Nul n’est prophète en son pays : Homélie du 8 juillet 2018

Nul n’est prophète en son pays, nous dit un proverbe bien connu. 

Et Jésus en a fait la cruelle expérience : lui qui avait grandi et passé 30 ans de sa vie à Nazareth, dans une famille toute simple et sans histoires. Il était alors parti pour commencer sa mission en enseignant, en guérissant des malades. Et le voilà qui revient dans son village, et il n’est pas reconnu comme Fils de Dieu. « C’est le charpentier, le fils de Marie qu’on connaît bien, on a joué avec lui, on a été à l’école avec lui, à la synagogue… Comment se fait-il qu’il se prenne pour un prophète, pour qui se prend-t-il avec ses miracles et ses sermons ?… ». Les gens de Nazareth lui ferment leur cœur, ils n’ont pas pu aller plus loin que leur regard humain sur lui. Ils refusent de croire que Dieu se fasse aussi humain à travers quelqu’un d’aussi proche d’eux. Jésus est rejeté en son pays de Galilée au nom même de sa proximité avec les gens. Il est trop humain pour être Fils de Dieu. C’est cela la fermeture du cœur. Quand notre cœur se ferme, on ne voit plus chez l’autre, chez les autres que les apparences. On se met à juger sur les apparences.

Cette parole de Dieu nous invite à regarder avec le cœur, pour découvrir tout ce qu’il y a de beau, de bon dans les personnes que nous côtoyons chaque jour : dans nos parents, dans nos enfants, petits-enfants, dans notre conjoint, dans nos voisins, dans nos amis, dans nos collègues de travail. Rappelons-nous la phrase du renard au Petit Prince : « on ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux. » Or, la présence de Dieu en chacun de nos frères est invisible, on la découvre qu’en écoutant la personne, en la regardant vivre. Et si elle nous parle de Dieu par son attitude aimante, son attention aux autres, sa disposition à rendre service, elle est véritablement un prophète.

Le prophète, c’est celui qui voit plus loin, plus loin que les apparences, qui discerne avec le cœur la présence de l’amour de Dieu et qui en témoigne. C’est cela notre mission de chrétien, de baptisé. Notre baptême a fait de nous des prophètes, capable de percevoir l’amour de Dieu dans les cœurs et de le répandre, de l’annoncer. Vous avez entendu dans la première lecture comment Ezéchiel est devenu un prophète : l’Esprit-Saint est venu en lui et l’a fait mettre debout, et le Seigneur lui a dit : « je t’envoie vers les fils d’Israël, ce peuple de rebelles, c’est à eux que je t’envoie… et tu leur parleras ». Eh bien, nous-mêmes nous avons été faits prophètes par le baptême, nous avons reçu l’Esprit-Saint, qui nous aide à tenir debout ; nous avons été confirmés dans cette mission par le sacrement de confirmation. Et si nous n’avons pas reçu la force de ce sacrement, il est toujours temps de le faire !…

Nous aussi, comme le prophète Ezéchiel, nous sommes envoyés pour transformer le monde, pour y répandre l’amour, la paix, la réconciliation… partout, là où nous sommes, là où nous habitons, partout dans nos quartiers, dans nos relations, dans nos vies de famille… Notre vocation de baptisés prophètes, ce n’est pas de faire du sur place, d’être simplement des consommateurs, mais des acteurs… C’est une mission difficile, on se sent bien pauvres, bien faibles, tellement la tâche est grande…Mais nous pouvons compter sur le Seigneur et sur la force de son amour, sur sa grâce qui nous rejoint dans notre faiblesse. « Ma grâce te suffit » dit le Seigneur à St Paul. Ma puissance donne toute sa mesure dans ta faiblesse… oui ma puissance donne toute sa mesure dans ta faiblesse. Cette grâce, nous venons la puiser dans l’eucharistie, dans le pain de Vie, pain de la route vers nos frères et sœurs, pain pour les moments d’épreuve et de doute, pain pour notre aventure de prophète du Christ ressuscité. Alors bon été sur nos chemins de prophètes, sur nos routes de prophètes.