Messe Chrismale 2023 : homélie de Mgr Pierre d’Ornellas

Homélie de Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes, pour la Messe chrismale du mercredi 5 avril 2023 à la Cathédrale Saint-Pierre de Rennes.

Lectures : Isaïe 61, 1-9 ; Psaume 88 ; Apocalypse 1,5-8 ; Luc 4,16-21

Mgr d'Ornellas prononce l'homélie devant plus d'une centaine de prêtres et de diacres du diocèse
Mgr d’Ornellas prononce l’homélie devant plus d’une centaine de prêtres et de diacres du diocèse

Mes amis,

Nous l’entendons aujourd’hui cette grande affirmation du livre de l’Apocalypse : « Oui, Amen, moi je suis l’alpha et l’oméga, dit le Seigneur Dieu, celui qui est qui était et qui vient, le Souverain de l’univers. »

Dieu est amour

Cette affirmation solennelle, proclamée aujourd’hui, nous met tous les uns et les autres, qui que nous soyons, membres du saint Peuple de Dieu, ministres ordonnés, fidèles, consacrés, catéchumènes, devant le Seigneur Dieu, « l’alpha et l’oméga. Celui qui est, qui était et qui vient, le Souverain de l’univers ». Nous entendons ce « Amen » que nous pouvons prononcer nous-mêmes. Nous le chanterons tout à l’heure, à la fin de la Prière eucharistique. Par ce « Amen », nous reconnaissions notre Seigneur et notre Dieu, notre grand Dieu !

« Dieu est amour. » (1 Jean 4, 8) Dieu est « riche en miséricorde » (Éphésiens 2, 4). Dieu est le « miséricordieux » (Deutéronome 4, 31). Oui, Amen, Dieu est rempli d’une infinie tendresse que nous ne finirons jamais de proclamer assez, de connaître assez, d’avoir assez la foi qui nous fait entrer dans une expérience vivante de cette tendresse infinie de notre Dieu. C’est elle qui fait comprendre pourquoi il est « le Souverain ». Dans cette tendresse, le Seigneur Dieu, depuis Abraham, Isaac, Jacob, s’est associé un peuple, Israël. Ainsi, comme le dit magnifiquement le concile Vatican II, il s’associe l’Église.

Et cette Église, qui est-elle ? Nous l’entendons dans le prophète Isaïe : « Vous êtes appelés Prêtres du Seigneur, on vous dira Servants de notre Dieu. » Voilà la sainte mission de tout le saint Peuple de Dieu consacré au Seigneur par le Baptême, vivant de cette consécration par l’Eucharistie, nourrissant cette consécration en recevant la Parole de Dieu. Mais, Dieu, dans son infinie tendresse, qui est une folie pour nous, parfois incompréhensible, qui est appelée selon la Tradition vivante de l’Église, « condescendance[1] », Lui qui veut s’associer ce peuple saint, pour qu’il participe à la mission de consacrer l’univers et l’humanité entière à son Amour, voilà que Dieu, dans sa condescendance choisit, de façon particulière, un « serviteur ». Ce serviteur qui est consacré par l’onction, est envoyé « annoncer la Bonne Nouvelle » et « proclamer ». Voilà qu’au milieu du saint Peuple de Dieu, le Seigneur, notre Dieu, lui qui est Souverain dans sa tendresse et dans sa miséricorde infinie, non seulement veut que son saint peuple participe à son amour et à sa tendresse pour l’humanité entière, mais aussi choisit, de façon particulière, certains qu’il appelle à être prêtres du Seigneur Jésus, prêtres de la Nouvelle Alliance, prêtres de l’Éternelle alliance scellée « une fois pour toutes » (Hébreux 7, 27) dans le sang du Christ.

Procession d'entrée de la Messe chrismale 2023
Procession d’entrée de la Messe chrismale 2023

La main du Christ qui donne courage

Le prêtre qui est consacré par l’onction et par la puissance de l’Esprit peut prier avec le Psaume que nous avons entendu : « Ma main sera toujours avec lui, mon bras fortifiera son courage, mon amour et ma fidélité sont avec lui, mon nom – le saint nom de Jésus – accroît sa vigueur. » Dans ce Psaume 88, chaque prêtre peut reconnaître cette main du Seigneur Jésus qui comme le dit magnifiquement Benoît XVI[2], s’est posée sur lui par la médiation sacramentelle de l’évêque. Cette main sera pour toujours avec lui. Ce bras qui s’est tendu vers lui, fortifiera son courage, mais plus que cela.

Voici que le prêtre peut entendre ces versets du Psaume, qui sont une parole du Seigneur Jésus : « Mon amour et ma fidélité sont avec lui. Mon nom – le saint nom de Jésus qui est le Sauveur – accroît sa vigueur. » Le prêtre ainsi consacré par cette main et fortifié par ce bras, quelle grâce inouïe, Dieu le Souverain, dans sa miséricorde infinie, fait à son saint peuple quand il lui donne un prêtre, prêtre de la Nouvelle Alliance, prêtre du Seigneur Jésus, prêtre de l’Alliance Éternelle scellée dans son sang.

In persona Christi

« Le prêtre, précise le Vatican II, participe à l’autorité par laquelle le Christ lui-même construit, sanctifie et gouverne son corps. » Nous connaissons l’autorité du Seigneur Jésus, c’est celle de celui qui n’est pas venu pour être servi, mais pour servir. Voilà que le prêtre participe à ce service par lequel le Christ lui-même construit, sanctifie et gouverne son corps qui est l’Église. « C’est pourquoi, ajoute le Concile, le sacerdoce des prêtres est conféré au moyen d’un sacrement particulier qui, par l’onction du Saint-Esprit, le marque d’un caractère spécial pour toujours, et le configure ainsi au Christ prêtre pour le rendre capable d’agir au nom du Christ Tête en personne[3].

Quand les prêtres célèbrent l’Eucharistie, ils la célèbrent au nom du Christ Tête en personne. Quand le prêtre célèbre tous les sacrements, c’est le Christ lui-même qui célèbre le sacrement[4]. Quand le prêtre agit au service de l’unité et de la communion de sa communauté, c’est le Christ lui-même qui construit l’unité et la communion de la communauté chrétienne. Quand le prêtre se soumet dans la docilité à l’Esprit Saint pour découvrir le « sens[5] » de l’Écriture sainte et proclame cette Parole de Dieu, au saint Peuple de Dieu, c’est le Christ qui proclame sa Parole dans les cœurs. Ce n’est pas le prêtre qui convertit. Ce n’est pas lui qui donne la grâce dans les sacrements. Ce n’est pas lui non plus qui donne la fécondité de la Parole de Dieu dans les cœurs. C’est le Christ lui-même, et lui seul, qui, par le ministère du sacerdoce ministériel, accomplit son œuvre de grâce. Quelle « condescendance » et quel « amour » de notre Souverain Dieu qui gouverne toute chose, pour avoir inventé le sacerdoce ministériel !

Les prêtres consacrent avec Mgr d'Ornellas le Saint-Chrême, qui sert pour les Confirmation et l'ordination des prêtres
Les prêtres consacrent avec Mgr d’Ornellas le Saint-Chrême, qui sert pour les Confirmation et l’ordination des prêtres

L’homme de la Gloire de Dieu

Le prêtre, comme il le célèbre à chaque Eucharistie et comme le dit magnifiquement le concile Vatican II, c’est l’homme dont le but est « de rendre Gloire à Dieu le Père dans le Christ[6] ». Tout à l’heure, nous, les prêtres, nous chanterons tous ensemble : À toi Dieu le Père tout honneur et toute gloire. Le prêtre permet à tous les fidèles de s’unir, dans leurs sacrifices vécus avec charité, foi, et espérance, à l’unique sacrifice du Christ qui est rendu présent à l’Eucharistie. Le prêtre offrant le saint sacrifice du Christ unit les fidèles et leur permet de s’unir au Christ pour qu’ainsi la Gloire de Dieu s’accomplisse, soit reconnue et louée.

Le témoin d’une autre vie

Le prêtre, d’une manière certaine, est mis à part par le choix de Dieu. Il est mis à part pour accomplir ce ministère. Ainsi, le concile Vatican II précise « Par leur vocation et leur Ordination, les prêtres de la Nouvelle Alliance sont, d’une certaine manière, mis à part au sein du Peuple de Dieu ; mais ce n’est pas pour être séparés de ce peuple, ni d’aucun homme quel qu’il soit ; c’est pour être totalement consacrés à l’œuvre à laquelle le Seigneur les appelle (cf. Actes 13, 2).

Ils ne pourraient être ministres du Christ s’ils n’étaient témoins et dispensateurs d’une vie autre que la vie terrestre.[7] »Témoins et dispensateurs d’une vie éternelle, d’une vie divine, d’une vie qui est celle de Jésus ressuscité. Ils sont témoins et dispensateurs d’une vie de résurrection de telle sorte que, par leur ministère, soit donnée la grâce du Christ qui ressuscite les plus blessés, les plus appauvris, les plus exclus, les plus désespérés. Grâce au ministère du prêtre, ils reçoivent la vie de Jésus qui est toujours une Résurrection.

Bénédiction d'un catéchumène pendant le temps de la Communion
Bénédiction d’un catéchumène pendant le temps de la Communion

Le pasteur proche des brebis

Ainsi, les prêtres qui sont témoins et dispensateurs d’une vie autre que la vie terrestre, sont proches des hommes. Le Concile ajoute : « ils ne seraient pas non plus capables de servir les hommes s’ils restaient étrangers à leur existence et à leurs conditions de vie. » Voilà que le prêtre est tout autant mis à part à l’intérieur du saint Peuple de Dieu et non étranger à l’existence et aux conditions de vie des hommes et des femmes vers lesquelles ils sont envoyés.

Le concile Vatican II le précise encore : « leur ministère même exige, à un titre particulier, qu’ils ne prennent pas modèle sur le monde présent (cf. Romains 12, 2), et, en même temps, il réclame qu’ils vivent dans ce monde au milieu des hommes », dans la proximité des hommes et des femmes. Combien de fois, je vois de façon heureuse, un prêtre dans la joie parce qu’il est au milieu de ses brebis ! Le concile le précise pour exprimer la figure par excellence qui nous dit ce qu’est le prêtre : « Tels de Bons Pasteurs, ils connaissent leurs brebis et cherchent à mener celles qui ne sont pas de ce bercail, pour qu’elles aussi écoutent la voix du Christ, afin qu’il y ait un seul troupeau, un seul pasteur (cf. Jean 10, 14-16). »

Quelle joie pour le pasteur d’être au milieu de ses brebis, d’être en proximité de ces brebis, selon cette fameuse formule du pape François : « sentir l’odeur des brebis ». Tellement proche de ses brebis qu’il les comprend, qu’il ne les juge pas, qui les rejoint, et pour tout dire, qu’il les aime, à l’image de Jésus, Bon Pasteur, qui a aimé ses brebis en livrant sa vie pour elles.

Mes amis, rendons grâce à Dieu pour le ministère des prêtres, pour l’invention de Dieu Souverain qui dans sa miséricorde infinie a imaginé que l’œuvre unique du Christ, accomplie « une fois pour toutes » se prolongeait par le Christ lui-même grâce, en partie au ministère sacerdotal des prêtres. Le Christ veut sans arrêt parler aux hommes. Il veut sans arrêt se rendre proche de chacun, lui dont l’amour le pousse sans arrêt à se révéler dans le « cœur ». C’est ainsi que des catéchumènes surgissent ici ou là parce que Jésus s’est approché d’eux. Jésus veut sans cesse, dans son amour incroyable, s’approcher de tout homme et de toute femme, de tout malade, de toute personne âgée, de tout enfant, de tout adolescent. Dans sa folie, voici qu’il suscite les Douze, et, à la suite des douze Apôtres, il suscite le ministère apostolique auquel participent les prêtres.

Dans la joie et la douceur

Chers frères prêtres, vous qui allez renouveler les promesses de votre Ordination, soyez dans la joie d’être pasteurs, soyez dans la joie de désirer être des bons pasteurs qui aimez vos brebis. Je le sais, vous en avez une grande joie. Imitez Jésus, « doux et humble de cœur ». Que la joie d’être pasteur et la douceur du pasteur vous habitent, de telle sorte que vous soyez de plus en plus prêtres du Seigneur Jésus. Puisque c’est lui qui vous a appelés, c’est lui qui vous accompagne, c’est lui qui vous a consacrés, c’est lui qui vous envoie. C’est lui qui, avec une affection particulière, vous dit aujourd’hui, puisqu’il a posé sa main sur chacun de vous au jour de votre Ordination : « Ma main sera pour toujours avec toi. Mon bras fortifiera ton courage. Mon amour et ma fidélité sont avec toi. Mon nom, mon saint nom de Jésus Sauveur, accroît sans cesse ta vigueur. »

Seigneur Jésus, nous te rendons grâce pour l’appel que tu prononces dans le fond des cœurs, de certains hommes, pour qu’ils deviennent prêtres de ton Alliance. Seigneur Jésus, gardes tes prêtres dans la joie et la douceur. Amen.


[1] Cf. Constitution Dei Verbum, n. 13.

[2] Voir par exemple l’homélie de la Messe Chrismale du 13 avril 2006.

[3] Décret Presbyterorum ordinis, n. 2.

[4] Constitution Sacrosanctum concilium, n. 7.

[5] Constitution Dei Verbum, n. 12.

[6] Décret Presbyterorum ordinis, n. 2.

[7] Ibid, n. 3.