, le plus possible, l’objectivité des débats. Mais il faut avoir confiance, être soi-même objectif, il faut participer aux EG en étant sincère avec ce que l’on dit sans penser revendiquer ce à quoi on aurait droit. Avoir une seule ligne de conduite : le respect intégral de la dignité humaine dans toutes ses dimensions.

Pour y voir plus clair, l’Église catholique joue la carte de la pédagogie : vous avez publié des fiches. Que contiennent-elles et à qui sont-elles destinées ?

A tout le monde, même si elles sont destinées en priorité aux évêques qui les donnent aux catholiques de leur diocèse de telle manière qu’ils se saisissent des EG en ayant un minimum d’informations. Ces fiches contiennent 3 parties : quelles sont les données scientifiques et juridiques aujourd’hui ? Quelles questions cela pose ? Et une réflexion éthique pour essayer d’ouvrir des chemins de réflexion éthique, c’est à dire des chemins de raison qui visent le bien commun et non pas des chemins de désirs affectifs. Il y a, aussi, une bibliographie et une indication donnée venant de la lettre de saint Pierre : soyez prêts à rendre compte de votre espérance, avec douceur et respect.

> Les fiches bioéthiques

Pourquoi est-il important de se former ?

Pour deux raisons. Parce que c’est extrêmement complexe ; pour ne pas être à la remorque de ce que disent certains scientifiques, dans des promesses complètements illusoires, ou d’un débat de spécialistes.

La bioéthique ce n’est pas un débat sur la science, c’est un débat sur ma vie, la vie de mon enfant, de mes proches et donc le premier concerné c’est moi, moi le parent de cet enfant malade, de cette personne en fin de vie, ce n’est pas le scientifique ! Hélas, on risque de laisser le débat s’enfermer dans une querelle de scientifiques. Ce débat de bioéthique concerne tout Français quel qu’il soit. Pourquoi ? Il s’agit de notre vie, de notre santé, et non pas un débat de spécialistes.

La bioéthique ce n’est pas un débat sur la science, c’est un débat sur ma vie… le premier concerné c’est moi, ce n’est pas le scientifique !

L’Église catholique a une position claire sur ces sujets : elle défend la vie de la conception jusqu’à la mort. Ce sont des questions sensibles sur lesquelles tout le monde n’a pas la même approche y compris entre catholiques. De quelle manière aborder sereinement ces questions-là ?

Il est légitime d’avoir des appréciations différentes même entre catholiques. Pourquoi ? Parce que notre rapport à la souffrance est différent. Quelqu’un qui n’a jamais accompagné quelqu’un qu’il aimait en fin de vie n’est pas pareil que quelqu’un qui a accompagné une personne qu’il aimait en fin de vie. Ce sont 2 expériences différentes. D’où l’importance de s’écouter le uns les autres. Je recommande cette écoute mutuelle avec d’autant plus de respect qu’il y a des souffrances, des affections qui ont été brisées, où il y a des surcroîts d’amour là où il y a des difficultés… Après s’être écouté, il faut essayer de se comprendre.

Il est légitime d’avoir des appréciations différentes même entre catholiques. Pourquoi ? Parce que notre rapport à la souffrance est différent.

Maintenant il faut essayer de réfléchir sur un chemin éthique. C’est là où commence l’élaboration d’un chemin raisonnable et c’est là qu’il ne s’agit pas de nier les souffrances ou la passion affective mais il s’agit, par l’écoute mutuelle et la fraternité entre nous, d’intégrer cette passion ou cette souffrance dans un chemin raisonnable pour arriver à trouver ce qui est le plus juste pour tout le monde, qui soit respectueux de la vie humaine. Un des points majeurs est que la science n’est pas exacte et donc il ne s’agit pas de se fier uniquement au résultats scientifiques, et ça il est très important que nous le comprenions bien en allant écouter les vrais scientifiques. Un diagnostic médical n’est jamais sûr à 100%. La médecine prédictive ou la thérapie génie en sont aux balbutiements. Par contre, ce que je crois, c’est que tous nous sommes d’accord que nous devons tous être de bons Samaritains, c’est à dire prendre soin les uns et les autres et en particulier prendre soin des plus vulnérables ; on n’arrête jamais d’accompagner quelqu’un, ce sont les mots de l’Évangile : « Aimez-vous les uns les autres. » Jésus ne peut pas dire plus « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés » et l’amour du Christ pour les plus vulnérables c’est abyssal ! On n’a jamais fini de grandir dans cet amour.

156 députés, dont beaucoup de la Majorité, ont signé une tribune le 28 février dernier pour demander une nouvelle loi sur la fin de vie au prétexte que l’on ne meurt pas bien en France. Est-ce que l’on se diriger vers un droit à mourir ?

Cette expression est stupide : il n’y a pas de droit à mourir, la mort nous est à tous imposée. La question est : est-ce que je me suis préparé et pouvoir parler comme saint François d’Assise de « notre sœur la mort ». Je me souviens de ma mère qui m’a dit : « Je sens la mort s’approcher de moi. » Elle n’a pas dit cela en s’affolant ; il y avait des personnes qui l’accompagnaient. Notre « Sœur la mort » n’est pas là comme un droit mais comme une sœur, premier point.

Un deuxième point : je n’ai pas parlé avec ces députés signataires mais ça m’intéresserait de parler avec eux. Quelles expériences ont-ils ? Est-ce une abstraction idéologique ? Ou bien ça part du réel ? Moi, je préfère partir du réel. Troisièmement, j’ai rencontré suffisamment de personnes en fin de vie, des personnels soignant, pour comprendre que si la loi préconisait l’assistance au suicide, ce serait une insulte pour tout le personnel soignant et une insulte à ceux qui décident de vivre et qui demandent cet accompagnement de fin de vie.

L’État doit faire en sorte que cette loi de 1999 soit appliquée, que 100% des Français qui en ont besoin aient accès à un accompagnement de fin de vie et de soins palliatifs.

La loi doit être éducatrice ; une loi est faite pour civiliser et non pas pour répondre à des droits individuels. La loi doit viser le bien commun. Et qu’est-ce que le bien commun ? C’est une société où l’on prend soin des uns et des autres, en particulier des plus fragiles et, du coup, c’est une société où l’on accepte financièrement d’être solidaire pour que tout le monde puisse avoir accès aux soins palliatifs. La loi de 1999 en France, que nous avons votée, qui est une loi républicaine, aujourd’hui n’est pas appliquée. C’est une faute de l’État français. Peut-être que l’État n’y arrive pas parce que les Français ne sont pas solidaires mais l’État doit faire en sorte que cette loi de 1999 soit appliquée, que 100% des Français qui en ont besoin aient accès à un accompagnement de fin de vie et de soins palliatifs.

C’est cette voix là que vous allez faire entendre ?

Pour la fin de vie oui. Que tous les députés qui ont signé soient fidèles à la loi française, que ces députés soient des Républicains  c’est à dire qu’ils demandent l’application de cette loi de 1999 jusqu’au bout. À mon avis, c’est une faute vis-à-vis de la République de demander que cette loi ne s’applique pas ! 3% des personnes qui demandent que l’on provoque leur mort et qui entrent en soins palliatifs, passe à 0,3%. C’est significatif. Est-ce que nous sommes oui ou non pour l’accompagnement ? Si l’on n’est pas pour l’accompagnement que l’on dise pourquoi.

Je pense que l’on est fait pour une société du bonheur, c’est à dire une société où l’on ose prendre soin les uns des autres. Qui peut être contre cette voie-là ? C’est une évidence. Il me semble que c’est comme ça que va aller la France et qu’elle ira mieux, j’en suis sûr.

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