Hommes et femmes : La différence sexuelle, une fatalité rétrograde ?

Intervention de Mgr d’Ornellas aux Semaines Sociales de Bretagne dont le thême de 2012 était « Hommes et femmes, la nouvelle donne ».


De l’évidence à la réflexion

Je suis heureux d’essayer d’approfondir notre réflexion à tous sur un sujet qui est de toujours et sur lequel l’actualité nous invite à jeter une vive lumière. Souvent, l’évidence de la différence sexuelle est vécue avec bonheur. (Je pense ici au bonheur rencontré dans le mariage.) Vient alors la peur quand les contradictions nous obligent à rendre raison de cette évidence, comme si le bonheur éprouvé – pourtant réel et non simplement imaginaire – en vivant avec évidence la relation homme-femme n’était pas suffisant pour nous donner de l’assurance. En vérité, le bonheur authentique – et s’il est reconnu comme authentique, c’est parce qu’il côtoie ce qui lui est étranger, à savoir des souffrances – n’est-il pas en lui-même une raison suffisante pour vivre ce qui rend heureux ?

Face à l’évidence, il est cependant nécessaire de s’interroger : pourquoi sommes-nous heureux ? Et, ici, la question devient : pourquoi la différence sexuelle est-elle source de bonheur ? La question sur le bonheur est fondamentale. Il s’agit d’y répondre, chacun dans nos vies : pourquoi le grand parent éprouve-t-il une telle joie à la naissance de son petit-fils ou de sa petite-fille ? D’où vient cette joie ? Est-elle instinctive ou a-t-elle des raisons plus profondes ? De même, pourquoi l’homme et la femme éprouvent-ils une telle joie en s’aimant mutuellement ? Ce soir, je voudrais non pas répondre à la question du bonheur en général mais à celle qui nous est posée par rapport à l’évidence de la différence sexuée de l’être humain. Je le ferai en creusant l’affirmation en allant sur les terrains où l’on ne s’aventure guère, ceux de la philosophie.

La personne humaine est sexuée. Cette affirmation paraît énoncer une évidence. Elle contient cependant une étonnante densité, pour tous ceux et toutes celles qui veulent bien y réfléchir. Elle peut être source d’un étonnement de plus en plus grand au fur et à mesure qu’on la médite. Cet étonnement peut s’épanouir en admiration pleine de joies ou au contraire en révolte pleine d’amertumes. En effet, la simple affirmation « la personne humaine est sexuée » conduit nos intelligences à deux compréhensions possibles : soit, la dimension sexuée dit quelque chose d’étonnant à la personne humaine sur elle-même et lui dévoile son admirable vocation à la liberté ; soit, au contraire, la personne humaine, en revendiquant sa liberté subjective, pense se suffire tellement à elle-même que sa dimension sexuée est de type accidentel et représente soit un poids à supporter, soit une inutile contingence, ou encore un simple lieu de conflits et de domination injuste.

La joie des anthropologues

Pourtant le fait est là, massif : la personne humaine est sexuée. Il ne peut en être autrement tant au niveau anthropologique qu’au niveau phénoménologique. Toutes les sociétés ont cherché à organiser cette dimension sexuée de l’être humain. Il faudrait lire avec attention les anthropologues qui décrivent avec minutie ces organisations diverses. Je voudrais seulement évoquer ici trois d’entre eux. Je commencerai par Claude Lévy-Strauss qui rappelle que « le type de famille caractérisé dans la société moderne par le mariage monogamique (…) apparaît du moins clairement attesté parmi les groupes qui semblent être demeurés (ou revenus) au niveau culturel le plus rudimentaire. (…) La seule structure sociale digne de ce nom chez eux est la famille, principalement monogamique1. » Un autre anthropologue, Maurice GODELIER, qui est l’auteur du livre Métamorphose de la parenté, précise que « les anthropologues ont aujourd’hui fait l’inventaire d’à peu près tous les systèmes de parenté qui existent sur terre et n’ont pas trouvé de familles « homoparentales » : elles ne sont, nulle part, une structure légitime et normale du système de parenté.2 »

Enfin, écoutons Emmanuel Todd qui vient de publier le premier tome de quarante ans de recherches sur l’évolution des structures familiales dans le monde entier. Dans son introduction, il en arrive à dire la « joie » qu’il a éprouvée en découvrant qu’il y avait « une histoire unique ». Et cette histoire, quelle est-elle ? « La famille originelle était de type nucléaire, avec le couple conjugal comme atome élémentaire3. » Quarante ans de recherche pour arriver à percevoir dans toutes les sociétés qu’il a étudiées cette « histoire unique », ce noyau qu’est le couple conjugal comme « atome élémentaire » ! Étudiant cette « histoire unique », Emmanuel Todd estime qu’elle tient aux « mystères4 ».

Deux sexes pour reconnaître

Des travaux des anthropologues, il est ainsi aisé de recevoir une évidence qui vient du fruit de leurs observations scientifiques et que laisse apparaître la réalité : il y a deux sexes. Cette formule est précise : je ne dis pas qu’il n’y a que deux sexes, comme si je pouvais imaginer un éventuel troisième sexe. Il est impossible à l’homme de penser un troisième sexe, ni d’ailleurs un quatrième. Cela est hors de son pouvoir. En effet, il ne saurait comment le définir en lui-même ni dans sa fonction. L’esprit humain est ainsi fait qu’il ne peut penser un troisième sexe. Toutes les inventions mythologiques ont fantasmé sur le masculin et le féminin, et n’ont jamais su proposer un troisième sexe. Nous verrons que cela est aussi vrai pour le judaïsme et le christianisme. L’esprit humain est lié à la condition sexuée. Soit ce lien est source de joie et de grandeur, soit il est un esclavage dont il doit se libérer. Quoi qu’il en soit, l’esprit humain est obligé de s’interroger sur le fait brut et massif : deux sexes existent. On pourrait même dire que l’esprit humain est ainsi constitué que ce fait, qui s’impose à lui par ses sens et par la réalité des corps humains, l’interroge naturellement : pourquoi y a-t-il deux sexes ?

Cette question peut se décliner sous un autre mode que l’expérience rend manifeste. Pourquoi existe-t-il deux voies pour considérer le réel, celle de l’esprit masculin et celle de l’esprit féminin ? Cette question est essentielle. Chaque société s’enrichit en recevant tout autant de l’homme que de la femme leur regard particulier et complémentaire sur le monde. Le regard de la femme et le regard de l’homme ne sont-ils pas différents, alors même que chacun voit juste ? Sont-ils seulement complémentaires ? Pour une part, oui. Cependant, il faut aller plus loin. Il ne s’agit pas de deux regards complémentaires comme le sont ceux de deux ou plusieurs observateurs qui croisent leur ressenti pour mieux observer. Plutôt que de parler d’une simple complémentarité, il me semble plus juste de penser à une reconnaissance, au sens le plus fort du mot, c’est-à-dire à une capacité de recevoir vraiment et complètement le réel tel qu’il est. La réalité humaine à voir est complexe, elle est vivante, elle est une liberté dans l’histoire, elle est une existence humaine avec sa vocation propre qui est « divine5 », elle est une personne sexuée, « créée à l’image de Dieu6 ». Le regard féminin dévoile une singularité propre que le féminin seul appréhende. De même, le regard masculin met au jour ce que le masculin, dans sa spécificité, en saisit. Les deux regards sont nécessaires au vivant humain lui-même pour se sentir reconnu en vérité.

Dieu, « père » et « mère »Dieu, « père » et « mère »

Comme il est fondamental pour tout être humain de pouvoir se dire : « je suis reconnu » ! Alors, il est connu en vérité, tel qu’il est, non pas dans la superficialité de son être, mais dans son moi qui s’exprime de façon toujours sexuée. C’est d’ailleurs pourquoi, l’Écriture Sainte attribue à Dieu le masculin et le féminin, non pas sous la forme des mythologies car Dieu n’est pas sexué. Pour dire quelque chose de son alliance avec Israël, et donc avec l’humanité, l’Écriture Sainte l’affirme comme « père » ou comme « mère ». Nous avons cela au Livre des Nombres. Dans le Livre du Deutéronome, Dieu porte Israël « comme un homme porte son fils » (Deutéronome 1,31). En même temps, nous entendons par le Prophète Isaïe cette affirmation mise dans la bouche de Dieu : « une femme oublierait-elle son enfant, moi je ne t’oublierai jamais » (49,15). Mieux, le nom désignant la réalité la plus spécifique et unique de la femme, à savoir ses « entrailles » quand elles sont celles d’une femme qui est mère, est devenu le nom de Dieu : rahamim en hébreu, que nous traduisons par « miséricorde » (cf. Exode 34,7).

Dans l’histoire du salut, c’est peut-être le féminin qui caractérise davantage Dieu pour dire précisément sa manière de vivre l’alliance dans un monde idolâtre. En effet, ce nouveau nom de Dieu vient après l’épisode du « veau d’or », c’est-à-dire du péché véritable accompli par l’homme quand il adore la création plutôt que son Dieu qui pourtant l’a libéré de la servitude (cf. Exode 32). Quand, dans notre histoire, l’idolâtrie se déploie, alors Dieu dévoile son visage comme celui d’une « mère », lui qui s’était dévoilé comme le « père » libérateur de son fils. Sans le spécifique du père ni le spécifique de la mère, l’alliance divine ne se dit pas vraiment ni totalement. Pour que l’homme se sente pleinement saisi dans cette alliance, il y faut le regard du père qui porte son fils, et le lien propre à la mère, qui est « miséricorde ». En effet, même après et dans le refus, l’être humain demeure inclus dans le lien avec lequel Dieu s’est uni à lui. Ici, l’idée de « mère » convient mieux. Alors l’être humain, pourtant idolâtre, se sent parfaitement reconnu par son Dieu. L’Écriture Sainte, juive et chrétienne, n’est-elle pas éloquente pour parler de l’enfant qui se sent pleinement reconnu par le regard du père et celui de la mère, non pas comme deux regards complémentaires, mais comme deux regards qui « reconnaissent », c’est-à-dire qui ouvrent l’autre – l’enfant en l’occurrence, sans qu’il en est conscience – à sa propre capacité de se connaître en vérité, de se « reconnaître » en se trouvant aimable à ses propres yeux ?

Le corps

Mais la question demeure : pouvons-nous dégager une signification qui rende raison de la dualité des sexes de façon satisfaisante pour l’esprit humain ? Puisque l’esprit humain est tout aussi fait pour la vérité que la vérité est faite pour lui, y a-t-il une vérité à recevoir sur cette dualité ? Cette interrogation a toujours saisi l’esprit humain et elle est analogue à l’interrogation qui le saisit quand il considère l’existence : loin d’imaginer qu’il pourrait y avoir une « autre » existence – il en est incapable comme il est incapable de penser un troisième sexe –, il s’interroge sur le pourquoi de l’être : pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? Cette question ancienne et nouvelle est existentielle ou métaphysique : pourquoi suis-je ? Et il appartient à la condition humaine de se poser cette question. Celle-ci est tout autant incontournable que splendide. Elle recèle un sens à élucider puisque celui qui est appelé à se la poser ne peut jamais dire qu’il s’est placé dans cette existence. Elle recèle aussi l’éminente dignité de l’homme dans l’auto-conscience qu’il acquiert d’exister. L’existence n’est-elle donc pas une magnifique contingence, source d’une splendide signification ? Cette question se redouble quand elle considère le corps avec son originalité, son unicité et ses limites, avec aussi sa déchéance progressive. À quoi serve donc que je vive puisque je semble programmé pour la déchéance et la mort7 ?

Pour l’interrogation qui nous occupe, la problématique du corps est essentielle. Le corps est la manifestation la plus immédiate de la condition sexuée de l’être humain. Cependant, il ne résume pas à lui seul le sexe de la personne, il ne fait que le manifester. Le corps est le lieu où s’articulent la chair et la parole. C’est avec notre corps, qui est charnel, que nous nous exprimons et que nous voulons signifier quelque chose avec notre entourage. Le corps des artistes – qui sont parfois de silencieux danseurs – est une magnifique expression des pensées les plus hautes. Il ne tire pas de lui-même ce qu’il veut dire. Il exprime ce que dit l’esprit. C’est aussi par lui, par la chair du corps, que vient une impression, douloureuse en cas, par exemple, de maladie ou joyeuse dans le cas, par exemple, d’un beau paysage contemplé. Cette impression charnelle provoque une pensée qui est esprit : le corps, toujours sexué, parle à l’esprit humain, il est la médiation – nécessaire dans l’histoire de l’homme – par lequel l’être humain vit une relation aux autres et au monde. C’est pourquoi, j’ai évoqué le lien à la masculinité et à la féminité comme inhérent à l’esprit humain.

Sans doute faut-il aller plus loin en considérant que l’être humain est corpore et anima unus8 : l’unité substantielle de la personne n’autorise-t-elle pas à penser une manière féminine propre à l’esprit de la femme, et une manière masculine propre à l’esprit de l’homme, ce que l’expérience atteste ? Quoi qu’il en soit, l’esprit parle par le corps. Le corps est symbole d’une parole à proférer et à écouter : c’est elle qui donne à la chair sa valeur, mais c’est aussi la « parole », c’est-à-dire le message que prononce la chair qui contribue à faire percevoir que celle-ci est un corps. Abstraction faite des intentions de la personne, le corps est un langage objectif pour elle et son entourage, langage qui la dépasse et dont elle a la belle mission de percevoir la signification. Dans ce sens, son esprit reçoit une lumière de son corps tel qu’il est avec sa sexualité, masculine ou féminine. Nul ne peut librement faire abstraction du langage objectif de son corps, ni le refuser. Il appartient à la dignité humaine d’en saisir la signification dans toute sa profondeur.

Le corps est symbole d’une personne qui est toujours unique. C’est de façon fulgurante que le visage, toujours singulier, exprime l’unicité de la personne. Je suis toujours frappé par cette évidence quand je rencontre une assemblée et que j’ai le temps de la dévisager : je vois avec stupéfaction qu’aucun visage ne ressemble à un autre. Ce visage est charnel, il est de chair, mais cette chair dit quelque chose d’unique qui est un absolu, l’absolu de celui ou de celle qui dit : « je suis ». Ce « je suis » n’a jamais jusqu’alors été prononcé et il ne peut l’être ainsi que par la personne qui l’énonce. Le corps sexué, avec le visage qui lui est constitutif, exprime donc la personne, c’est-à-dire la femme singulière en son histoire et sa personnalité, ou l’homme singulier en son histoire et sa personnalité.

Le corps dit donc plus que le sexe : toujours sexué, ce corps singulier dit la femme ou l’homme, dont la dignité est, pour elle comme pour lui, grande, indélébile et égale.

Le corps est donc fondamental parce que nous sommes des êtres de paroles, des êtres d’esprit. En tant que corps humain, il est langage et l’être humain n’a pas d’autres mots que les siens pour parler. Comme le corps est important pour celui qui accompagne une personne handicapée mentale profonde qui n’a pas l’expression de la parole avec sa langue, ni peut-être l’expression de son regard ou de son audition ! Mais quelle relation étonnante peut être tissée avec cette personne grâce à son corps ! Elle se dit tout entière en et par son corps. Plus que cela, à celui qui sait toucher son corps et qui sait se laisser toucher par le corps, ce corps dit l’admirable beauté de cette personne9. Le corps aurait beaucoup moins d’importance si nous nous considérions uniquement comme des animaux. Il n’aurait, pour ainsi dire, pas de valeur pour nos esprits. Mais parce que nous sommes des personnes capables de relations mutuelles entre personnes, parce que nous sommes des êtres de paroles qui expriment nos pensées les plus profondes et les plus hautes qui sont spirituelles, notre corps est essentiel à la vie humaine. Sans lui, la personne humaine ne se dit pas ni ne construit une relation véritablement digne d’elle. C’est pourquoi, le toucher a une importance si considérable ! Que deviendrait un bébé s’il n’était jamais serré dans des bras ni embrassé ? Quel accompagnement pourrait en vérité exister si la personne âgée dépendante en fin de vie n’était pas touchée, caressée par une main amie ? Que serait l’expression d’un amour entre deux personnes humaines si elles ne se touchaient pas mutuellement ?

Le désir du corps

Parler du corps conduit à parler du désir qui, lui aussi, appartient à notre expérience humaine. Avec le désir, la question sur la dualité des sexes chez la personne humaine rencontre une difficulté immédiate qui est d’expérience courante. Ce désir peut en effet se transformer en passion. Or, l’esprit humain touché par la passion, voire blessé par elle, a davantage de mal à ouvrir les chemins sereins de sa réflexion. Souvent mené par le désir, l’être humain oublie qu’il est un être intelligent capable de saisir le pourquoi de son existence et de sa condition sexuée. Le désir peut être un tel voile sur la signification de la dualité des sexes, que celle-ci apparaît absurde, irrationnelle et, pour tout dire, un esclavage dont il faudrait se délivrer. Le désir a même été divinisé – nous connaissons par exemple l’existence des prostituées sacrées – car cela a paru lui donner une signification divine à défaut d’être humaine.

Réfléchir à la condition sexuée de la personne humaine, c’est inévitablement rendre raison de son désir et de ses pulsions qui sont sexuelles10. La science tente de cerner le mécanisme de ces pulsions. Elle peine cependant à en élucider toute la beauté et la pleine harmonie. Cependant, avec raison, la science part toujours d’un a priori, sans lequel elle cesserait d’exister : le monde est un « cosmos », c’est-à-dire une réalité organisée qui a ses lois propres11, et non pas un « chaos », c’est-à-dire un ensemble irrationnel. Si le « chaos », précisément parce qu’il est irrationnel, est incompréhensible à l’être humain, le « cosmos », lui, s’offre à nos intelligences pour être compris : il est source d’émerveillement. La manifestation du désir n’est donc pas a priori anarchique mais l’objet d’une réflexion et d’une compréhension humaines. Le désir et la pulsion appartiennent au « cosmos » !

Pour comprendre le désir, il est nécessaire de distinguer les niveaux où il s’exerce dans le corps : le sexe, la sensualité et l’affectivité. Pour chacun de ces niveaux, il est juste et bon de reconnaître les valeurs propres du sexe, des sens – externes ou internes, comme l’imagination ou la mémoire – ou de l’affectif. De fait, le désir est en quelque sorte un message du corps, qui dévoile sinon ces valeurs, du moins qu’elles existent. Ce message indique une perspective d’où jaillit un sens. Loin d’être en soi mauvais ou obscur, le désir est source de significations : il a besoin d’être interprété pour trouver sa place à l’intérieur d’un acte de liberté. En effet, soit le désir – plus ou moins vif – mène et réduit la liberté en esclavage, soit le désir est intégré à la liberté et celle-ci lui donne sens.

À la question métaphysique sur l’être, correspond celle sur le désir : pourquoi y a-t-il un désir sexué plutôt que rien ? On sait bien pourtant à quels débordements ce désir conduit : les faits divers en sont pleins. Le phénomène de la pornographie en est aussi une triste illustration. Il mériterait à lui seul une ample réflexion et une parole d’autorité. La prostitution est aussi une question sur laquelle il conviendrait de réfléchir amplement en lien avec la dignité de la femme. Elle aussi ne mérite ni le silence ni les non-dits, mais une parole d’autorité, c’est-à-dire une parole qui donne sens. La pornographique, la prostitution ou les faits divers d’agressions sexuelles ne sont pas une attestation du caractère anarchique et obscur du désir et de la pulsion sexuelle. Cela montre au contraire que la condition sexuée de la personne est un lieu éthique (c’est-à-dire, source de sens pour la liberté et le bien de la personne) et, à ce titre, mérite une attention très particulière : n’est-elle pas infiniment fragile et, pour une part, dépendante d’un droit qui l’aide, la protège et la mette en lumière pour tous selon sa pleine signification ? Celle-ci ne peut être arbitraire ni partielle, au gré de l’opinion de certains. Car alors la loi du plus fort s’imposerait aux plus faibles, à moins qu’il leur soit imposé la force de mécanismes financiers aveugles sur la dignité et la beauté de la personne toujours sexuée.

Une signification arbitraire ?

Arrêtons-nous un instant à la considération suivante. Si la dualité des sexes est critiquée au point de vouloir l’abolir, c’est en partie parce que la loi du plus fort, le masculin, « domine » sur le plus faible, le féminin. Dans l’Écriture Sainte, cette « domination » est une des conséquences de la transgression (cf. Genèse 3,16). Mais « à l’origine », dit Jésus, il n’en est pas ainsi (cf. Matthieu 19,8). Il est évident que la loi du plus fort qui domine le faible ne permet pas de comprendre la dualité des sexes. « À l’origine », et donc en réalité, il n’y a pas de plus fort ni de plus faible. Il existe seulement deux personnes humaines d’égale dignité, l’une étant masculine et l’autre, féminine. La première page de La Bible le dit dès le début, de façon très claire : « Dieu dit : « Faisons l’homme à notre image comme notre ressemblance (…) ». Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa. » (Genèse 1,26-27)

En percevant la dualité des sexes à partir d’une compréhension issue de la domination du plus fort sur le plus faible, il est tout à fait normal que certains veuillent supprimer cette manière de vivre la condition sexuée de l’être humain. Mais alors, le risque est de proposer une autre manière de penser la dualité sexuelle, qui serait arbitraire. Les religions et les sagesses, à travers le monde, ont toujours tenté aussi de réguler ce désir. Leurs présentations sont-elles forcément arbitraires ? Contiennent-elles des éléments universels qui permettraient de saisir le mystère de cette différence ? Si la compréhension de cette différence est arbitraire, alors, en voulant supprimer à juste titre la domination du fort sur le faible, on risque de pratiquer exactement la même loi : le plus fort, dans sa compréhension arbitraire de la dualité des sexes, imposerait au plus faible ce qu’il en comprend, que ce soit de façon religieuse ou non. C’est pourquoi, il est urgent de chercher la signification rationnelle, et si possible universelle de la condition sexuée de l’être humain. Cette signification, sous peine d’être partielle, doit intégrer le désir et lui donner sens.

L’inventaire fait par les anthropologues est à cet égard intéressant. Ils retrouvent un invariant qui traverse les civilisations. Ayant tout récemment visité les fouilles au Couvent des Jacobins à Rennes, j’ai vu les traces importantes du Ier siècle de rues et de murs construits, à partir de rien, par l’Empire romain au confluent de la Vilaine et de l’Ille. L’Empire romain avait bien conscience de créer une nouvelle civilisation par rapport à celle des Gaulois et pourtant il a maintenu, en accord avec les penseurs qui le précèdent, que le mariage est l’union de l’homme et de la femme.

Une dignité qui n’est pas en manque

Il est tout d’abord fondamental de redire que la personne humaine a sa dignité. Celle-ci lui est inhérente. Il ne manque donc rien à la personne humaine pour posséder cette dignité. Celle-ci est indélébile et inviolable. Il est sans doute impossible de caractériser entièrement la dignité humaine. Il est même dangereux de l’enfermer dans une définition. En effet, tous ceux qui ne rentreraient pas dans cette définition seraient donc dépourvus de dignité ! La réflexion des groupes et des sociétés, issue de l’expérience douloureuse du terrible mépris infligé à l’être humain de façon indicible pendant la dernière guerre mondiale, a produit la Déclaration universelle des droits de l’homme. Celle-ci expose, ce que nous appelons de façon technique, les « droits fondamentaux » de tout être humain. Il est sans doute urgent de montrer que cette Déclaration est « universelle ». Il est encore plus urgent, à mon avis, de définir avec précision la nature de ce qui est appelé « droit fondamental ». Tout est-il objet de droit ? Certainement pas !

Quoi qu’il en soit, la personne humaine est un être dont la dignité est intangible et complète. Elle n’est pas en manque. Elle est un sujet qui a conscience de lui-même et de son existence au milieu du monde. La personne exprime sans cesse son « je suis » qui lui est personnel et que personne ne peut dire à sa place. Avec son corps, elle s’exprime comme un être « irréductible à la seule matière », comme le souligne le concile Vatican II12. Elle est un « je suis », et plus précisément, un « je suis vivant », qui se dit en vérité ainsi : « je suis un vivant féminin, je suis un vivant masculin ». Et, à cette personne d’où jaillit une telle affirmation, il ne manque rien. Même si avec son corps et grâce à lui, elle entre en cohérence avec les autres éléments biologiques qui l’entourent, elle est sans équivalent dans le monde qui l’entoure tout simplement parce qu’il ne lui manque absolument rien pour être une personne. Selon la Bible, l’être humain – que l’Écriture Sainte nomme par le mot asexué « terreux » : l’Adam13 – « domine » tous les éléments de la création en leur donnant un nom (cf. Genèse 1,26 ; 2,20) ; il la « cultive » (cf. Genèse 2,15). Il n’est donc pas simplement un corps parmi les autres corps animaux ou végétaux. Rien en son corps ne peut être réduit à du pur biologique. La personne exprime non seulement « je suis », mais aussi : « je suis un vivant », et la conscience qu’elle a de sa vie la situe de façon étrangère à ce monde des vivants que sont les animaux et les plantes : rien ne lui est assorti (cf. Genèse 2,18). La prise de conscience de sa propre différence d’avec le monde des animaux lui permet d’être un « je » distinct, unique, incomparable avec tout ce qu’il voit et rencontre autour de lui. Et comme il se reçoit dans l’existence, il perçoit qu’il est seul avec un autre d’où surgit son existence : l’Adam est « seul » face au Tout Autre. Comment apprendra-t-il à s’ouvrir à lui ? Il est constitué pour s’ouvrir à l’autre entant qu’autre, comme l’y appelle la différence sexuelle.

Le mystère de l’inconnaissance

En effet, la personne humaine dans sa dignité, à laquelle il ne manque rien, est toujours placée devant un mystère : toujours sexuée, elle ne connaît pas l’autre en tant qu’autre dans sa condition sexuée différente. Le « je » masculin ne connaît pas le « je » féminin, ni réciproquement. Certes, les études scientifiques – et les expériences quotidiennes – peuvent apporter un savoir considérable, mais l’autre, dans sa réalité sexuée, restera toujours une énigme ou un mystère pour celui qui est de l’autre sexe. Je me souviens d’un dialogue entre deux fiancés qui se préparaient au mariage. Lui dit à sa fiancée : « chérie, je ne te comprendrai jamais car je ne sais pas ce que c’est que d’avoir la foi » ; et la fiancée de lui répondre : « je ne te comprendrai jamais car je ne sais pas ce que c’est que de ne pas avoir la foi ». De façon analogue, la femme et l’homme sont placés l’un en face de l’autre dans leur inconnaissance mutuelle. Je ne sais pas ce que c’est que d’être homme, peut dire la femme. J’ignore ce que c’est que d’être une femme, peut aussi affirmer l’homme. Cette inconnaissance n’est pas un manque mais plutôt une pierre d’attente, une ouverture à l’autre. Encore une fois, il ne manque rien à la personne humaine pour être elle-même dans toute sa dignité.

Cette inconnaissance ouvre la personne à autre qu’elle-même. Il s’agit d’une altérité fondamentale : l’altérité qui met en face l’une de l’autre deux réalités absolument distinctes : le féminin et le masculin. Cette distinction, qui est irréductible, est un « mystère » car elle réside entre deux personnes auxquelles il ne manque rien, qui sont revêtues de la même et belle dignité, et qui prononcent chacune leur « je suis ». Il s’agit d’une différence essentielle qui appartient à la dignité de la personne humaine. Cette différence est constitutive de la personne humaine. En effet, toute personne est soit masculine, soit féminine. Son monde est celui des personnes. Elle est donc toujours située en relation à l’autre sexe.

Filiation et réalisation de soi

Cette différence est aussi fondatrice de la réalisation de la personne. Elle est la manière dont la personne se réalise dans l’histoire, dans l’espace et le temps. Ici, deux perspectives se présentent : d’une part, le masculin et le féminin sont ensemble nécessaires pour que la personne advienne à l’existence ; la bioéthique, la génétique l’attestent ; cela est vrai pour la conception de l’être humain, avec cet admirable dynamisme de la méiose14, pour la naissance de l’enfant, et pour sa croissance. Le lien existant entre la mère et son enfant a besoin de rencontrer la différence essentielle afin que l’enfant se construise comme personne sexuée ; c’est précisément devant cette altérité sexuelle, souligne bon nombre de pédopsychiatres, que l’enfant se construit : il a besoin du féminin et du masculin qui, chacun, lui dise quelque chose de lui-même dans l’acte de « reconnaissance », spécifique d’une part au féminin et d’autre part au masculin. Il est donc impossible de parler de la différence sexuelle sans évoquer la filiation. Il est tout aussi impossible de traiter de la filiation sans évoquer la différence sexuelle.

D’autre part, toute personne s’ouvre, grâce à la différence sexuelle, à l’autre en tant que fondamentalement autre. Cette ouverture est possible car il s’agit de deux personnes humaines. De quelle nature est cette ouverture ? Elle est tellement évidente qu’on n’y réfléchit pas. Il s’agit d’une relation qui va d’une personne à une autre personne en traversant le « mystère » qu’elles constituent toutes les deux par leur différence sexuelle. Cette relation est donc ouverture à l’autre dans sa spécificité sexuelle qui signe sa différence, atteste son étrangeté, offre sa nouveauté relationnelle encore inconnue tant qu’elle n’est pas vécue. Face à cet inconnu, la relation se tisse dans le respect et l’accueil de l’autre en tant qu’autre inconnu. Sans ce respect et cet accueil, l’inconnu ne se dévoile pas. Pour connaître l’inconnu, il faut l’accueillir tel qu’il est et le laisser se dévoiler lui-même. Telle est la loi de la reconnaissance de la personne qui m’est toujours étrange, et de façon singulière dans sa différence sexuelle. Sinon, je risque de faire de cet inconnu un connu, c’est-à-dire ce que je crois connaître de lui sans me rendre compte que mes besoins ou mon désir sont les filtres par lesquels je connais. C’est ainsi que je prends à ma guise ce que je connais de lui. Ici, le désir peut conduire à une réduction d’autrui en son corps, qui supprime le mystère et qui ne permet pas l’ouverture de la personne à l’autre en tant qu’autre inconnu. Je ne suis plus alors dans la réception de l’autre, mais dans sa capture ! Or, c’est dans cette ouverture-là que la personne se réalise car c’est dans l’accueil de cet inconnu qu’elle s’enrichit pleinement. L’inconnu de la personne m’apporte plus que ce que je connais d’elle et que j’en désire.

Les valeurs du corps

Et cet inconnu, comment s’exprime-t-il ? Il se dit en son corps, c’est-à-dire par le sexe, le sensuel et l’affectif qui ont chacun leur valeur propre, mais aussi par le langage objectif qui vient du corps lui-même en tant que corps. Nulle personne ne peut être sans son corps, c’est-à-dire sans ce langage ni sans ces valeurs corporelles qui habitent le sexe, le sensuel et l’affectif. Mais la relation de personne à personne ne peut se situer au simple niveau de ces valeurs du corps. Si le corps dit quelque chose de la personne, alors ces valeurs corporelles, celles du sexe, celles de la sensualité et celles de l’affectivité doivent être hissées à la hauteur de la personne. Ces valeurs corporelles qui sont indéniables – le sexe est en soi une valeur positive, comme le sensuel et l’affectif – disent toute leur signification quand elles se réfèrent aux valeurs de la personne car elles sont destinées à exprimer la personne. Le sexe, le sensuel et l’affectif sont toujours vécus par une personne ; ils ont comme mission d’exprimer la personne mais ils sont aussi offerts à la personne « autre et inconnue » en tant que personne de l’autre sexe. Si les valeurs du corps que sont le sexe, le sensuel et l’affectif sont destinées à exprimer le « je » comme personne, elles sont aussi destinées à être offertes à la personne de l’autre sexe15. C’est ainsi que l’autre, « inconnu », reçoit et reconnaît le « je » qui se donne à lui en et par son corps. Tel est vraiment l’enjeu de l’échange des libertés, toujours incarnées.

Quelles sont donc les valeurs de la personne ? Elles sont celles de l’esprit en son corps, et peuvent s’appeler l’amour et la liberté. L’amour n’est véritable que quand il veut le bien de l’aimé. La liberté est vraiment libre quand elle n’est pas polarisée par un manque ni par un besoin, sinon elle est esclave de ce manque et de ce besoin ; si la liberté est vraie, alors, elle s’exprime alors par l’accueil et le don : la liberté qui aime est capable d’accueillir le bien qu’est l’autre, et de donner le vrai bien à l’autre. Mais quel est ce bien ? Le désir semble l’indiquer : le bien est l’autre personne elle-même, et non seulement son sexe, sa sensualité, ou son affectivité. Le bien est l’autre personne elle-même car c’est elle qui suscite ma liberté et mon amour. Car cette rencontre des libertés entre l’homme et la femme n’est ni un affrontement ni une complémentarité ni une compensation de manques, mais une promotion mutuelle et réciproque dans le meilleur de leur être personnel : la joie.

L’inconnu de l’autre, en tant que personne de l’autre sexe, convoque le désir à s’épanouir en vraie liberté qui accueille l’autre en tant que tel et qui le laisse se dévoiler. Si le désir ne s’épanouit pas en liberté alors il prend un bien partiel de l’autre et réduit cet autre à ce bien qu’il convoite16. Dans ce cas, il est compréhensible que le désir du corps puisse aussi orienter vers l’autre qui n’est pas inconnu parce qu’il serait de même sexe. L’« inconnu » que je suis pour l’autre, convoque aussi mon désir à s’épanouir en don libre du bien que je suis et non pas des biens que sont mon sexe, ma sensualité et mon affectivité, pour que ce bien que je suis soit effectivement donné à l’autre pour lequel je suis, en tant qu’« inconnu », une source d’enrichissement. C’est pourquoi, le corps avec ses dimensions sexuelle, sensuelle et affective, est destiné à exprimer l’amour de l’autre en tant qu’autre parce qu’il est un « inconnu ». Ces dimensions du corps doivent être intégrées à la liberté de la personne pour exprimer en vérité un amour libre.

L’utilitarisme

Telle est la vision personnaliste de la différence sexuelle qui appelle la rencontre entre la femme et l’homme. Si les valeurs du corps, qu’elles soient sexuelle, sensuelle ou affective, ne sont pas hissées à la hauteur de la personne, alors la relation entre la femme et l’homme est utilitariste. Selon le constitutionnaliste Bertrand Mathieu, le droit français refuse pour le moment tout utilitarisme17. Certes, la proposition de loi qui a été adoptée par le Sénat sur l’utilisation de l’embryon humain et des cellules embryonnaires humaines pour la recherche, ouvre au droit français la porte de l’utilitarisme. Bertrand Mathieu souligne qu’il s’agit là d’une totale nouveauté dans la conception juridique française.

Si la perspective utilitariste guide l’élaboration de notre droit, alors la personne, selon le droit, pourra utiliser ces valeurs du corps, que ce soit son propre corps ou le corps d’une autre personne, pour sa propre satisfaction et risquera vite d’en faire des valeurs marchandes. Car dans une vision utilitariste, la personne est en manque, elle a des besoins. L’autre, avec ses biens corporels, devient une satisfaction des besoins et de ce manque. La logique commerciale n’est jamais très éloignée de cet horizon de pensée. L’autre est utilisé, il n’est plus vraiment considéré comme une personne en soi, avec sa dignité, il est un moyen. Depuis longtemps, on a dit que la personne humaine ne devait jamais être utilisée comme un moyen mais comme personne qui a sa fin en elle-même18. Face à cette vision utilitariste, l’Église, quant à elle, parle de « communion » des personnes19. La dualité des sexes exprime de façon remarquable et unique que nous sommes des personnes faites pour la relation, et que cette relation ne se vit jamais mieux que dans la liberté et dans l’amour, dans l’émerveillement face à l’« inconnu » qui se dévoile à moi.

Conclusion

Pour conclure, citons cet admirable texte du concile Vatican II qui nous dit à quel point est belle la relation conjugale entre un homme et une femme : « Éminemment humain puisqu’il va d’une personne vers une autre personne en vertu d’un sentiment volontaire, cet amour enveloppe le bien de la personne tout entière ; il peut donc enrichir d’une dignité particulière les expressions du corps et de la vie psychique et les valoriser comme les éléments et les signes spécifiques de l’amitié conjugale. Cet amour, par un don spécial de sa grâce et de sa charité, le Seigneur a daigné le guérir, le parfaire et l’élever. Associant l’humain et le divin, un tel amour conduit les époux à un don libre et mutuel d’eux-mêmes qui se manifeste par des sentiments et des gestes de tendresse et il imprègne toute leur vie ; bien plus, il s’achève lui-même et grandit par son généreux exercice. »20

Cette nouvelle définition de l’amour humain reflète une admirable harmonie entre le corps et tous les phénomènes qui le traversent, entre le corps et l’esprit, entre l’humain et le divin, entre la nature et la grâce. C’est à partir de cette harmonie que nous sommes conviés à penser la relation entre l’homme et la femme, dans le mystère de leur différence sexuelle, confrontée à des enjeux de sociétés toujours neufs et contradictoires.

[1] Claude Levi-Strauss, « La famille », in Bellour R. et Clément C., Claude Lévi-Strauss, Gallimard, 1979, pp. 93-131.
[2] Maurice Godelier, interview publiée dans « La famille en chantier ». Disponible sur http://www.adfh.net/actualites-news-homoparentalite/141-la-famille-en-chantier
[3] Emmanuel Todd, l’origine des système familiaux, t.1, l’Eurasie, Gallimard, 2011, p.41.
[4] Emmanuel Todd, op.cit, p.16.
[5] Cf. concile Vatican II, constitution Gaudium et spes (7 décembre 1965), n. 22, § 5.
[6] Cf. ibid, n. 12, § 3, qui fait référence à deux passages de la Bible : Genèse 1,26 ; Sagesse 2,23.
[7] Voir constitution Gaudium et spes, n. 18, § 1 : « L’homme n’est pas seulement tourmenté par la souffrance et la déchéance progressive de son corps, mais plus encore, par la peur d’une destruction définitive. Et c’est par une juste aspiration de son cœur qu’il rejette et refuse cette ruine totale et ce définitif échec de la personne ».
[8] Constitution Gaudium et spes, n. 14 § 1.
[9] Pour les « cœurs purs », le corps est « une manifestation de la beauté divine », souligne le Catéchisme de l’Eglise Catholique, n. 2519.
[10] Il faudrait ici parler de l' »eros ». Voir ici l’encyclique de Benoît XVI, Dieu est Amour (25 décembre 2005), en particulier les n.3-8. Pour donner le goût d’aller lire ces pages si lumineuses, je ne cite que ceci : « Il devient ainsi évident que l’eros a besoin de discipline, de purification, pour donner à l’homme non pas le plaisir d’un instant, mais un certain avant-goût du sommet de l’existence, de la béatitude vers laquelle tend tout notre être. (…) Ce n’est pas seulement l’esprit ou le corps qui aime : c’est l’homme, la personne, qui aime comme créature unifiée, dont font partie le corps et l’âme. C’est seulement lorsque les deux se fondent véritablement en une unité, que l’homme devient pleinement lui-même. C’est uniquement de cette façon que l’amour – l’eros – peut mûrir, jusqu’à parvenir à sa vraie grandeur ».
[11] Voir constitution Gaudium et spes, n. 36 § 2.
[12]  Constitution Gaudium et spes, n. 18 § 1. Voir aussi ibid, n.14 § 2 : « En vérité, l’homme ne se trompe pas lorsqu’il se reconnaît supérieur aux éléments matériels et qu’il se considère comme irréductible, soit à une simple parcelle de la nature, soit à un élément anonyme de la cité humaine ».
[13] Il est donc erroné d’interprêter le texte de la Genèsee comme une supériorité de l’homme masculin vis-à-vis de la femme. Les traductions dans nos langues occidentales ne permettent pas de faire la distinction entre l’être humain et l’homme, comme le remarque d’ailleurs Jean-Paul II dans ses catéchèses sur le corps. Voir Jean-Paul II, Homme et femme il les créa. Une spiritualité du corps, Cerf, 2014, p. 31 : catéchèse du 10 octobre 1979.
[14] Dynamisme vital provoqué par la rencontre des gamètes – l’ovule et le spermatozoïde – et aboutissant à une cellule au contenu génétique unique, issu de l’étonnant processus de rencontre entre les données génétiques propres à l’ovule et celles propres au spermatozoïde.
[15] Voir pour ce paragraphe et les deux suivants Karol Wojtyla, Amour et responsabilité, Stock, 1978.
[16] Pour reprendre les termes de Benoît XVI dans son encyclique Dieu est Amour, si l’eros n’est pas assumé dans l’agapè et uni intimement à lui, alors il ne s’accomplit pas et perd sa saveur.
[17] Cf. Bertrand Mathieu, La bioéthique, Dalloz, 2009, p. 33.
[18] Voir l’impératif pratique d’Emmanuel Kant : « Agis de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre, toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen ».
[19] Cf. Constitution Gaudium et spes, n. 50, § 3. Voir ibid, n. 12, § 4.
[20] Constitution Gaudiume et spes, n. 49, § 1.