Annoncer la foi : catéchèse de Mgr d’Ornellas du 10 septembre 2023

En introduction de la fête de rentrée du diocèse de Rennes, au sanctuaire Notre-Dame de La Peinère le 10 septembre 2023, Mgr Pierre d’Ornellas a donné une catéchèse sur le thème « Annoncer la foi ». En lien avec la démarche Kerygma de l’Église catholique en France et inspiré par la vie du bienheureux Marcel Callo, l’Archevêque de Rennes a proposé un cheminement en trois temps : l’admiration, la communion et l’écoute.

Cette catéchèse est proposé dans une brochure à télécharger ci-dessous, augmentée de textes de Marcel Callo, de saint Ephrem et du pape François.

Annoncer la foi

Le Bienheureux Marcel Callo écrit à ses parents : « Quelle consolation d’avoir la foi. » Il a 21 ans ; il est dans un camp de travail obligatoire en Allemagne. Il y côtoie beaucoup de personnes qui souffrent et qui se laissent aller.

N’est-il pas vrai que nous aussi, nous pouvons faire nôtre cette parole ? Oui, nous avons reçu la foi, et bien souvent, dans les épreuves, elle est une « consolation » !

Saint Paul nous confirme dans cette bienheureuse « consolation ». Il l’écrit aux chrétiens de la ville de Corinthe : « De même que nous avons largement part aux souffrances du Christ, de même, par le Christ, nous sommes largement consolés. » (2 Corinthiens 1,5).

La foi est un don de Dieu, qui est transmis par des témoins. Pour Marcel, ce furent ses parents qu’il remercie. Nous aussi, remercions Dieu d’ avoir reçu la foi. Exprimons notre gratitude envers les témoins qui furent présents sur nos chemins de vie.

« Ce que vous avez reçu gratuitement, donnez-le gratuitement», dit Jésus (Matthieu 10,8). Nous qui avons reçu la foi, nous voilà donc tous attelés à la belle mission d’ annoncer la foi, là où nous sommes engagés pastoralement, d’ une manière ou d’ une autre. Nous sommes « disciples-missionnaires ».

Pour annoncer la foi, je vous partage trois points de réflexion :

  1. l’ admiration,
  2. la communion,
  3. l’ écoute.
  • Pour chacun de ces points, je vous propose une relecture (en italique).

[Le thème de cette Catéchèse a été choisi parce que l’Église de France organise le grand rassemblement « KERYGMA » à Lourdes du 20 au 23 octobre 2023 (voir page 16 de la catéchèse à télécharger, la définition du kérygme)].

Mgr d'Ornellas
Mgr d’Ornellas lors de sa catéchèse

1. L’ ADMIRATION

Dans les Évangiles, nous voyons des personnes habitées par la foi en Jésus. Face à cette foi, Jésus exprime son « admiration ».

Chez personne je n’ai trouvé une telle foi !

Dans l’Évangile selon saint Matthieu, Jésus débute sa vie publique par un grand discours sur la montagne. Il proclame les Béatitudes puis il décrit les attitudes fondamentales de ses disciples, c’ est-à-dire des chrétiens. Cela se termine par l’ étonnement de ceux qui l’ écoutent : « Lorsque Jésus eut terminé ce discours, les foules restèrent frappées de son enseignement, car il les enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme leurs scribes. » (Matthieu 7,28-29).

Puis Jésus « descend de la montagne» et il rencontre un centurion de l’armée romaine. Celui-ci s’adresse à Jésus en le suppliant : « Seigneur, mon serviteur est couché, à la maison, paralysé, et il souffre terriblement. » (Matthieu 8,6) Un dialogue s’ensuit entre Jésus et le centurion. Jésus lui dit qu’il va aller chez lui. Alors le centurion lui répond : « Seigneur, je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit. Mais dis seulement une Parole et mon serviteur sera guéri » (Matthieu 8,8). Nous disons cela à l’Eucharistie, juste avant d’ aller communier.

Le centurion exprime le sentiment le plus profond en lui : sa foi en Jésus et sa grande humilité face à Lui. Jésus voit son cœur et il est dans l’admiration. En effet, l’Évangile continue : « À ces mots, Jésus fut dans l’admiration et dit à ceux qui le suivaient : ’’ Amen, je vous le déclare, chez personne en Israël, je n’ai trouvé une telle foi. ’’ »

Je ne sais pas quels mots nous disons intérieurement à Jésus quand nous participons à l’Eucharistie. Peut-être exprimons-nous notre foi en Jésus Sauveur et notre humilité réelle devant Lui, en Lui disant : « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une parole et je serai guéri. » Soyons sûrs que Jésus, présent dans sa Parole et dans son Corps et son Sang, nous regarde avec admiration. Il reconnaît et confirme notre foi vivante, ardente et humble.

Femme, grande est ta foi !

Un peu plus loin, dans l’Évangile selon saint Matthieu, Jésus rencontre une femme qui est de la région de Tyr et de Sidon, au nord d’Israël. Elle est libanaise, si je peux dire. Cette Cananéenne lui dit : « Prends pitié de moi, Seigneur, fils de David. Ma fille est tourmentée par un démon. » (Matthieu 15,22) Cette femme est audacieuse, elle insiste auprès de Jésus : « Viens à mon secours ! » (Matthieu 15,25) Jésus lui avait en effet répondu qu’ il ne pouvait rien pour elle : « Je n’ ai été envoyé qu’ aux brebis perdues de la maison d’Israël. » (Matthieu 15,24) Comme si Jésus lui disait que le pain de la parole de Dieu était destiné au Peuple d’Israël.

Alors la Cananéenne dit à Jésus qu’elle est d’accord, qu’elle comprend bien sa mission auprès de son Peuple. Mais cela n’empêche pas la femme d’insister et d’exprimer sa foi audacieuse pleine d’humilité. Écoutons-la : « Oui, Seigneur ; mais justement, les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres. » (Matthieu 15,27) Quelle humilité et quelle foi chez cette femme ! Alors Jésus laisse sortir son admiration : « Femme, grande est ta foi, que tout se passe comme tu le veux. » (Matthieu 15,28)

Peut-être que Jésus, quand nous allons communier ou prier, dit aussi à chacun d’entre nous: « toi qui viens à moi, femme, homme, grande est ta foi. »

La lumière de la foi

Jésus voit au fond du cœur cette petite flamme, cette lumière qui s’appelle la foi. Certes, nous sommes tous fragiles ; comme dit saint Paul, nous sommes des « vases d’argile » (2 Corinthiens 2,7). Et pourtant, au fond de « nos cœurs » brille ce don de Dieu, la lumière de la foi, lumière « qui rayonne sur le visage du Christ » (2 Corinthiens 2,6). Voilà la foi chrétienne que saint Paul appelle « ce trésor » !

  • Ainsi, chacun peut se poser avec simplicité une question: ai-je déjà été dans l’ admiration devant cette foi que j’ai vue luire chez quelqu’un? Ai-je admiré cette petite flamme, en voyant la lumière au fond de son cœur ? Ai-je fait l’expérience de percevoir ce « trésor » dans l’ âme de la personne que j’ai rencontrée ?

Oh, sans doute cette « lumière de la foi» selon l’ expression du pape François, ce n’est peut-être pas encore tout le contenu du Credo, toutes les vérités de la foi, toute l’amplitude extraordinaire de la foi. Cette lumière n’est peut-être qu’humilité et confiance sans avoir beaucoup de mots pour se dire. Mais c’est quelque chose de lumineux qui vient de Dieu, la vraie lumière du Christ au fond du cœur qui, si les mots de la foi sont donnés, pousse à se tourner vers Lui avec joie. Voilà ce qui suscite l’admiration !

Cette « lumière de la foi » est une invitation à grandir dans la foi : « Augmente en nous la foi », demandent les Apôtres à Jésus (Luc 17,5). Cette flamme de la foi éclaire d’autant plus qu’elle est alimentée par la connaissance de Dieu et de sa volonté de sauver tous les hommes en Jésus. Il ne s’agit pas d’ une connaissance intellectuelle, mais d’une relation vivante avec Dieu, habitée par l’amour et la confiance.

Grandir dans la foi, c’est grandir dans l’amour. Dans le Catéchisme de l’Église Catholique, nous lisons : « Il est inhérent à la foi que le croyant désire mieux connaître Celui en qui il a mis sa foi, et mieux comprendre ce qu’Il a révélé ; une connaissance plus pénétrante appellera à son tour une foi plus grande, de plus en plus embrasée d’amour. » (n. 158)

  • Comment chacun de nous peut-il se remémorer non seulement les moments où il a été dans l’ admiration, comme Jésus, mais aussi ces soifs de mieux comprendre, de scruter les Évangiles, de grandir dans la foi, chez d’autres personnes et chez lui-même ?

2. LA COMMUNION

Après l’ admiration, vient la communion, la communion les uns avec les autres en raison même de la foi vivante au Christ, présente dans le cœur de chacun.

Nous rendons grâce pour votre foi

Regardons l’attitude de saint Paul quand il écrit sa Première lettre aux Thessaloniciens (le premier texte chrétien que nous avons). Lui aussi, il est dans l’admiration : « À tout moment, nous rendons grâce à Dieu au sujet de vous tous, en faisant mémoire de vous dans nos prières. » (1 Thessaloniciens 1,2) C’est beau !

Quand nous pensons à notre communauté paroissiale à laquelle nous appartenons, à notre aumônerie d’hôpital au sein de laquelle nous œuvrons, aux jeunes avec qui nous faisons un bout de chemin, que voyons-nous en premier ? Les problèmes ? Les ratés dans les manières de faire ? Les défauts de caractère de l’un ou de l’autre ? Les mésententes ? Saint Paul, lui, voit la lumière de la foi ! Et il en rend grâce.

Ainsi, comme saint Paul, chacun peut rendre grâce à Dieu. Je rends grâce pour mon aumônerie d’hôpital, pour la foi des malades que j’ai visités. Je rends grâce à Dieu pour l’aumônerie de prison, et la foi qui luit au cœur de certains détenus. Je rends grâce à Dieu pour ma communauté paroissiale, pour mon équipe de catéchistes, pour des enfants de ma classe ou de la catéchèse, chez qui je perçois la lumière de la foi. Je rends grâce à Dieu pour l’équipe de jeunes que nous avons formés pour faire quelque chose pour les JMJ. Je rends grâce à Dieu pour mes frères ou mes sœurs de ma communauté religieuse qui, avec leurs faiblesses, sont habités par la confiance limpide en Dieu et par l’amour de Jésus. Etc.

Comme il nous est bon de rendre grâce à Dieu pour la foi en ces communautés vivant au sein d’ une société où l’indifférence et l’ignorance religieuses sont prégnantes. Chaque communauté est une oasis de lumière grâce à sa foi qui se traduit en amour. Les communautés chrétiennes à Thessalonique devaient être petites au milieu des habitants majoritairement païens. Quelle action de grâce pour ces communautés habitées par la « lumière » du Christ ! Chaque catéchumène sait rendre grâce d’être passé des « ténèbres » à la « lumière dans le Seigneur » (Éphésiens 5,8).

Saint Paul ajoute : « Sans cesse, nous nous souvenons que votre foi est active, que votre charité se donne de la peine, que votre espérance tient bon en notre Seigneur Jésus-Christ, en présence de Dieu, notre Père. » (1 Thessaloniciens 1,3).

Comme il est bon que saint Paul leur parle et leur écrive sur ce ton. L’action de grâce fortifie la communion sans nier l’ imperfection de nos œuvres.

Frères et sœurs dans le Christ

Saint Paul ajoute immédiatement : « Nous le savons. Frères bien aimés de Dieu, vous avez été choisis par lui. » (1 Thessaloniciens 1,4) Voilà que saint Paul, après avoir rendu grâce, écrit : « Frères bien aimés de Dieu, vous avez été choisis par lui. »

Nous avons la même chose quand, un peu plus tard, saint Paul écrit aux chrétiens de la ville de Colosses : « Paul, apôtre du Christ Jésus par la volonté de Dieu, et Timothée, notre frère. Aux frères, sanctifiés par la foi dans le Christ qui habite Colosses. À vous la grâce et la paix de la part de Dieu notre Père. Nous rendons grâce à Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ, en priant pour vous à tout moment. Nous avons entendu parler de votre foi dans le Christ Jésus et de l’amour que vous avez pour tous les fidèles. » (Colossiens 1,1-4)

« J’ai entendu parler de votre foi. » Peut-être que saint Paul n’ a pas encore visité les chrétiens de Colosses, mais il a entendu parler de leur foi. Il en rend grâce à Dieu, mais surtout, qu’est-ce qu’il voit ? « L’amour que vous avez pour tous les fidèles. »

Saint Paul s’adresse aux Thessaloniciens en les désignant par le mot « frères aimés », et il voit chez les Colossiens l’amour qu’ ils ont les uns pour les autres. Voilà que la foi, l’annonce de la foi, est un témoignage qui est confié non pas d’abord à chacun individuellement, mais à une communauté de frères et sœurs dans le Christ, à une communauté habitée par l’amour fraternel.

Nous sommes différents, nous avons chacun notre chemin. Mais nous sommes réunis dans une communauté de frères et sœurs dans le Christ grâce à la foi. Nous vivons quelque chose de commun : la même foi dans le Christ nous habite. Grâce à la foi, nous sommes en communion les uns avec les autres. Cela se réalise en particulier à l’Eucharistie au cours de laquelle nous proclamons ensemble la foi de l’Église, le Credo. Celle-ci est notre mère en nous donnant la totalité de la foi !

Saint Paul insiste souvent sur cela : Vous avez la même foi et il n’ y a qu’un seul Esprit Saint. Du coup, il y a une communion dans la foi.

Une Église synodale

Le pape François a désiré que nous réfléchissions sur cette communion dans la foi. En effet, elle nous conduit à avancer ensemble, avec nos différences, nos tempéraments variés et nos manières de faire diverses. Voilà l’Église synodale !

Dans le Document de travail pour le Synode à Rome en octobre, on lit : « Une Église synodale est fondée sur la reconnaissance de la dignité commune qui découle du Baptême, lequel fait de ceux qui le reçoivent des fils et des filles de Dieu, des membres de sa famille et donc des frères et des sœurs en Christ. Habités par l’unique Esprit, ils et elles sont envoyés pour accomplir une mission commune. Dans le langage de Paul, ’’ c’est dans un unique esprit, en effet, que nous tous, juifs et païens, nous avons été baptisés esclaves ou hommes libres pour former un seul corps. Tous, nous avons été désaltérés par un unique esprit. ’’ (1 Corinthiens 12,13) » (n. 20)

Ce Document continue : « Le Baptême crée une véritable coresponsabilité entre les membres de l’Église qui se manifeste dans la participation de tous à la mission et à l’édification de la communauté ecclésiale […]. Une Église synodale ne se comprend que dans un horizon de communion qui est toujours en même temps une mission d’ annoncer et d’ incarner l’Évangile dans toutes les dimensions de l’existence humaine. La communion et la mission se nourrissent de la participation commune à l’Eucharistie qui fait de l’Église un corps dans l’harmonie et la cohésion dans le Christ, capable de marcher ensemble vers le Royaume. »

  • Avez-vous perçu que l’annonce de la foi se fait par une communauté qui vit la communion à cause de l’égale dignité du Baptême? Avez-vous expérimenté que nous sommes frères et sœurs dans le Christ ? Comment voyez-vous que les frères et sœurs dans le Christ, chacun selon son charisme mais ensemble, ont une mission commune, celle d’annoncer la foi ? Comment l’Esprit Saint construit-il concrètement l’unité dans la diversité ?

C’est vous qui en êtes les témoins

Dans l’ Évangile selon saint Luc, Jésus nous le dit clairement. Quand il explique aux disciples que le Christ devait souffrir, mourir et ressusciter pour sauver le monde, il leur dit : « C’est vous qui en êtes les témoins. » (Luc 24,48) Jésus ne dit pas : « C’est toi qui seras le témoin. » Non, c’est « vous » qui en êtes les témoins.

De même, le premier témoignage après la Pentecôte le suggère. Pierre « debout avec les Onze autres apôtres » (Actes 2,14), prend la parole. Ce n’est pas seul, mais « avec» les autres qu’il explique que Jésus est le Sauveur, qu’il n’ y a pas d’ autres noms par lesquels on peut être sauvé, etc. (Actes 2,14-36) Juste après cela, il est évoqué la « communion fraternelle » des chrétiens : « Ils étaient assidus à l’ enseignement des Apôtres, à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières » (Actes 2,42). Le texte biblique précise même : « Ils avaient tout en commun » (Actes 2,43). Voyez comme ils s’aiment, tel est le témoignage, avec celui du martyr, qui rend la foi « attractive », selon le mot qu’ affectionne François !

Qu’est-ce qui évangélise et annonce la foi ? La communauté fraternelle de frères et sœurs dans le Christ. Comment en serait-il autrement ? Annoncer la foi n’est vrai que si la foi en Dieu, en Jésus Sauveur se manifeste dans la communion entre les croyants.

3. L’ ÉCOUTE

Bien sûr, cela n’exclut pas le témoignage personnel. Au contraire, la communion fraternelle l’encourage ! Regardons comment l’ annonce de la foi peut se faire d’ une personne à une autre personne.

Être dans l’admiration devant la foi de ses frères et sœurs dans le Christ suscite la communion. Cette « communion fraternelle » se traduit concrètement par un amour fraternel tissé de compassion, de pardon, d’amour, d’humilité, de services mutuels. Elle est un témoignage rendu au Christ. De fait, nous nous aimons les uns les autres parce que nous sommes des frères et sœurs dans le Christ et qu’ensemble nous vivons dans l’action de grâce pour la foi reçue et vécue.

Cela conduit à la transformation missionnaire de la paroisse. On devient ensemble porteur de la lumière en raison de notre amour mutuel et de notre fraternité dans le Christ, qui se traduit par une tendresse les uns pour les autres, mais aussi par un accueil inconditionnel de toute personne. La lumière de la foi conduit à accueillir l’autre, car elle fait voir en lui un aimé de Dieu, un frère ou une sœur à aimer.

N’y a-t-il personne pour me guider ?

Les Actes des Apôtres nous raconte le témoignage personnel de Philippe. Il marche et va à la rencontre de l’éthiopien qui, dans son char, lit le prophète Isaïe, mais ne comprend rien. Alors il dit à Philippe : « Comment pourrai-je comprendre s’il n’ y a personne pour me guider ? » (Actes 8, 31) Philippe s’assoit à côté de lui et, à partir du texte d’Isaïe, « lui annonça la bonne nouvelle de Jésus » (Actes 8,35). Une fois qu’il a compris la parole, voyant de l’ eau, l’éthiopien demande à Philippe : « Qu’est ce qui empêche que je sois baptisé ? » (Actes 8,36)

Qu’a fait Philippe pour évangéliser l’éthiopien ? Il lui a annoncé la bonne nouvelle de Jésus, à partir de l’Écriture sainte, en l’occurrence le prophète Isaïe. Philippe n’a pas transmis ses idées, ni son opinion, mais la Parole de Dieu, Jésus lui-même. La foi est née chez l’éthiopien « qui poursuivit son chemin dans la joie » (Actes 8,39) Qu’elle est belle la joie de la foi qui naît de la Parole de Dieu, grâce à un « guide » !

Dans La joie de l’ Évangile, le pape François écrit : « Toute l’ évangélisation est fondée sur la Parole de Dieu, écoutée, méditée, vécue, célébrée et témoignée. La Sainte Écriture est source de l’évangélisation. Par conséquent, il faut se former continuellement à l’écoute de la Parole. » (n. 174)

Écoutons bien : « Il faut se former continuellement à l’ écoute de la Parole. » Cela signifie qu’on n’ a jamais fini de la creuser cette Parole de Dieu ! Sainte Thérèse de Lisieux témoigne à propos des Évangiles qu’elle y « découvre toujours de nouvelles lumières, des sens cachés et mystérieux … » (Manuscrit A, f° 83 v°). Oui, la Parole de Dieu est inépuisable, comme l’ont dit tant de saints, par exemple saint Éphrem (voir page 15 de la catéchèse à télécharger) ! On n’ a jamais fini de se former à l’écoute de la Parole qui vient de Dieu.

Voilà la grandeur de l’écoute à la Messe quand c’ est le temps des lectures. Comme il est important d’ être tout entier attentif à chaque mot qui est proclamé ! Oui, Dieu lui-même parle en sa Parole. Le concile Vatican II dans sa constitution sur la liturgie enseigne que le Christ « est là dans sa parole, car c’est lui qui parle tandis qu’ on lit dans l’ Église les Saintes Écritures. » (n. 7) Dieu parle ! Petit à petit, chaque mot devient pour nous une petite parole précieuse. Dieu parle !

Le pape François continue : « L’Église n’évangélise pas si elle ne se laisse pas continuellement évangéliser. Il est indispensable que la Parole de Dieu devienne toujours plus le cœur de toute activité ecclésiale. La Parole de Dieu écoutée et célébrée, […], alimente et fortifie intérieurement les chrétiens et les rend capables d’un authentique témoignage évangélique dans la vie quotidienne. »

Évangéliser grâce à l’ écoute

Ainsi, cette Parole de Dieu permet le témoignage personnel qui commence par l’écoute. Dans La joie de l’ Évangile, François insiste sur cette écoute qui est première : « Dans cette prédication (c’est-à-dire notre témoignage), toujours respectueux et aimable, le premier moment consiste en un dialogue personnel, où l’autre personne s’exprime et partage ses joies, ses espérances, ses préoccupations pour les personnes qui lui sont chères, et beaucoup de choses qu’elle porte dans son cœur. C’est seulement après cette conversation. » (n. 128)

Par ce « seulement après », on sent que le pape François insiste sur ce premier moment d’écoute. Il est si beau de vivre ces conversations tissées par l’écoute attentive, aimable et respectueuse ! Pour l’Assemblée du Synode des évêques qui vient début octobre, il est question d’ « une conversation dans l’ Esprit ». En cette expression est suggérée l’écoute de l’Esprit Saint en écoutant le frère ou la sœur.

Il s’agit d’une écoute virginale, parce qu’il n’y a pas d’a priori dans la tête de l’écoutant. On écoute tout, au-delà du tempérament ou de l’émotion qui s’exprime, et on écoute pour recevoir la beauté de ce qui est dans le cœur du frère ou de la sœur, où habite l’Esprit. Écouter de façon neuve, c est recevoir pleinement ce que dit l’autre, comme s’il y avait quelque chose de vierge en moi pour écouter. Nous avons tous besoin de progresser pour arriver à cette écoute. Jésus nous le suggère : « Faites attention à la manière dont vous écoutez. » (Luc 8,18)

Évangéliser grâce à la Parole de Dieu

Alors, continue le pape François, « c’est seulement après cette conversation, qu’il est possible de présenter la Parole, que ce soit par la lecture de quelque passage de l’Écriture ou de manière narrative – c’est-à-dire : c’est moi qui vais raconter l’Évangile avec mes mots à moi – mais toujours en rappelant l’annonce fondamentale : l’amour personnel de Dieu qui s’est fait homme, s’est livré pour nous, et qui, vivant, offre son salut et son amitié. » Ici, le Pape évoque le kérygme, le résumé de la foi (voir p. 16 de la catéchèse à télécharger). Voilà les mots donnés pour que s’exprime la foi !

Il poursuit : « C’est l’ annonce qui se partage dans une attitude humble, de témoignage, de celui qui toujours sait apprendre, avec la conscience que le message est si riche et si profond qu’il nous dépasse toujours. » Voilà l’humilité du témoin qui cependant ose dire la Parole de Dieu qui convient, en proposant aussi la prière.

Et quel est le résultat ? La personne a exprimé ce qu’elle avait de plus profond dans son cœur. Je lui dis la parole de Dieu qui correspond à ce qu’elle porte dans son cœur. « Ainsi, écrit le pape François, la personne percevra mieux qu’elle a été écoutée et comprise, que sa situation a été remise entre les mains de Dieu, et elle reconnaîtra que la Parole de Dieu parle réellement à sa propre existence. »

Ainsi, la foi naît ou renaît dans le cœur d’une personne. Sa participation à l’assemblée des chrétiens fera grandir la «lumière de la foi» qui a commencé à briller en elle. Tant de catéchumènes et de néophytes en font l’expérience!

  • Faites mémoire de cette écoute virginale que vous avez vécue. Quel enrichissement en avez-vous retiré ? Quelle est votre expérience de cette écoute ? Avez-vous aussi vu la fécondité de la Parole de Dieu ? Quand avez-vous osé dire cette Parole, d’une manière ou d’une autre ? Éprouvez-vous le besoin de mieux la connaître ? Vous aussi, avez-vous soif de grandir dans la foi ? Relisez vos joies de l’annoncer ?

DANS LA JOIE D’ ANNONCER LA FOI

Voilà, mes amis, la beauté et la joie d’annoncer la foi en commençant par l’admiration. Au sein d’une société indifférente à Dieu mais travaillée par les désirs de sens, il est juste et bon de s’émerveiller de la foi de la communauté à laquelle nous appartenons et de rendre grâce pour la « foi active» des frères et sœurs, et pour leur amour accueillant à tous.

Nous entrons alors dans la joie de la « communion fraternelle », de l’attention délicate les uns envers les autres, au-delà de nos tempéraments et de nos sensibilités, qui donne de s’ aimer les uns les autres. Cette joie et cette communion fraternelle, grâce à l’Esprit, rayonnent et portent témoignage de Celui qui en est l’origine : le Christ. Grâce à Lui, nous sommes heureux de vivre ensemble la mission.

Fortifié par cette communion fraternelle, chacun peut porter témoignage de la bonne nouvelle de Jésus grâce à l’écoute et à la Parole de Dieu qui convient. Chaque « disciple-missionnaire », habité par la « lumière de la foi », grandit dans la foi quand il la partage, quand il en témoigne avec courage. Il grandit aussi quand il ressource sa foi à la foi de l’Église qui sans cesse nous la transmet dans toute sa plénitude.

Mes amis, il est magnifique d’avoir cette mission ensemble. Rendons grâce à Dieu pour la foi qui nous est donnée et pour la mission que nous avons de l’annoncer.

Mgr Pierre d’ Ornellas, Archevêque de Rennes,
donnée au Sanctuaire Notre-Dame de La Peinière,
dimanche 10 septembre 2023