Quelle formation reçoivent les futurs prêtres au séminaire Saint-Yves de Rennes ?

Le cloître du séminaire St Yves

Les ordinations de 3 prêtres en juin 2023 à Rennes sont l’occasion de se pencher sur la formation des séminaristes aujourd’hui. Rencontre avec le supérieur du séminaire Saint-Yves de Rennes, le père Louis de Bronac, et son directeur des études, Thomas Gueydier.

Rencontre avec le père Louis de Bronac, ordonné prêtre du diocèse de Vannes en 2012, formateur au séminaire Saint-Yves de Rennes depuis 2 ans et recteur depuis septembre 2022.

Le père Louis de Bronac est recteur du séminaire de Rennes depuis septembre 2022
Le père Louis de Bronac devant la statue de St Yves, saint patron du séminaire et des bretons

Le séminaire de Rennes est diocésain mais avec un fonctionnement interdiocésain : quelle richesse cela apporte-t-il ?

Les séminaristes, les professeurs et les formateurs viennent des différents diocèses de la Bretagne et de la Basse-Normandie. Cela ouvre un peu à la dimension plus universelle de l’Église et pas uniquement de l’Église diocésaine. Ça ajoute aussi un certain nombre de défis, notamment pour les insertions pastorales, pour cultiver un lien avec les diocèses. La diversité, elle se trouve aussi parmi les candidats. Les candidats peuvent arriver de différentes histoires vocationnelles, de différents milieux sociaux, ecclésiaux.

L’ambition de cette formation est extrêmement large ?

L’idée du séminaire, c’est la formation intégrale des futurs prêtres. Il y a quatre dimensions : intellectuelle, humaine, spirituelle et pastorale. Il y a évidemment l’idée d’acquérir des connaissances, mais surtout d’approfondir la foi et la capacité à rendre compte et également à former l’homme intérieur, à le laisser progressivement être configuré au Christ Pasteur.

On fête l'anniversaire d'un séminariste !
On fête l’anniversaire d’un séminariste !

Qui sont les formateurs ?

L’équipe des formateurs est déjà composée de prêtres et de laïcs qui ont chacun leur expérience ou leur domaine d’expertise. On fait aussi appel à des spécialistes dans un certain nombre de domaine. Et on s’appuie aussi sur les capacités, les talents, les connaissances des séminaristes, parce que c’est aussi beaucoup par le partage, les échanges entre les séminaristes que la formation s’effectue. Donc chaque séminariste est acteur de sa formation. La formation se réalise beaucoup par la vie communautaire, le travail, l’apostolat en commun également.

Quelles sont les évolutions depuis la nouvelle Ratio définissant la formation données aux séminaristes ?

Le Vatican a d’abord produit des normes mises à jour qu’on appelle la Ratio. Des précisions ultérieures ont été publiées pour la France en 2022 et nous sommes dans la mise en œuvre de cette ratio. Désormais, on insiste plus sur la dimension de chemin de progression et d’étapes, qui ne sont pas forcément prédéfinies par un temps alloué, mais qui peuvent se parcourir dans le temps minimum ou avec un temps plus développé, le temps d’avoir atteint un certain développement intérieur. Il y a une forte insistance sur l’implication du séminariste lui-même dans sa formation. Un prêtre se forme en réalité toute sa vie. Il rencontre à chaque âge de la vie de nouveaux défis et du coup, est toujours à mettre à jour sa formation.

On met aussi en valeur la formation humaine et on n’hésite pas à se faire aider par des psychologues, lors de sessions. L’affectivité et la maturité psychologique du prêtre est un souci qui est porté de façon très, très sérieuse. Nous avons complété des choses qui étaient déjà mises en place dans les quinze dernières années.

Au sein des séminaires de France, il y a actuellement une série de visites. Une équipe constituée d’un évêque, d’un supérieur de séminaire, d’un curé et de laïcs engagés dans l’Eglise, s’invitent pour 48 h au sein d’un séminaire et interrogent à la fois les séminaristes, les professeurs, les jeunes prêtres sortis du séminaire, les intervenants pour faire le point sur la mise en œuvre de cette ratio. Nous aurons la visite d’une telle équipe au mois d’octobre 2023.

Chaque jour, les séminaristes animent la Messe dans la chapelle de la Maison diocésaine
Chaque jour, les séminaristes animent la Messe dans la chapelle de la Maison diocésaine

Le séminaire semble désormais un lieu assez ouvert sur le monde ?

Le séminaire doit fournir un cadre propice à la contemplation, à l’intériorisation de la doctrine chrétienne. Cela donne l’idée d’un lieu de silence et de prière. Mais la plupart des séminaristes qui arrivent ont fait des études profanes ou ont travaillé, et donc une surface de contact bien plus importante avec les préoccupations des fidèles d’aujourd’hui et de la société. Dans la formation, il y a régulièrement des temps d’insertion, soit dans la vie des paroisses, soit même dans la société civile.

Il n’est pas rare que les séminaristes, entre la deuxième et la troisième année, partent une année entière en stage. Mais même au cours des vacances, et puis au cours de l’année, il y a ces périodes en paroisse, ces expériences de mission, ces expériences de rencontres. C’est une dimension qui fait du séminaire d’aujourd’hui quelque chose de très différent, évidemment, du séminaire des années 50.

Comment se fait la découverte de la vie paroissiale ?

Dès la première année et cela se renforce au cours du séminaire. Et pendant l’année diaconale, c’est plus des trois quarts du temps passé en paroisse et des temps de formation et de relecture de l’expérience qui se passent au séminaire, une semaine par mois à peu près. Cette année de « synthèse vocationnelle », comme on l’appelle, est vraiment une année d’élaboration du rythme de vie du séminariste qui s’adapte à un nouveau cadre.

Le séminaire est dédié à St Yves, saint patron des bretons, et a été fondé par saint Jean Eudes en 1670
Le séminaire porte le nom de St Yves, saint patron des bretons et des avocats. Il a été fondé par saint Jean Eudes en 1670

Comment se préparer à être prêtre dans une Eglise en mutation et en questionnement ?

Je leur dis qu’il faut vraiment qu’ils se préparent à vivre dans un monde très changeant et donc qu’ils doivent être bien ancré dans le Seigneur, à l’écoute des paroissiens et du monde qui les entoure. C’est avec cette écoute profonde et constante qu’ils arriveront à s’adapter et à être créatifs dans le monde auquel ils sont envoyés. Il n’y a pas de recettes de bonne pratique. Il y a une humilité du séminariste et du pasteur à acquérir !

La vie communautaire et fraternelle du séminaire est-elle aussi un apprentissage ?

Le ministère presbytéral, par nature, est un ministère qui s’exerce en communauté. Les prêtres sont les collaborateurs de l’évêque et partagent un même ministère et du coup, se préparer au ministère sacerdotal c’est se préparer à cette collaboration-là. Cela passe par une vie communautaire assez exigeante. C’est un défi dans un monde très individualiste. Pour certains, c’est une grande découverte. En tout cas, c’est un sacré travail pour tout le monde d’appartenir à un corps où chacun est complémentaire et agit selon ce qu’il est et apporte sa pierre à l’édifice.

Chacun s’aperçoit que son histoire personnelle individuelle s’inscrit dans la vie de l’Église, dans une histoire plus vaste. Cela oblige à renoncer à des vues trop personnelles, à certaines habitudes, à certaines mauvaises habitudes, même. Mais en même temps, c’est la découverte de synergie et de complémentarité, et donc ça a un côté très engageant.

Comment cette formation concerne-t-elle les paroissiens ?

Il faut se rappeler que la finalité de toute la formation reçue au séminaire est pastorale, est en vue de la vie en paroisse. On compte pas mal sur les équipes des paroisses, donc les curés et leurs vicaires, et puis tous les laïcs qui font partie de la paroisse, pour participer à la formation du séminariste, à son encouragement. On compte à la fois sur leur prière, sur leur bienveillance, mais aussi sur leur exigence et sur leur spontanéité pour leur faire part de leurs aspirations, de leurs attentes, en tout cas de celle qu’ils portent profondément et qui dont ils sont persuadés qu’elles sont justes. Parce que cela aide grandement le séminariste à se préparer à la vie paroissiale et à se positionner d’une façon vraiment juste, à l’image du Christ bon Pasteur qui vient se faire serviteur de tous.

Mgr d’Ornellas ordonnera 3 prêtres
le dimanche 25 juin 2023

Hubert, Loïc et Pierre, les trois candidats à l’ordination sacerdotale, se présentent longuement à nous.

Qui sont les séminaristes de Rennes ?

En cette fin d’année 2022-2023, 16 séminaristes se préparent à la prêtrise pour le diocèse de Rennes. Mais on compte encore parmi eux les trois diacres qui seront ordonnés le 25 juin à Rennes.

Après les ordinations de juin, il restera :

  • 7 séminaristes en formation au séminaire Saint-Yves à Rennes : 2 en 1re année, 1 en 2e année, 3 en 3e, 1 en 5e année.
  • 6 séminaristes à l’extérieur de Rennes : 1 au Séminaire du diocèse de Paris (3e année), 2 à la Maison de ND de l’Emmanuel (en 1re et 2e année), 2 au Studium de Notre-Dame de Vie à Venasque (en 1re et 5e année + Pierre Le Thieis qui y poursuit des études en licence) et 1 qui termine un BTS au Mans et qui rentrera en 4e année à Rennes.

Mais d’autres jeunes rentreront peut-être en septembre, en provenance de l’année de propédeutique (année de discernement spirituel) !

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Rencontre avec Thomas Gueydier, directeur des études du séminaire Saint-Yves de Rennes.

Thomas Geydier, directeur des études du séminaire, est laïc et aussi directeur de l'Institut de Formation Théologique de Rennes
Thomas Gueydier, directeur des études du séminaire, est laïc et aussi directeur de l’Institut de Formation Théologique de Rennes

Comment sont organisées les études au séminaire ?

La première étape, qui dure deux ans, est celle de « la formation du disciple » : c’est l’étape des études philosophiques, qui conduisent à une compréhension et à une interprétation plus profonde de la personne, de sa liberté, de ses relations avec le monde, avec Dieu. Au sein de la philosophie, il y a l’anthropologie, qui est la connaissance de l’homme, la métaphysique, qui consiste à réfléchir aux questions fondamentales ou encore la philosophie de la nature, la philosophie morale, l’histoire de la philosophie, etc. Ici, nous commençons par étudier, en premier cycle, deux grands auteurs : saint Augustin et saint Thomas. Dès cette première étape, il y a aussi les cours de liturgie, d’histoire de l’Église, de théologie et d’Écriture Sainte, bien sûr.

La deuxième étape, pendant trois ans, est « la configuration au Christ » : c’est l’étape des études théologiques. L’étude de l’Écriture Sainte, qui est comme l’âme de la théologie (Constitution Dei verbum, n°24) y occupe une place déterminante. Il y a ce qu’on appelle la théologie dogmatique, qui s’intéresse aux vérités de foi comme la Trinité, la Création ou le Salut, par exemple. Il y a aussi la théologie morale, qui répond à la question « que dois-je faire comme chrétien ? » ou encore la théologie spirituelle, qui propose d’étudier les grands mystiques, entre autres.

La dernière étape est celle de la synthèse vocationnelle. Cette sixième année est focalisée sur la théologie pastorale. Les séminaristes sont déjà sur le terrain puisque la plupart d’entre eux ont été ordonnés diacres à cette étape-là. Ils reviennent étudier une semaine par mois au séminaire. Ils sont alors invités à opérer un va et vient entre pratique paroissiale et réflexion théologique.

Cette formation au séminaire est vraiment conçue comme le premier jalon d’une formation permanente. La nouvelle Ratio (orientations des évêques de France sur la formations des séminaristes, entrées en vigueur en septembre 2022) insiste sur ce point. Le but de la formation intellectuelle au séminaire est de fournir un ensemble d’outils et d’habitudes qui permettront aux séminaristes de continuer à scruter, tout au long de leur vie de prêtre, le mystère de Dieu et le mystère de l’Homme éclairés par le Verbe incarné.

Cours au séminaire St Yves
Cours au séminaire St Yves. Un intervenant extérieur est présent pour ce cours de psychologie, et une femme laïque y assiste aussi, certains cours étant ouverts au public

Ce programme, exigeant sur le plan intellectuel, est-il accessible à tous les séminaristes, qui n’ont pas tous fait des études supérieures ?

La variété des profils des séminaristes suppose une pédagogie. Les professeurs ont à cœur d’adapter leur enseignement à chaque séminariste. De plus, chaque séminariste a un tuteur qui peut l’aider, si nécessaire, à organiser son travail, surtout s’il n’a pas l’habitude de rédiger ou s’il a des difficultés avec la langue française.

Comment préparez-vous les séminaristes aux questions qui traversent l’Église ?

Un des éléments structurants de la formation intellectuelle est la formation à la disputatio : lors de cet exercice médiéval, qui couronnait les études de théologie, les étudiants s’emparaient d’un sujet et s’exerçaient à échanger des arguments afin d’éduquer leur raison à la recherche de la Vérité. Il s’agit de préparer les séminaristes à annoncer la foi dans ce monde en prenant en compte les critiques faites par nos contemporains au mystère de la foi. De manière plus habituelle, le débat est pratiqué au sein des cours par beaucoup de temps d’échanges et un certain nombre de travaux de groupes.

La formation intellectuelle au séminaire a pour but de servir la mission, afin que chacun soit capable de rendre compte de l’Espérance qui est en lui (1 P. 3,15).

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