Mercredi des Cendres 2024 : homélie de Mgr Pierre d’Ornellas

Homélie de Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes, pour le Mercredi des Cendres le 14 février 2024 à la Cathédrale Saint-Pierre de Rennes.

Joël 2, 12-18 ; Psaume 50 ; 2 Corinthiens 5, 20 – 6, 2 ; Matthieu 6,1-6.16-18

Mercredi des Cendres - Mgr Pierre d'Ornellas 3

Nous l’avons entendu dans la bouche de saint Paul : « Voici le moment favorable. Voici le jour du salut. » Qu’il est beau d’entendre cette affirmation au début du Carême qui est un moment favorable, une grâce de Dieu.

Dieu nous bénit

Comme nous l’entendons dans le prophète Joël, il n’est pas venu pour la condamnation. Mais « qui sait ? », s’interroge le prophète Joël. Il comprend que Dieu pourrait revenir et laisser derrière lui la bénédiction. Voilà que Dieu revient ! Nous, nous revenons vers Dieu, et Dieu revient vers nous. Il s’agit d’une alliance magnifique où chacun ferait un pas vers l’autre.

La seule différence, c’est que Dieu est toujours en train de revenir vers nous parce qu’il est fidèle à son Alliance, à son amour pour nous, parce qu’il est rempli de tendresse comme un Père qui ne cesse pas, comme dit la Bible, « de porter son fils ». Mais nous, nous prenons conscience que, peut-être, nous avons à revenir vers lui. Nous avons à faire un pas, une démarche pour revenir vers lui. Que se passe-t-il quand nous revenons vers lui ? Nous découvrons la bénédiction de Dieu. Nous nous découvrons, bénis par lui. Bénis, c’est-à-dire remplis du don de Dieu, que peut être nous n’arrivions pas à voir tellement nous étions aveuglés, distraits, préoccupés, que sais-je. Voilà qu’en revenant vers lui, nous découvrons qu’il laisse dans nos vies sa bénédiction. Ce moment favorable du Carême est le temps pour découvrir ce goût de la bénédiction de Dieu, pour se sentir béni par Dieu, pour croire à sa bénédiction.

Ce signe de la croix que nous avons fait ensemble au début de la Messe, nous pouvons le faire tous les matins ou tous les soirs, chaque jour, parce que nous avons conscience, en faisant ce signe de la croix, lentement, posément sur nous, que c’est le signe de la bénédiction divine. Quand le prêtre nous bénit, il fait le signe de la croix sur nous. Chaque jour, nous pouvons faire ce signe de la croix comme signe de la conscience que nous avons d’être les privilégiés de Dieu, c’est-à-dire les bénis de Dieu.

Qu’il est beau dans une famille, le soir, quand les enfants viennent dire bonsoir à leurs parents, et que ces parents bénissent leurs enfants en faisant une croix sur le front. Le voilà le moment favorable ! Le voilà le jour du salut ! Le voilà le jour de la miséricorde de Dieu ! Le voilà le moment de la présence de la tendresse de Dieu dans nos existences !

Le Carême, c’est un cadeau que nous offre l’Église, Notre Mère, afin que nous éprouvions cette bénédiction de Dieu sur nos vies.

Mercredi des Cendres - Mgr Pierre d'Ornellas 2

Agir « dans le secret »

Le Seigneur Jésus, dans l’Évangile que nous venons d’entendre, attire notre attention sur un point très fondamental. Quand Jésus parle, on voit qu’au fur et à mesure de son discours, il va à ce qui est le plus important pour lui et il insiste. Nous l’avons entendu trois fois. Jésus parle du « secret ». Quand tu fais ton aumône, quand tu jeûnes, quand tu pries, fais-le « dans le secret ». Vous l’avez entendu, pour la troisième fois, ce n’est pas simplement le secret, c’est « au plus secret »

Qu’il est important le jeûne grâce auquel nous cessons de nous laisser prendre comme des esclaves par des biens qui nous attirent et nous séduisent ! Chacun d’entre nous peut faire la lumière sur cette séduction pour couper les liens qui nous entravent et qui atteignent notre liberté. Il est beau de savoir jeûner. Ce n’est pas forcément le jeûne de la nourriture. Nous savons bien les esclavages que nous avons et qui entravent notre liberté. Voilà que le Seigneur nous invite à ce jeûne.

Il nous invite aussi à la prière de telle manière que nous reconnaissions Dieu comme Dieu et non pas nous-mêmes avec notre ego au centre. C’est lui qui est au centre ! Enfin l’aumône que nous pratiquons quand nous partageons, car rien ne nous appartient puisque tout est donné par Dieu pour que nous puissions en faire un usage de charité pour notre prochain, pour notre frère ou notre sœur.

Mais, cette décision du jeûne, de la prière et de l’aumône, c’est une décision prise dans « le secret ». « Et ton père qui voit dans le secret te le rendra », dit Jésus. Ce secret, dans le langage biblique, n’est pas quelque chose qui demeure secret et que je ne dirai jamais à personne. Ce n’est pas le secret du signe de piste qu’il faut arriver petit à petit à découvrir. Le secret dans l’Écriture sainte, cherche à exprimer ce que les prophètes, les écrivains des textes de l’Ancien Testament ont cherché à définir. Ils veulent dire, nommer la profondeur de l’être humain. Puisque l’être humain est un « sanctuaire », où il est seul avec Dieu dans les profondeurs de lui-même.

Il est vrai que notre société, qui est sans arrêt en train de nous extérioriser, de nous distraire, nous empêche de voir notre profondeur dans laquelle nous pouvons descendre. Cette profondeur, dans le langage biblique, s’appelle le « fond », le « cœur » ou le « secret ». C’est au plus profond de nous-mêmes que nous sommes invités à prendre la décision de jeûner, de prier, de faire l’aumône. Qu’importe que cette action soit vue ou qu’elle ne soit pas vue ! Vraisemblablement, notre aumône sera vue puisque nous partageons des biens avec d’autres. Peut-être que le jeûne se verra, parce qu’il sera visible que nous ne faisons plus telle activité qui nous rend esclaves. Bien sûr, ça se voit ! Mais qu’importe que cela se voit ! Ce qui compte n’est pas ce qui se voit, mais ce qui est au fond, dans le secret du cœur.

Le Père, notre Père du ciel, celui que nous allons prier tout à l’heure tous ensemble en disant le Notre Père, ne regarde pas à l’extérieur. Comme dit la Bible : « Il ne regarde pas aux apparences ». Il regarde dans le secret, il regarde au fond de nous. Non pas, comme le dirait Victor Hugo, avec un œil qui accuse. Il regarde avec un regard qui s’émerveille, un regard qui fait miséricorde. Il voit au fond de nous que c’est le moment favorable. Il voit au fond de nous que nous revenons à Lui et qu’il revient vers nous.

Il voit au fond de nous, en définitive, que nous sommes ses enfants, bien aimés, ses fils et ses filles qui, avec sa grâce, en regardant le Seigneur Jésus, en méditant son Évangile, prennent au plus profond de leur cœur la décision de jeûner, la décision de prier, la décision de faire l’aumône. Cet acte du jeûne ou de la prière ou de l’aumône se passe au plus profond du cœur, parce qu’en définitive, c’est un acte d’amour. Et l’amour, personne ne peut mettre la main dessus !

Mercredi des Cendres - Mgr Pierre d'Ornellas

Convertissez-vous

Mes amis, soyons heureux d’entrer ensemble dans ce moment favorable, dans ce moment de grâce, dans ce moment du salut, dans ce moment de miséricorde. Quand nous recevrons les Cendres, nous entendrons cette parole magnifique qui est la parole du Seigneur Jésus dans l’Évangile : « Convertissez-vous », c’est à dire tournez-vous vers moi, dit Jésus. N’ayez pas peur. Tournez-vous vers moi, de telle sorte que, par ma lumière, je vous éclaire au plus profond de votre cœur afin que dans votre cœur, le jeûne, la prière et l’aumône vous rendent de plus en plus fils et filles bien aimés de Dieu Notre Père.

Quelle joie de se savoir aimés à ce point par notre grand Dieu qui est fidèle et qui nous offre ce temps favorable du Carême !

Mercredi des Cendres - Mgr Pierre d'Ornellas 1
La cendre est obtenue des rameaux brûlés l’année précédente lors de l’office des Rameaux

Amen.